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Recrutement des enseignants-chercheurs et persistance du localisme ? Par Béatrice Mabilon-Bonfils, Professeure d’université.
Parution : mercredi 24 juin 2020
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En France, les enseignants-chercheurs sont recrutés par concours. La procédure d’obtention du label européen HRS 4R vise notamment à améliorer les conditions d’équité de ces recrutements. En quoi est-elle de nature à limiter la persistance du localisme clientéliste des recrutements universitaires qui peuvent contrevenir à la loi mais aussi à l’esprit de la loi ?

Notre premier article a interrogé les conditions de recrutement des enseignants-chercheurs au regard de la procédure du label européen HRS 4R (« Human Resources Strategy for Researchers ») visant à améliorer les pratiques des organismes et établissements de recherche en matière de recrutement et de cadre d’exercice des chercheurs. Ce label impose des conditions d’ouverture des concours et d’équité des candidats (contractuels ou non contractuels) et conditionne l’obtention de fonds de l’Union européenne, fonds dont les universités française ne peuvent se passer.

Les universités en quête de ce label désormais indispensable à l’obtention de financements européens se retranchent fréquemment derrière l’idée que les procédures nationales de recrutement des enseignants-chercheurs garantissent déjà cette équité. [1]

Notre second article a posé un certain nombre de pratiques et processus par lesquels les concours d’enseignants-chercheurs peuvent déroger aux garanties d’égalité des candidats devant un concours de la fonction publique.

Le recrutement des enseignants-chercheurs a été qualifié de concours par le Conseil d’État qui a explicitement qualifié ces opérations de concours (CE, 25 février 2015, Université de Nice Sophia-Antipolis, Req n°374002) et a, en conséquence, reconnu la qualité de jury de concours aux comités de sélection (CE, 23 octobre 2013, Université de Lorraine, Req n°359919 ; CAA Paris, 30 décembre 2016, Muséum national d’histoire naturelle, Req n°16PA00637). Dès lors, le principe d’égalité des candidats à un concours, découlant lui-même du principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics, implique que les candidats doivent être traités de manière identique tout au long du processus de sélection.

Ce troisième volet abordera la question de la persistance du localisme des recrutements universitaires au regard de la jurisprudence, du droit et de la déontologie.

Pratiques d’endo-recrutement, localisme et déontologie.

Selon le professeur Charles Fortier "Chacun sait que le recrutement universitaire est marqué par une tendance lourde au clientélisme et au localisme que l’intervention préalable du CNU n’a donc nullement enrayée" (Fortier, 2015, p.187). "Ce qui caractérise le recrutement des universitaires en France (…), c’est la fermeture du marché et la domination des pratiques clientélistes, qui portent atteinte non seulement à l’égalité entre les candidats, mais à l’objectivité du recrutement (pour reprendre le critère wébérien du bon recrutement). La principale marque de ce clientélisme, c’est le localisme : on recrute prioritairement celui qui est originaire de l’université où le poste est déjà en place." [2]. Pour lutter contre cette tendance lourde, le législateur a remplacé en 2007 les "commissions de spécialistes", qui étaient généralement locales par des "comités de sélection" ad hoc définis pour chaque recrutement. Ils doivent être composés, pour moitié au moins, de membres extérieurs à l’université d’affectation et n’opérant que pour un poste donné. Cela n’est pas de nature à contrecarrer les pratiques de localisme.

Le juriste Fortier indique que l’une des dysfonctions tient au fait que les membres extérieurs sont proposés, pour chaque concours, par les ressortissants locaux de la discipline considérée, et que dès lors "rien ne pouvait exclure qu’ils fussent choisis au gré des relations personnelles selon les enjeux en cause." Dès lors, le dispositif s’avère au mieux "insuffisant et au pire contre-productif, permettant que l’issue du concours soit verrouillée par la formation a priori, au sein du comité de "sélection, d’une solidarité conduisant à une majorité artificiellement renforcée au service des préférences locales. " [3].

Son argumentaire résonne sur celui de Beaud (2012) : avec une commission ad hoc, le fameux comité de sélection, rien ne peut empêcher que l’on compose un comité en fonction du résultat que l’on veut obtenir : après les profils de postes dits "à moustache", voici désormais les "comites de sélection à moustache ". Tout est donc calibré pour recruter la personne déjà identifiée que l’on veut recruter, sur un profil prédéterminé (le fléchage du poste), cette personne étant, comme par hasard, issue soit de l’université ou de l’établissement qui recrute… sans compter sur les réseaux et conflits de territoire de pouvoirs au sein des laboratoires.

Comme le montre la publication des profils de poste par les universités pour chacun des postes ouverts [4], celles-ci ne cherchent pas à recruter le candidat quasi-interchangeable que produirait un concours strictement identique pour tous, mais le/la candidat/e qui correspond à leur situation et à leurs attentes particulières. Ce qui est légitime, à condition qu’un traitement impartial des candidats au recrutement soit respecté selon les principes du droit de la fonction publique. Le texte le plus général applicable est l’article L 100-2 du Code des relations entre le public et l’administration : « L’administration agit dans l’intérêt général et respecte le principe de légalité. Elle est tenue à l’obligation de neutralité et au respect du principe de laïcité. Elle se conforme au principe d’égalité et garantit à chacun un traitement impartial ».

La Charte européenne du chercheur et le Code de conduite pour le recrutement des chercheurs publié par la commission européenne en 2005 donnait déjà quelques indications, précisant que les bailleurs de fonds ou les employeurs des chercheurs devraient être responsables, en tant que recruteurs, d’offrir aux chercheurs des procédures de sélection et de recrutement qui soient ouvertes, transparentes et comparables à l’échelle internationale ; que le code de conduite pour le recrutement des chercheurs devait garantir le respect de valeurs telles que la transparence du processus de recrutement et l’égalité de traitement de tous les candidats. Un des points soulevés notamment par ce code repose sur le fait que les annonces de postes devraient donner une description étendue des connaissances et compétences requises, et ne devraient pas être spécialisées au point de décourager les candidats recevables. (Souligné par nous.) [5]

L’ambition de la réforme de la loi LRU était de s’attaquer à la variante locale du clientélisme en prévoyant la condition d’extériorité posée à l’article L. 952-6-1. L’instauration des comités de sélection a-telle réussi à lutter efficacement contre cette tendance au localisme clientéliste ? Cette seule question mériterait un travail de recherche national articulant recueil statistiques et qualitatifs Le principe de cooptation collégiale par les pairs, règle universitaire devrait-il être mieux encadré ? L’esprit de la loi est-il respecté ? L’étude du contentieux juridique donne cependant quelques pistes de réflexion.

Que dit la jurisprudence ?

Il n’est évidemment pas possible ici de faire un point exhaustif voire même représentatif de toutes les jurisprudences questionnant le recrutement des enseignants-chercheurs tant le contentieux est fréquent. Nous nous bornerons dans cet article à quelques illustrations. Le site officiel Galaxie publie d’ailleurs une analyse de la jurisprudence relative aux situations de défaut d’impartialité des membres des comités de sélection reprenant tous les principes de nature à renforcer l’impartialité des membres des comités de sélection des enseignants-chercheurs de statut universitaire défini par le collège de déontologie paru dans le Bulletin officiel n°8 du 21 février 2019. [6]

Ce vade-mecum de déontologie des recrutements mérite une réflexion collective des universitaires. Une grille indicative d’aide à la détection de situations de partialité à disposition des membres de comité de sélection est en ligne. [7]

Plusieurs points notamment sont à repérer : pointons notamment dans les situations susceptibles de mettre en cause l’impartialité, se posera question de la présence du supérieur hiérarchique d’un(e) candidat à prendre en compte tenu dans le contexte. Les liens professionnels, intellectuels ou personnels accolés à un « feu orange » dans la grille indicative s’ils ne suffisent pas, chacun pris isolément, à mettre en cause l’impartialité d’un membre, doivent engendrer une grande vigilance à l’égard du risque de partialité doit être renforcée, cette appréciation dépendant notamment de l’intensité et de l’ancienneté des liens. "Ainsi, s’agissant des liens intellectuels, une vigilance particulière doit être apportée au cas d’un membre du jury qui : a été directeur/directrice de thèse ou garant(e)/tuteur-tutrice HDR d’un candidat ou d’une candidate dans une période comprise entre cinq et dix ans avant le concours concerné , a supervisé des travaux de recherche présentés par un candidat ou une candidate au comité de sélection dans la même période précédant le concours , a cosigné une proportion importante de travaux de recherche avec un candidat ou une candidate." Cette grille ne suffit cependant pas à lever toutes les ambiguïtés.

De notre point de vue certains éléments de jurisprudence sont heuristiques et peuvent nous permettre de réfléchir dans le cadre de la labellisation européenne afin que les questions de déontologie universitaire ne restent pas de simples rhétoriques auto-légitimantes. De fait, les contentieux sont fréquents.

Les recours peuvent porter sur la composition ou les décisions du comité de sélection.

Selon la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée en 2011 par le vice-président du Conseil d’État, « un conflit d’intérêts est une situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé d’une personne qui concourt à l’exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ».

Depuis, la loi du 20 avril 2016 a rappelé le devoir de probité du fonctionnaire, avant de préciser qu’il « veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver » et que, puisqu’il semble nécessaire d’être explicite même en pareille matière, le fonctionnaire qui, dans une telle situation, « appartient à une instance collégiale, s’abstient d’y siéger ou, le cas échéant, de délibérer ».

Un comité de sélection, qui émet un avis défavorable sur certains candidats prend une décision susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir par ces candidats. La décision défavorable du comité de sélection doit donc être suffisamment motivée. Est insuffisant le fait d’indiquer à un candidat non retenu qu’il ne correspond pas au profil du poste ouvert (CE, 14 oct. 2011, n° 333712) les rapports au vu desquels le comité fixe la liste des candidats qu’il souhaite entendre doivent, pour chaque candidature, être établis de manière individuelle par chacun des deux rapporteurs (reflétant des opinions respectives de leurs auteurs) à peine d’irrégularité de la procédure entraînant l’annulation du recrutement décidé par le conseil d’administration de l’établissement d’enseignement supérieur (CE, 11 juill. 2012, n° 330366)

De même saisie pourvoi dans le cadre d’un contentieux portant sur une procédure de recrutement d’un maître de conférences d’une université, la Haute juridiction précise que la seule circonstance qu’un membre du jury d’un concours connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu’il s’abstienne de participer aux délibérations de ce concours. En revanche, le respect du principe d’impartialité exige que, lorsqu’un membre du jury d’un concours a avec l’un des candidats des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation, ce membre doit non seulement s’abstenir de participer aux interrogations et aux délibérations concernant ce candidat mais encore concernant l’ensemble des candidats au concours.

En outre, un membre du jury, qui a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l’impartialité requise, doit également s’abstenir de prendre part à toutes les interrogations et délibérations de ce jury en vertu des principes d’unicité du jury et d’égalité des candidats devant celui-ci. (CE 17 oct. 2016 n° 386400, Université de Nice-Sophia Antipolis).

Le recours peut porter sur les motivations. Une candidate à un concours de recrutement de professeur des universités conteste les délibérations du comité de sélection, celle du conseil académique se prononçant sur le recrutement, le rejet par le président de l’université de sa demande de réexamen de sa candidature, enfin le décret du Président de la République nommant un autre candidat sur le poste à pourvoir. Elle obtient gain de cause, faute pour le comité de sélection d’avoir explicité, autrement que par une formule stéréotypée, les raisons pour lesquelles il a estimé que la candidature de la requérante n’était pas en adéquation avec le profil du poste ouvert au recrutement. Injonction est faite au comité de sélection de réexaminer dans un délai de trois mois les candidatures au poste de professeur à pourvoir. (CE, 27 janvier 2020 n° 415314 416560)

Le contrôle qu’opère le juge sur l’appréciation relative à l’adéquation du candidat au profil du poste à pourvoir suppose que le comité de sélection la justifie.

La connaissance d’un candidat par un membre du jury est un cas fréquent. (CE 7 juin 2017, no 382986) La seule circonstance qu’un membre du jury d’un examen ou d’un concours connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu’il s’abstienne de participer aux délibérations de cet examen ou de ce concours. En revanche, le respect du principe d’impartialité exige que, lorsqu’un membre du jury a avec l’un des candidats des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation, ce membre doit s’abstenir de participer aux interrogations et aux délibérations concernant ce candidat.

Les considérations étrangères aux mérites des candidats ne peuvent étayer une décision. La liste des pièces figurant au dossier de candidature est fixée par arrêté du ministre de l’Enseignement supérieur. Elles sont limitativement énumérées par le ministre. Le comité de sélection ne peut pas légalement compléter le dossier du candidat par des documents complémentaires. Le juge contrôle non pas l’appréciation du mérite des candidats portée par le comité constitué en jury mais vérifie si elle ne s’est pas prononcée sur le fondement d’autres éléments que le seul examen des titres et dossiers. L’illégalité commise par la commission de spécialistes en réclamant et en lisant les rapports préparatoires établis par le jury de thèse d’un candidat constitue une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement. (CE, 9 juill. 2007, Université Nice Sophia-Antipolis).

Un professeur avait émis à l’encontre d’une candidate, de ses travaux et de sa manière de travailler, des considérations extérieures à l’appréciation de ses mérites scientifiques et mettant en cause son comportement privé. Dans ces conditions, ce professeur "ayant exercé la présidence de la commission, celle-ci n’a pu délibérer dans des conditions garantissant l’impartialité requise". Les juges ajoutent que "le contenu de ces jugements [inscrits dans ses rapports passés] aurait dû conduire [le président de la commission] à ne pas siéger lors de l’examen de [cette] candidature". Il en résulte que l’objectif unique de la commission est de procéder "à l’appréciation des mérites scientifiques" des candidats et que tout membre de la commission qui auparavant a manifesté dans un rapport écrit des considérations extérieures à ces mérites, ne peut plus participer à la commission (CE, 26 janv. 2007, n° 280955, Catherine B. c/ min. Éduc. nat.).

La prévention du "localisme" ne fait pas encore l’objet d’une jurisprudence très fournie mais commence à etre posée par les tribunaux. En l’espèce un poste de professeur des universités en ouvert dans une l’université était offert au recrutement. Le conseil d’administration souhaitait qu’il soit pourvu par un enseignant directeur d’un institut de l’université. Cependant un tel recrutement doit être effectué compte tenu de l’avis de la commission de recrutement. Cette dernière a proposé une liste sur laquelle la requérante était classée première. Le conseil d’administration, comme l’y autorisait la réglementation a rejeté la liste. N’ayant pas motivé sa décision il l’a ensuite retirée. Par une nouvelle délibération, il a réitéré son rejet. Le poste a de nouveau été publié et, une fois encore, la commission des spécialistes a classé la requérante en première position. Par une troisième délibération le conseil d’administration a de nouveau rejeté la liste. Cette dernière délibération était motivée par les recours effectués par la requérante contre les deux délibérations précédentes. Elle a donc été retirée et suivie immédiatement par une quatrième délibération motivée par "le profil de la candidate classée en tête qui ne paraissait correspondre parfaitement aux caractéristiques de l’emploi telles qu’elles avaient été précisées".

Le Conseil d’État annule toutes ces délibérations au motif qu’il ressort des pièces du dossier que les différents rejets se fondaient "sur le refus de proposer la nomination, quel que fût l’avis de la commission des spécialistes, de tout autre candidat que celui qui était déjà en fonction dans cette université. Ces décisions sont entachées de détournement de pouvoir et doivent être annulées en tant qu’elles rejettent la proposition de la commission de spécialistes. (CE 4 nov. 2002, n° 229821)

- La notion d’impartialité a notamment été traitée dans l’arrêt (TA Paris, 4 juill. 2018, no 1713905). Le tribunal a rappelé que, dans le cas particulier d’un concours sur titres et travaux, la participation au jury du supérieur hiérarchique d’un candidat peut être de nature à priver de garantie le respect du principe de l’égalité entre candidats et à caractériser un défaut d’impartialité dans certaines circonstances particulières, appréciées notamment au regard de la direction effectivement exercée sur les travaux du candidat, de la nature des fonctions assumées au sein du jury, du nombre de membres dont est composé celui-ci et de leurs compétences. Cette situation est donc à évaluer au cas par cas. Ainsi par exemple dans le cas d’un candidat malheureux à un concours de recrutement pour un poste de maître de conférences le requérant a demandé au tribunal administratif l’annulation de la délibération du jury au motif qu’a siégé dans le jury le directeur de thèse du candidat retenu, avec lequel celui-ci avait de surcroît co-signé plusieurs articles.

Tout en précisant que l’appréciation de l’impartialité d’un jury de concours doit tenir compte de « la nature hautement spécialisée du recrutement » et « du faible nombre de spécialistes de la discipline », le Conseil d’État estime que, même si le recrutement concernait un champ disciplinaire très spécialisé, l’intensité des liens entre le candidat reçu et son directeur de thèse faisait obstacle à ce que celui-ci participe au comité de sélection. ( CE, 12 juin 2019)

Conclusion.

Conformément à l’article L. 952-1-1 du code de l’éducation, la mobilité, en termes de recrutements extérieurs, constitue l’un des objectifs de la stratégie de ressources humaines des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel

Selon la note de la DGRH ‐ Enseignement supérieur ‐ n° 7 ‐ Juin 2017 respectivement 20 % et 44 % des MCF et des PR ont été endo-recrutés et les données n’ont que peu évolué depuis 2000 : il s’agit dans cette taxonomie de MCF qui ont passé leur thèse dans l’établissement où ils sont recrutés et pour les professeurs il s’agit de MCF exerçant préalablement au moment du recrutement, déjà en fonction dans ce même établissement en tant que MCF dans ’établissement. Mais ces données masquent une partie des pratiques… et la question de la définition de la notion et donc des chiffres de l’endo-recrutement des universités mériterait une vraie analyse/discussion approfondie. [8] Certes, les formes de détournement de pouvoir sont parfois difficiles à prouver mais il est de la mission des universitaires de penser cette question…

Il est important de noter en tout cas que le Conseil d’État valide désormais, dans le cadre du contrôle qu’il exerce sur les recrutements universitaires, l’objectif d’un établissement de favoriser les recrutements externes : un conseil d’administration pourrait légalement, en vertu d’une lecture a contrario de l’arrêt n° 364138 du 23 décembre 2014, rejeter la proposition d’un comité de sélection au motif que la candidature qu’il a retenue est locale, alors même que le profil du candidat correspondrait aux attentes scientifiques et pédagogiques attachées au poste à pourvoir. Cette jurisprudence ne trouve certes à s’appliquer que si l’université a formulé clairement l’objectif de favoriser les recrutements externes. Mais si le Conseil d’État a pris soin de préciser « qu’il appartient au conseil d’administration d’apprécier, au cas par cas, la mise en œuvre de cet objectif global, qui ne peut qu’être indicatif et ne saurait être assimilé à une règle impérative », la juridiction administrative n’en ouvre pas moins la voie à la limitation du phénomène du localisme indépendamment de toute norme nationale à ce sujet. (CE, 23 décembre 2014) montre quand même tendance du juge administratif à aller vers la prévention du localisme . Cela laisse aux universités des choix de politique scientifique.

En tout état de cause, la liberté universitaire ne peut pas être le paravent derrière lequel se cachent ceux qui ne respectent pas la déontologie universitaire. Si les lois sont très largement ce que nous en faisons, les normes déontologiques faisant l’objet d’une régulation interne à la corporation doivent notamment prendre en compte et traiter les biais éthique que nous avons abordés dans nos trois articles En général, les manœuvres locales préfèrent l’ombre à la lumière. Rien pourtant n’impose une telle opacité. Ce sera l’objet des articles suivants.

Bibliographie

Beaud O., (2012) La réforme du recrutement ou l’aggravation des tares du système français,

Fortier C., (2015), Recrutement universitaire : accélérer le changement AJFP 2015.

Musselin C. (2010), « The Impact of Changing Recruitment Practices on Academic Profiles », in Gordon G. et Whitchurch C. (eds), Academic and Professional Identities in Higher Education. The Challenge of a Diversifying Workforce, Routledge, New York and London, 125-137

Béatrice Mabilon-Bonfils Professeure d'université Directrice du laboratoire BONHEURS Laboratoire BONHEURS CY Paris université

[2Beaud, 2012, p.126

[3Fortier, ibid., p 288

[4Musselin, 2010