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La suppression temporaire du bureau de conciliation et d’orientation devant le Conseil de prud’hommes. Par Ugo Giganti, Avocat.
Parution : mardi 26 mai 2020
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L’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, discrètement publiée le jour de la fête de l’Ascension, introduit en matière prud’homale une révolution historique (quoique temporaire) en vue de fluidifier une machine judiciaire s’étant singulièrement grippée au cours des derniers mois. Les audiences de conciliation et d’orientation s’en trouvent supprimées, sous réserves de quelques conditions.

L’audience de conciliation et d’orientation en matière prud’homale est un préalable obligatoire souffrant de peu d’exceptions.

Malgré les nombreuses critiques dirigées à l’encontre de cette audience ne représentant, dans l’immense majorité des cas, qu’une formalité allongeant les délais de procédure et renchérissant le coût du contentieux prud’homale, celle-ci a survécu aux réformes procédurales de ces dernières années.

Mieux encore, cette audience s’en est trouvée enrichie par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 qui lui a véritablement dévolu le rôle de mise en état de l’affaire afin de décharger les rôles surchargés des bureaux de jugement et, aussi, multiplier les chances de conciliation.

Mais nécessité fait loi alors que les juridictions prud’homales ont été profondément désorganisées par la grève des avocat contre le projet de réforme des retraites puis par l’épidémie de Covid-19.

Afin de fluidifier le contentieux, l’article 11-3 de l’ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 prévoit ainsi que :

« Lorsque, trois mois après la saisine du conseil de prud’hommes, l’audience du bureau de conciliation et d’orientation n’a pas eu lieu ou le procès-verbal prévu à l’article R. 1454-10 du code du travail n’a pas été établi et la décision sur le fondement de l’article R. 1454-14 du même code n’a pas été prise, l’affaire est, en l’absence d’opposition du demandeur, renvoyée devant le bureau de jugement approprié au règlement de l’affaire à une date que le greffe indique aux parties par tout moyen. »

Sans que le défendeur n’ait son mot à dire, l’audience du bureau de conciliation et d’orientation est donc de facto supprimée, les parties étant renvoyés directement devant le bureau de jugement, le texte ne précisant d’ailleurs pas si un calendrier de procédure sera fixé d’autorité par le greffe.

Cet article est « d’application immédiate » et est donc entré en vigueur le 22 mai 2020.
Il s’appliquera jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire plus 1 mois soit, à ce jour, jusqu’au 10 août 2020 inclus.

Surtout, il s’appliquera aux instances en cours ce qui, devant nombre de juridiction d’ores et déjà fortement surchargées, est susceptible de concerner la quasi-totalité des affaires actuellement en souffrance.

Il revient maintenant aux conseils de prud’hommes de se réorganiser afin d’utiliser cette fenêtre de tir pour dédoubler les bureaux de jugements afin d’apurer au plus vite les stocks d’affaires accumulés alors que la vague des licenciements à venir laisse présager une recrudescence du contentieux prud’homal.

Mais il est également de la responsabilité des plaideurs de faire preuve d’autodiscipline et de ne pas se réfugier derrière l’absence de mise en état effective pour solliciter, comme autrefois, des renvois en pagaille à l’occasion de l’audience de plaidoirie.
Reste à savoir si cet ajustement de circonstance, sorte de ballon d’essai donc personne n’osait jusqu’alors prendre la responsabilité, sera reconduit à l’issue de l’état d’urgence sanitaire.

Ugo Giganti - Avocat au barreau de Paris
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