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Activité partielle : le plan de contrôle a posteriori dévoilé. Par Myriam Adjerad et Domitille Cremaschi, Avocats.
Parution : vendredi 22 mai 2020
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Dans le contexte actuel de pandémie internationale liée à la Covid-19, le dispositif d’activité partielle a fortement été mobilisé par les entreprises françaises. Au 12 mai 2020, la DARES recensait ainsi 1 283 000 demandes d’autorisation préalable, pour 1 015 000 entreprises concernées.

Après avoir assoupli les conditions de recours à l’activité partielle (réduction du délai d’acceptation implicite, avis postérieur du CSE, etc…) et transformé favorablement le dispositif (allocation proportionnelle aux revenus, et non plus forfaitaire ; montant de la prise en charge, bénéfice pour les salariés au forfait, etc…), il est venu le temps pour l’administration du contrôle dans des conditions plus strictes.

En effet, après avoir annoncé une diminution de la prise en charge par l’Etat de l’indemnisation liée à l’activité partielle à compter du 1er juin 2020, le Ministère du travail communiquait le 5 mai 2020 aux DIRECCTE, par instruction ministérielle signée par la Ministre du Travail, les objectifs du plan de contrôle des demandes d’activité partielle.

Dans un communiqué du 13 mai 2020, le Ministère du Travail évoque en substance le contenu de ce plan [1].

Quels contrôles ?

Distinction entre l’erreur de bonne foi et la fraude.

Le Ministère du travail identifie deux cas de figure : les entreprises qui ont commis, de bonne foi, des erreurs lors de leur demande, et celles qui ont fraudé.

1- En cas de bonne foi de l’entreprise, le dialogue doit être favorisé pour une régularisation « à l’amiable », conformément au principe du droit à l’erreur instauré par le Gouvernement.

Le Ministère du travail reconnait en effet la difficulté pour les entreprises de mobiliser ce dispositif - pour la première fois pour beaucoup d’entre elles - dans un contexte où sa réglementation a été modifiée et précisée jusque très récemment (on dénombre 8 phases de modifications entre le 1er avril 2020 et le 10 mai 2020 sur le Q/R du Ministère du travail relatif à l’activité partielle) [2].

Les modalités de remboursement des sommes dues devront ainsi tenir compte de la situation financière de l’entreprise et des solutions d’accompagnement pourront être proposées, notamment pour les entreprises en difficulté.

2- Pour les cas de fraude, le Ministère du Travail rappelle que l’élément intentionnel - à savoir une intention délibérée de tromper - devra être constaté.

Une typologie des principales fraudes sera communiquée aux DIRECCTE.

L’attention des DIRECCTE est toutefois d’ores et déjà portée sur la mise en activité partielle des salariés auxquels il est demandé en parallèle de (télé)travailler, ou sur les demandes de remboursement majorées par rapport au salaire effectivement payé. Le risque de sanction est également encouru si l’employeur a demandé une indemnisation pour des heures pendant lesquelles les salariés étaient en congés payés / JRTT.

Des contrôles ciblés pour identifier les fraudes.

Certaines cibles ont été priorisées par le Ministère du travail :
- Les entreprises ayant présenté des demandes d’indemnisation sur la base de taux horaires élevés ;
- Les secteurs fortement consommateurs d’activité partielle (comme le BTP, activités de service administratif, de soutien et de conseil aux entreprises, le secteur du commerce, etc…) ;
- Les entreprises ayant un effectif composé d’une majorité de cadres et dont l’activité est susceptible d’être exercée en télétravail.

Par ailleurs, des contrôles seront réalisés de manière aléatoire.

Il est demandé aux DIRECCTE de traiter rapidement et de façon systématique tout signalement transmis par les salariés, les organisations syndicales de salariés, ou les CSE.

Une instruction du 14 mai 2020 complète celle du 5 mai et précise les modalités de contrôle.

Outre les signalements reçus par les DIRECCTE, les contrôleurs pourraient utiliser la méthode de l’échantillonnage ou les extractions fournies par l’Agence de services et de paiement pour déclencher les contrôles.

Les entreprises devraient s’attendre à un contrôle : selon un croisement de données administratives collectées dans les systèmes d’information et bases nationales de données, sur place ou sur pièces.

Quelles sanctions ?

Les DIRECCTE pourront prononcer plusieurs types de sanctions, selon le cas identifié.

1- En cas d’irrégularité :
- Retrait de la décision d’autorisation de mise en activité partielle lorsque la demande d’activité partielle ne remplissait pas les conditions légales (possible dans un délai de 4 mois à compter de la notification de la décision d’autorisation) ;
- Retrait de la décision d’indemnisation ;
- Régularisation des demandes d’indemnisation payées, dans un sens favorable ou défavorable à l’entreprise. La régularisation peut être volontaire de la part de l’entreprise, ou s’opérer par le biais d’une procédure de reversement (initiée par la DIRECCTE et mise en œuvre par l’Agence de services et de paiement).

2- Et en cas de fraude, constatée par procès-verbal et relevant une infraction constitutive de travail illégal.

Sanctions administratives  [3] : remboursement des aides liées à l’activité partielle et de toute aide publique perçue au cours des 12 derniers mois précédant l’établissement du procès-verbal ; interdiction de bénéficier d’aides publiques pendant 5 ans.

Sanctions pénales pour fraude [4] :
- jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour travail dissimulé [5] ;
- jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Il faut en effet préciser que lorsque l’employeur mentionne intentionnellement un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, dans le but de voir majorer l’indemnisation d’activité partielle par exemple, l’infraction de travail dissimulé peut être en outre retenue à son égard.

Les DIRECCTE devaient transmettre leur feuille de route avant le 15 mai 2020.

Le début des contrôles est donc attendu très prochainement...

Myriam ADJERAD Domitille CREMASCHI ADJERAD AVOCATS, Avocats au Barreau de Lyon [->contact@adjeradavocats.fr] https://fr.linkedin.com/in/myriam-adjerad-473903121

[3Article L8272-1 du Code du travail.

[4Article 441-6 du Code pénal.

[5Articles L8221-5 et L8224-1 du Code du travail.