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Maroc : l’indépendance du pouvoir judiciaire, garantie de la justice et de l’équité. Par Ilias Belbachir, Juriste.
Parution : mardi 26 mai 2020
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L’indépendance du pouvoir judiciaire est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années notamment grâce à l’impact significatif qu’il a sur le développement du système juridique et judiciaire, et la création d’un État de droit qui sépare le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, et le pouvoir judiciaire.
Qu’entend en donc par l’indépendance du pouvoir judiciaire ?

La Constitution marocaine du 29 Juillet 2011 a consacré un titre particulier au principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire qui représente à la fois une garantie des droits et libertés des personnes, et l’élément essentiel pour la consolidation de la bonne gouvernance, autre principe édicté par la nouvelle Constitution marocaine.

L’indépendance du pouvoir judiciaire repose sur deux principes fondamentaux ; l’indépendance individuelle du magistrat et l’indépendance institutionnelle de la magistrature.

L’indépendance du magistrat.

L’indépendance du magistrat a pour objet de protéger le juge de toute influence extérieure, elle est garantie par le principe de l’inamovibilité des magistrats du siège prévue par l’article 108 du titre VII de la Constitution ; cela signifie qu’ils ne peuvent être déplacés, rétrogradés ou suspendues de leurs fonctions que selon des procédures exorbitantes du droit commun disciplinaire.

De même, la Constitution proscrit, dans son article 109, toute intervention dans les affaires soumises à la justice. Dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir d’injonction ou instruction, ni être soumis à une quelconque pression.

Le juge doit impérativement saisir le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire chaque fois qu’il estime que son indépendance est menacée.
Il faut toutefois distinguer entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet (ou ministère public) quant à la portée de cette indépendance. En effet, selon l’article 110 de la constitution, les magistrats du siège ne sont astreints qu’a la seule application du droit. Tandis que les magistrats du parquet sont tenus à l’application du droit et doivent en même temps se conformer aux instructions écrites qui émanent de l’autorité hiérarchique.

Le statut des magistrats est régi par la loi organique 106-13, elle comprend les dispositions relatives à la composition du corps de la magistrature, aux droits et devoirs des magistrats, à leurs positions statuaires ainsi qu’aux garanties qui leur sont accordées.

L’indépendance institutionnelle.

L’indépendance du pouvoir judiciaire ne peut être totale que si les institutions judiciaires en charge, à la fois le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et la présidence du ministère public, soit elles-mêmes indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.

De ce fait, il a été porté création d’un Conseil supérieur du pouvoir judiciaire indépendant qui remplace le Conseil supérieur de la magistrature, et qui veille à l’application des garanties accordées aux magistrats, notamment quant à leur indépendance, leur nomination, leur avancement, leur mise à la retraite et leur discipline. Il dispose également de l’autonomie administrative et financière.
La loi organique 100-13 relative au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire fixe les règles d’élection et de nomination des membres du conseil, les modalités de son organisation et de son fonctionnement, ses compétences ainsi que les critères relatifs à la gestion de la carrière des magistrats et les règles de la procédure disciplinaire.

Cette loi vient donc affirmer le principe posé par l’article 107 de la Constitution selon lequel le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, et que le Roi est le garant de cette indépendance.

En second lieu, la présidence du ministère public a été transférée au procureur général du Roi près la Cour de cassation en vertu de la loi 33-17 relative au transfert des attributions du ministère de la justice au procureur général du Roi près la Cour de cassation, et ce conformément à l’article 117 de la loi organique n°106-13 portant statut des magistrats.

Cette indépendance du parquet général, qui a toujours été sous la tutelle du ministère de la justice, est une réponse aux larges revendications sociales, et complète le processus de séparation des pouvoirs. Cette adoption s’est donc inscrite dans le cadre du projet global de réforme du système de la justice.

Ilias Belbachir Avocat.