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La protection du secret médical en Droit Ivoirien à l’aune du Covid-19. Par Jonathan Péléni Koné, Juriste.
Parution : vendredi 8 mai 2020
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Notre société contemporaine est aujourd’hui confrontée à une véritable crise sanitaire due à la pandémie liée au Covid-19. Cette maladie infectieuse à l’origine de nombreux dégâts et pertes en vies humaines dans le monde en général et particulièrement en Afrique.

La crise sanitaire liée au coronavirus (COVID-19) devient de plus en plus alarmante dans le monde entier en causant une véritable inquiétude à l’endroit des populations. Les conséquences de cette crise sanitaire étant sans précédent, cette situation troublante admet malheureusement un grand impact dans tous les secteurs et domaines d’activités, le secteur de la santé demeurant l’un des secteurs intensément touché.

Au regard de cette assujettissante situation liée au Coronavirus, à l’instar de la Cote d’Ivoire, plusieurs Etats dans le monde vont mettre en place un certains nombres de mécanisme de protection leur permettant de lutter efficacement et drastiquement contre cette pandémie.

Ainsi à titre de mesures dans différents pays, nous avons pu constater l’instauration d’une part de mécanismes préventifs au moyen de gestes barrières sécuritaires en vue de lutter contre la propagation du virus, de mécanismes curatifs par la recherche scientifique intense en vue de la découverte d’un remède et d’autre part de mécanisme juridique par la déclaration de l’Etat d’Urgence sanitaire.

De ce fait, considérant la loi N° 59-281 du 7 novembre 1959 portant mesures d’Etat d’urgence, le gouvernement ivoirien à l’issue d’une réunion extraordinaire du Conseil National de Sécurité (CNS), réunion présidée par le Président de la République S.E.M Alassane Ouattara a décidé de déclarer l’Etat d’urgence sanitaire en Cote d’Ivoire.

Cette déclaration de l’Etat d’urgence sanitaire se traduit par l’article premier de la ladite loi sur l’Etat d’urgence qui dispose que : « toute ou une partie du territoire national, en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ou en cas d’évènements qui, par leur nature ou leur gravité, sont susceptibles d’entraver la bonne marche de l’économie, les services publics et d’intérêt social ».

Toutefois bien que l’Etat d’urgence pourrait être considéré en son sens juridique du terme comme étant une mesure d’exception prise par un gouvernement en cas de péril imminent dans un pays permettant de restreindre certaines libertés fondamentales, une question impérieuse demeure posée sous l’empire de cette mesure gouvernementale, question relative à la protection du secret médical à l’aune du covid-19.

La Cote d’Ivoire par la loi N°628-248 du 31 juillet 1962 a mis en place un régime juridique applicable à la santé par l’instauration d’un code déontologie médicale qui en son article 7 dispose que : « le secret professionnel s’impose à tout médecin, sauf dérogation par la loi ».

Ainsi, dans son sens définitionnel, le secret médical étant considéré comme l’absolue discrétion du médecin au risque d’engager sa responsabilité de ne pouvoir en principe révéler des informations sur l’état de santé du patient, notons qu’au travers de cette crise sanitaire, il n’en demeure pas moins de se poser des questions quant à cette notion.

En effet considérant qu’en circonstance exceptionnelle lorsque le médecin fait état du diagnostic grave du patient, cette situation pourrait lui conférer l’aptitude de déroger au principe du secret médical imposé par la loi en révélant le diagnostic du patient, Dès lors, devrions-nous considérer cette pandémie comme un fait justificatif de la violation du secret médical en Côte d’Ivoire ? Quelle est la portée du secret médical à l’aune du Covid-19 ?

Cette situation du Covid-19 nous plonge dans une véritable discussion sur la question du secret médical. Est-il permis au personnel soignant sans le consentement du patient d’informer tous les proches du patient testé positif au covid-19 ? Existe-t-il une restriction quant à l’information des proches du patient ? Le médecin doit-il divulguer le diagnostic du patient à toutes personnes intéressées notamment les autorités publiques ?

Au regard de la situation du covid-19 et considérant les dispositions préexistantes en Droit Ivoirien, la protection des données médicales en Côte d’Ivoire fait-elle l’objet d’un assouplissement, d’un amoindrissement ?

Considérant que dans le contexte actuel de cette pandémie certains employeurs dans le but de se prémunir contre un fort taux de contamination des salariés dans leur entreprise procèdent à la collecte d’information sur la santé du salarié notamment des questionnaires sur des déplacements privés effectués par le salarié, la prise de la température du salarié etc. Cependant, Ces employeurs peuvent-ils consigner le détail des informations sur la santé de leur salarié ? Ces employeurs sont-ils astreints au secret médical des données collectées ?

Notons également qu’en Côte d’Ivoire plusieurs entités notamment les banques, les entreprises privées, grande surface etc. ont adopté à l’égard des usagers la mesure de ‘’prise de température’’ obligatoire sans le consentement des individus avant l’entrée dans leur locaux. Bien que cette mesure soit bienséante dans le sens commun de ses entités, la question qui se poserait au sens juridique serait de savoir si ces personnes n’étant pas du corps médical disposent de cette prérogative ? Ces personnes sont-elles astreintes au secret médical ? En cas de responsabilité, laquelle responsabilité leur sera applicable : civile ou médicale ?

Dans le but de réduire les déplacements, un système de téléconsultation (télémédecine) en ligne a été mis en place en Côte d’Ivoire permettant au moyen des TIC technologies de l’information et de la communication de faire un auto-dépistage en ligne au Covid-19 par une lecture à distance de la température et d’un questionnaire à choix multiple.
Toutefois, au regard cette avancée technologique du système d’e-santé, une question demeure également posée, question relative à la protection des données personnelles enregistrées et à la responsabilité médicale lorsqu’un contentieux surviendrait de cette situation. Dès lors, Comment se présente la protection des données médicales recueillir en ligne ? Qu’en est-il de la responsabilité qui leur sera imputable ? A quelle règle obéit cette avancée en matière de responsabilité médicale ?

Constatant l’état de situation actuelle liée au covid-19, ces problèmes relevés se rapportant au domaine de la santé ne pouvant être frappés d’une exhaustivité, notons que la question de la crise sanitaire du Coronavirus admet une véritable portée juridique. Toutefois au regard de certains manquement dans le domaine juridique, il apparait important que l’Etat Ivoirien puisse jeter un regard sur cette situation en vue d’une réforme des dispositions en vigueur.

[->Jonathankone75@gmail.com]