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Déclaration des revenus de 2019 : Pourquoi la case 8UU a été pré-cochée chez certains contribuables. Par Georges-David Benayoun Anne-Sophie Malbran, Avocats.
Parution : mardi 5 mai 2020
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La campagne déclarative 2020 vient juste de commencer par l’envoi des déclarations des revenus de 2019 préremplies.

Ces derniers jours, nombreux sont les contribuables qui ont eu la surprise de constater que la case 8UU (indiquant la détention d’un compte à l’étranger) avait d’ores et déjà été cochée par l’administration fiscale, sur leur formulaire 2042 préremplies.

Il s’agit des premières conséquences de l’échange automatique de données bancaires mis en place sous l’égide de l’OCDE.

Les premiers retours concernent des contribuables détenant des comptes au Portugal, en Espagne et en Israel... mais la liste des pays concernés est beaucoup plus longue.

En effet, la déclaration accessible en ligne sur l’espace particulier du contribuable, ainsi que l’imprimé papier n°2042 K adressé par voie postale, sont préremplis de l’ensemble des revenus dont l’administration fiscale a déjà connaissance.

Ce procédé vise à faciliter au maximum la déclaration pour les contribuables et à éviter les erreurs pour l’administration fiscale.

Avec l’informatisation et la mise en place du prélèvement à la source l’année dernière, nous avons constatés que les informations étaient de plus en plus nombreuses et complètes.

Cette année l’administration propose même à certains contribuables d’opter pour la déclaration automatique, leur permettant de valider simplement leur déclaration de revenus par internet ou à l’aide de votre smartphone.

Si depuis quelques années on avait l’habitude de voir reporté sur la déclaration préremplie quelques revenus de capitaux mobilisés bien souvent incomplets, les déclarations actuelles laissent apparaître des informations de plus en plus précises. Apparaissent désormais notamment les revenus indiqués par les employeurs, les organismes sociaux, pôle emploi, les caisses de retraite, les établissements financiers, auteurs des versements. Depuis la mise en place du prélèvement à la source l’année dernière, est également reporté le montant de l’avance de 60% perçue en janvier sur certaines catégories de réduction et crédit d’impôt.

La grande surprise de la campagne déclarative 2020 concerne donc la détention d’avoir à l’étranger.
En cochant par avance la case concernant la détention d’un compte bancaire à l’étranger, l’administration indique qu’elle est désormais parfaitement informée de l’existence des comptes détenus à l’étranger par les résidents fiscaux français.

Les premiers retours concernent des contribuables détenant des comptes au Portugal, en Espagne et en Israël... mais la liste des pays concernés est beaucoup plus longue.

Si jusqu’alors on ne savait pas réellement si l’administration fiscale allait pouvoir traiter la masse d’informations recueillies grâce à l’échange automatique de données, elle semble nous donner quelques éléments de réponse pour cette période fiscale 2020 !

Pour rappel, depuis 2017, 108 pays se sont engagés à transmettre annuellement de façon automatique (et entre pays signataires) les données financières collectées en matière fiscale, dans le but de mettre fin aux fraudes fiscales et aux dissimulations d’avoirs à l’étranger.

Alors quelles sont les personnes physiques qui doivent déclarer ? Quels comptes sont visés par cette obligation de déclaration ? Comment faut-il déclarer ? Quels sont les risques en cas d’omission ou de dissimulation du compte ? Enfin, peut-on faire si la case 8UU a été cochée ?

1. Les personnes physiques visées par l’obligation de déclaration.

Les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France sont tenues de déclarer leurs comptes bancaires ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger, que leur usage soit personnel ou professionnel (article 1649 du CGI).

En revanche, la doctrine administrative ne soumet pas à cette obligation :
- les personnes physiques non astreintes à l’obligation de souscrire une déclaration de revenus n° 2042 (CERFA n° 10330) ;
- les associations qui, n’ayant pas de revenus imposables, ne sont pas tenues à une obligation de dépôt d’une déclaration de résultats ;
- les sociétés à forme non commerciale qui sont dispensées de souscrire une déclaration de résultats. Il s’agit par exemple, sous certaines conditions, des sociétés civiles immobilières non transparentes qui mettent gratuitement à la disposition de leurs membres des logements dont elles sont propriétaires (BOI-CF-CPF-30-20 n°80, 08-03-2017).

2. Les comptes à déclarer.

Les comptes à déclarer sont les comptes ouverts ou détenus hors de France « auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces ».

Sont visés les comptes d’actifs mais également les contrats d’assurances vie souscrits à l’étranger.

En revanche, la doctrine administrative précise que, « l’obligation de déclaration prévue par l’article 1649 A du CGI ne s’applique pas aux comptes détenus à l’étranger dans des établissements financiers lorsque sont satisfaites les conditions cumulatives suivantes :
- le compte a pour objet de réaliser en ligne des paiements d’achats ou des encaissements afférents à des ventes de biens ;
- l’ouverture du compte suppose la détention d’un autre compte ouvert en France et auquel il est adossé ;
- la somme des encaissements annuels crédités sur ce compte et afférents à des ventes réalisées par son titulaire n’excède pas 10.000 €. Ce seuil est apprécié, le cas échéant, en faisant la somme de tous les encaissements effectués sur l’ensemble des comptes détenus par le même titulaire et ayant pour objet de réaliser en ligne des paiements d’achats ou des encaissements afférents à des ventes de biens
 » (BOI-CF-CPF-30-20 n°85, 08-03-2017).

3. L’étendue des informations à fournir et les modalités déclaratives.

Certaines informations doivent être fournies à l’administration fiscale pour permettre l’identification des comptes.

En effet, elle distingue notamment :
- L’identité du déclarant,
- Celle du titulaire du compte,
- Et également du bénéficiaire de la procuration.

Ainsi, la déclaration porte sur chacun des comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l’année ou de l’exercice, par le déclarant, par l’un des membres de son foyer fiscal ou toute personne rattachée à son foyer.

Il est précisé qu’un compte est réputé utilisé dès lors qu’au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration a été effectué par une des personnes visées par l’obligation de déclaration.

Pour les personnes physiques il convient donc de cocher la case 8UU et remplir un formulaire n°3916 par compte, mentionnant les éléments suivants :
- La désignation et l’adresse (numéro, rue, commune et pays) de la personne auprès de laquelle le compte est ouvert ;
- La désignation précise du compte, c’est-à-dire :
- L’intitulé,
- Le numéro,
- La nature : compte ordinaire, épargne, à long terme,
- L’usage : utilisation à titre privé ou professionnel, à titre privé et professionnel,
- Le type : compte simple, compte joint entre époux, compte collectif ouvert au nom de plusieurs titulaires, comptes de succession, etc. ;
- La date d’ouverture et/ou de clôture de compte au cours de la période au titre de laquelle la déclaration est effectuée.
- Le nom patronymique, nom d’usage s’il y a lieu, prénoms des bénéficiaires/titulaires/déclarants ;
- La date et lieu de naissance ;
- Le domicile (BOI-CF-CPF-30-20 n°130, 08-03-2017 et BOI-CF-CPF-30-20 n°140, 08-03-2017).

A noter que concernant les contrats d’assurance vie à l’étranger, il n’existe pas de formulaire spécifique. De ce fait, la déclaration doit être faite sur papier libre et indiquer les éléments suivants :
- l’adresse du siège de l’organisme d’assurance ou assimilé, et éventuellement de la succursale qui accorde la couvertur ;
- l’identification du souscripteur : nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse ;
- la désignation du contrat, ses références et ses principales caractéristiques
- Les modalités de versement des primes et des prestations rendues par l’assureur) ;
- la date de prise d’effet du contrat et sa durée
- la référence et la nature des avenants intervenus ;
- les opérations de rachat total ou partiel effectuées au cours de l’année d’imposition.

Il conviendra également de cocher la case 8TT de la déclaration n°2042.

Comme évoqué précédemment il convient d’éditer une déclaration formulaire n°3916 pour chaque compte ouvert, utilisé ou clos à l’étranger.

La déclaration doit être déposée annuellement tout au long de l’existence du compte, jusqu’à sa clôture effective.

Pour les particuliers la déclaration doit être datée et signée et jointe à la déclaration de revenus n° 2042.

4. Les risques et sanctions fiscales et pénales.

Tout d’abord, il faut savoir que l’article L 169, 5e al., du LPF fixe à dix ans, le délai de reprise en cas de non-respect des obligations déclaratives prévues à l’article 1649 A du CGI.
Ensuite, les sanctions diffèrent selon le type de manquement. En effet, le contribuable ne sera pas sanctionné de la même façon en cas d’inexactitude ou d’omission sur la déclaration qu’en cas de défaut de déclaration.

Les inexactitudes ou omissions relevées dans les renseignements que doit comporter la déclaration de compte remise à l’administration sont sanctionnées par l’amende prévue au 2 de l’article 1729 B du CGI.

En revanche, trois sanctions sont prévues en cas de défaut de production de déclaration :
- une majoration de 80 % des droits dus à raison des sommes figurant sur le ou les comptes non déclarés, prévue à l’article 1729-0 A du CGI ;
- une amende fixe par compte non déclaré prévue par le IV de l’article 1736 du CGI lorsque les sommes ne font l’objet d’aucune imposition (allant de 1.500 euros pour les comptes « ordinaires » à 10.000 euros si le compte est détenu dans un état qui n’a pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France),
- et une présomption de revenus prévue par le troisième alinéa de l’article 1649 A du CGI (BOI-CF-INF-20-10-10 au II § 10 et suiv.).

A noter que le contribuable peut éviter la taxation en apportant la preuve que les transferts ne constituent pas des revenus imposables lorsque les sommes :
- constituent des revenus qui ont déjà été soumis à l’impôt ;
- correspondent à des sommes exonérées ou n’entrant pas dans le champ d’application de l’impôt (BOI-CF-CPF-30-20 n°240, 08-03-2017).

En matière pénale, l’absence de déclaration d’avoirs détenus à l’étranger constitue un délit de fraude fiscale aggravée.

Ce délit est sanctionné par une amende de 3.000.000 d’euros et une peine d’emprisonnement de 7 ans. Peut s’ajouter une peine complémentaire de privation des droits civiques, civils et de famille (article 1741 du CGI).

5. Quelles conséquences pour ceux ayant reçus une déclaration préremplie ou la case 8UU est cochée ?

On peut aujourd’hui véritablement se poser la question des conséquences que vont engendrer le dépôt de la déclaration 2020 sur les revenus de 2019, lorsque la case 8UU a été préremplie par l’administration.

De plus, depuis la fermeture de la cellule de régularisation en décembre 2017 l’administration promet d’être intransigeante. En effet, le contribuable a bénéficié d’un délai important pour régulariser spontanément ses avoirs à l’étranger.

On peut estimer que le service de contrôle ne sera désormais plus dans les mêmes dispositions.
Préalablement, il faut rappeler les informations que la France a pu obtenir dans le cadre de l’échange : l’identité du bénéficiaire, nom, adresse, date et lieu de naissance, TIN ce qui équivaut à notre Numéro d’Identification Fiscal, mais également le solde du compte et les revenus qu’il génère, tels que dividendes, intérêts et produits de cession.

Le contribuable dont la case 8UU a été cochée par l’administration fiscale a donc deux options :
- Soit il complète la déclaration 3916 concernant le ou les comptes détenus à l’étranger et informe l’administration fiscale qu’il entend régulariser sa situation fiscale. Dans ce cadre-là, on peut penser que concernant des comptes récents ou dont les montants sont peu importants, l’administration fiscale en restera là.
- Soit il ne tient pas compte de la case cochée et ne fournit aucune information et ne régularise pas plus sa situation. On peut raisonnablement s’attendre à la réception dès le mois de septembre prochain d’une demande d’informations. Pour rappel, l’administration peut demander aux personnes physiques n’ayant pas satisfaits aux obligations déclaratives prévues au 2e alinéa de l’article 1649 A, des informations ou justifications sur l’origine de leurs avoirs détenus à l’étranger (article L23 C du LPF). A noter que ces demandes peuvent être adressées indépendamment de toute procédure d’examen de situation fiscale personnelle. Les contribuables disposeront alors d’un délai de soixante jours pour répondre. A défaut de réponse dans le délai le patrimoine présumé sera taxé et les sanctions mentionnées seront encoures.

Dans ce cadre-là, on peut penser que sur un certain nombre de dossiers, les contribuables feront l’objet de poursuites pénales.

On ne peut donc principalement conseiller aux contribuables dont la case 8UU est cochée de jouer à présent la transparence et de tenter une procédure de régularisation.

Georges-David Benayoun Avocat Fiscaliste [->gdb@cbavocats.com] Anne-Sophie MALBRAN Avocat à la Cour [->asm@cbavocats.com]
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