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Coronavirus, annulation de voyage et d’hébergement : quelles sont les règles ? Par David Amanou, Avocat.
Parution : jeudi 30 avril 2020
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A l’instar de nombreux domaines juridiques, la pandémie a conduit à d’importantes modifications législatives en matière de droit du tourisme.
Vous avez réservé un séjour estival et vous ne pouvez plus ou ne voulez plus partir compte tenu du covid-19 ? Votre avion a été annulé à cause de l’épidémie ?
Tout autant d’interrogations auxquelles répond un dispositif inédit, mêlant l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 à d’autres législations françaises et européennes.
Revue synthétique de vos droits et des obligations des professionnels en la matière.
Article vérifié par l’auteur en septembre 2023.

Je souhaite annuler mon séjour à l’étranger cet été : ai-je le droit à un remboursement intégral ?

Pas nécessairement.

Au préalable, il faut rappeler que, conformément à l’article L 211-2 du Code du Tourisme, un séjour est un forfait qui allie a minima deux prestations : transport de passagers (avions, bus…) / hébergement, location de voiture / hébergement etc.

Toute annulation de séjour faite entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020, quels que soient la date du séjour et l’auteur de l’annulation (particulier ou professionnel), sera traitée de la même manière.

En vertu de l’article 1 § II à V de l’ordonnance n° 2020-315, le professionnel concerné dispose ainsi de deux options :
- un remboursement immédiat et intégral du prix payé par le client pour la prestation annulée,
- ou, dans les 30 jours de l’annulation, la délivrance par écrit (mail ou courriel) d’un bon d’achat valable 18 mois à compter de son émission et correspondant exactement au montant de la prestation initiale ; le bon d’achat peut être utilisé pour la même prestation ou pour une autre, en une seule fois ou de façon fractionnée, en partie ou en totalité.

De surcroît, dans l’hypothèse – la plus fréquente en pratique – où le professionnel adresse un avoir au client, il doit lui proposer, dans les trois mois de la date d’annulation, une prestation identique ou équivalente à la première. La date de la prestation est fixée d’un commun accord.

Cette nouvelle offre reste valable 18 mois.

J’ai réservé un hôtel et je désire l’annuler : ai-je le droit à un remboursement intégral ?

Oui, le dispositif étant le même que pour un séjour.

Toute annulation effectuée entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020, qu’elle émane du particulier ou du professionnel, implique, au choix du professionnel, soit un remboursement intégral, soit l’octroi d’un avoir valable 18 mois pour un hébergement identique ou équivalent.

A noter d’ailleurs que ce dispositif concerne également les locations de voiture particulière, les cures thermales et toute autre prestation en lien avec les vacances (location de skis, soins spa etc.).

Plus que le strict cadre touristique, il couvre également un spectre assez vaste : manifestations sportives, concerts ou bien encore billets d’entrée pour des parcs d’attraction.

Seuls les contrats de transports dits « secs » (billets d’avion, de train et de bateau sans autre prestation) ne sont pas concernés.

Leur annulation demeure régie par la législation antérieure à l’état d’urgence.

J’ai réservé un hébergement mais le prestataire l’a annulé du fait du coronavirus : à quoi puis-je prétendre ?

Là encore, le dispositif est identique, et ce, quel que soit l’auteur de l’annulation.

Autrement dit, même si c’est le professionnel qui prend l’initiative d’annuler, il n’a guère l’obligation de rembourser.

Il peut se contenter de proposer un avoir du même montant pour une prestation similaire.

A la suite de l’annulation de mon séjour/de mon hébergement/de ma location de voiture, le professionnel m’a communiqué un avoir : suis-je obligé de l’utiliser ?

Non.

Le bon d’achat est valable 18 mois à compter de son émission.

Selon l’article 1 § VII de l’ordonnance, si, à l’issue de ce délai, l’avoir n’a pas été utilisé, le professionnel doit rembourser les montants à équivalence.

Autrement dit, le particulier devra être intégralement remboursé ; s’il a partiellement utilisé le bon d’achat, c’est la fraction non utilisée qui devra être restituée.

Suis-je en droit de reporter mon séjour ou mon hébergement à une date ultérieure ?

Oui.

Sur le même principe que pour les annulations, et si le client sollicite un report, il est prévu que l’opérateur propose, dans un délai de trois mois, une prestation identique ou équivalente à celle annulée.

Si elle n’est pas identique, la nouvelle prestation ne doit quoiqu’il n’en soit pas donner lieu à des frais supplémentaires.

L’offre nouvelle est valable 18 mois.

J’ai annulé mon billet d’avion compte tenu du coronavirus : pourrais-je être remboursé ?

Pas nécessairement.

L’ordonnance du 25 mars 2020 ne couvre pas les contrats de transports dit « secs » (billets d’avion, de train et de bateaux pris sans autre prestation).

Leur annulation demeure régie par la législation préexistante à l’ordonnance.

Ainsi, dans l’hypothèse où le particulier annule son billet d’avion, le remboursement intégral n’est pas systématique.

Il faut analyser les clauses des conditions générales de la compagnie aérienne qui définiront les conditions d’annulation et de remboursement.

En outre, certaines assurances annulation (souscrites facultativement) peuvent proposer un remboursement intégral.

Néanmoins, dans la majorité des cas, des frais ou pénalités sont à prévoir.

Si tel est le cas, il convient de prendre attache avec le service client de la compagnie afin de négocier une solution plus avantageuse (report, bon d’achat etc.).

Au regard de l’exceptionnalité de la situation, et bien qu’ils n’aient pas d’obligations en ce sens, les transporteurs aériens devraient se montrer conciliants et proposer des solutions alternatives.

À défaut, vous pouvez en tout état de cause bénéficier du remboursement des taxes d’aéroport en vertu de l’article L113-8 du Code de la consommation.

Mon vol a été annulé par la compagnie à la suite de la fermeture des frontières : ai-je droit à une indemnisation ?

Oui.

En vertu du règlement CE n° 261/2004 du 11 février 2004 et de la jurisprudence y afférente, les annulations de vol donnent droit :
- au « remboursement du billet, dans un délai de sept jours […] au prix auquel il a été acheté » [1],
- à une indemnisation complémentaire, allant de 250 euros à 600 euros en fonction de la distance parcourue pendant le vol, dès lors que l’annulation résulte de l’activité de la compagnie (manque de personnel, organisation défaillante, problème technique etc.) ; a contrario, la force majeure exclut l’octroi de cette indemnisation [2].

Au vu de l’ampleur de la pandémie, de son caractère inédit et brutal, elle s’inscrit indéniablement dans le cadre de la force majeure.

L’indemnisation complémentaire n’est donc pas due.

En revanche, la compagnie doit rembourser l’intégralité du billet dans un délai de sept jours.

Ce remboursement doit être « payé en espèces, par virement bancaire ou par chèque, ou, avec l’accord signé du passager, sous forme de bons de voyage et/ou d’autres services » [3].

Autrement dit, le remboursement ne peut se faire sous forme de bons de voyage qu’avec l’assentiment du passager.

En cas de refus, la compagnie devra rembourser en espèces, par chèque ou virement.

La Commission européenne l’a d’ailleurs rappelé dans ses orientations prises le 18 mars 2020.

En pratique, les transporteurs n’hésitent pourtant pas à se dédire de leurs obligations en proposant des avoirs aux passagers lésés sans leur accord exprès.

Si tel est le cas, il faut contester en rappelant les dispositions du règlement européen.

Je souhaite annuler mon billet de train compte tenu du coronavirus : comment procéder ?

Théoriquement, s’agissant d’un cas de force majeure, la SNCF n’a pas l’obligation de rembourser les trains annulés.

Néanmoins, pour aplanir toute difficulté, elle s’est abstrait des dispositions légales et de ses propres conditions commerciales en proposant un remboursement systématique.

Tous les voyages jusqu’au 24 juin inclus peuvent être échangés ou annulés sans frais, même ceux qui sont affichés comme non remboursables, et ce, jusqu’à soixante jours après la date de départ initialement fixée.

Maître David AMANOU Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine ldda-avocats.fr

[1Articles 5. 1. a) et 8 du règlement.

[2Articles 5. 1. c) et 7 du règlement.

[3Article 7. 3. du règlement.

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