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Questions-Réponses sur la modification des horaires de travail. Par Arthur Tourtet, Avocat.
Parution : jeudi 30 avril 2020
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Chaque salarié sait qu’il est impératif d’arriver et de partir à l’heure s’il veut espérer conserver son poste.

Cependant, un changement des horaires de travail peut perturber l’emploi du temps personnel qui est souvent déterminé en fonction de l’emploi du temps professionnel.

Lorsqu’il est difficile de concilier les deux, le salarié se doit de bien vérifier si un refus des nouveaux horaires est légitime avant de donner priorité aux impératifs personnels.

D’une manière générale, l’employeur peut-il modifier unilatéralement mes horaires de travail ?

Le principe est qu’une modification des horaires de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur.

Une modification de l’heure de prise de poste ou de fin du service est considérée comme étant une simple modification des conditions de travail : l’employeur n’a pas à solliciter l’accord du salarié pour rendre la mesure effective [1].

En conséquence, un salarié qui refuserait un changement de ses horaires serait fautif et passible d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.

Par exemple, l’employeur peut imposer de travailler le samedi matin à la place d’une autre matinée dans la semaine [2].

Le salarié peut encore être contraint de travailler pendant la pause déjeuner [3].

Mais comme n’importe quel principe, il existe des exceptions.

L’une d’elle concerne les changements de la structure même des horaires de travail.

Par exemple, l’employeur ne peut pas imposer le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit [4].

L’employeur ne peut pas non plus imposer un horaire discontinu alors que l’horaire était jusque-là continu [5].

Il en va de même du passage à un horaire fixe à un horaire variable [6].

Il faut encore préciser que l’employeur ne peut pas imposer un changement des horaires de travail si cette mesure a pour conséquence de porter atteinte aux droits au repos obligatoires du salarié [7].

Si mes horaires sont mentionnés sur mon contrat de travail, l’employeur doit-il demander mon accord pour les modifier ?

La simple mention des horaires de travail sur un contrat ne suffit pas à leur conférer une valeur contractuelle. Cette mention n’a qu’une valeur informative.

En conséquence, l’employeur peut quand même modifier les horaires de travail sans que cette mesure soit assimilée à une modification du contrat de travail requérant l’accord du salarié.

Pour que les horaires de travail ne soient pas modifiables sans l’accord du salarié, la rédaction du contrat doit révéler sans ambiguïté une intention des parties de contractualiser l’emploi du temps professionnel [8].

J’ai entendu dire qu’en étant à temps partiel, l’employeur ne pouvait pas modifier mes horaires. Est-ce vrai ?

L’employeur peut modifier les horaires de travail d’un salarié à temps partiel. En revanche, cette modification est beaucoup plus contraignante que dans le cas d’un contrat de travail à temps complet.

Dans un contrat à temps partiel, obligatoirement écrit, l’employeur doit y faire mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Il doit aussi mentionner les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification.

Si l’employeur n’a pas prévu dans le contrat une modification de la répartition du temps de travail sur la semaine ou le mois, le salarié est en droit de la refuser.

Même lorsque la modification de la répartition du temps de travail est prévue par le contrat, l’article L3123-12 du Code du travail dispose que le salarié est en droit de la refuser lorsque la modification est incompatible avec un motif familial impérieux, le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur ou l’exercice d’une activité professionnelle salariée ou indépendante (il en va de même en cas de modification des horaires quotidiens).

Concernant les horaires pour chaque jour travaillé, le salarié doit en recevoir une communication écrite et le contrat de travail doit prévoir les modalités de leur communication.

Sauf convention collective contraire, l’horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter, au cours d’une même journée, plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à deux heures [9].

De plus, il convient de préciser que si l’employeur ne respecte pas les règles évoquées ci-dessus, le salarié peut demander la requalification de son contrat à temps complet.

En effet, l’esprit du contrat à temps partiel est de permettre au salarié d’anticiper son rythme de travail afin de pouvoir cumuler une autre activité professionnelle. Dans les faits, le salarié ne doit pas se tenir à disposition permanente de l’employeur.

Mon employeur doit-il respecter un délai de prévenance avant de pouvoir modifier mes horaires ?

Concernant le contrat de travail à temps plein, si ce dernier mentionne un délai de prévenance avant tout changement d’horaire, l’employeur est tenu de le respecter [10].

En l’absence de précision contractuelle et sauf convention collective contraire, la loi n’impose pas à l’employeur de respecter un délai de prévenance pour les salariés à temps complet.

Toutefois, l’employeur est tenu d’exécuter le contrat de travail de bonne foi [11] et il est évident qu’il doit s’assurer que le salarié soit prévenu suffisamment à l’avance de façon à ce que ce dernier ne soit pas mis en difficulté.

Concernant les salariés à temps partiel, la modification de la répartition du temps de travail doit respecter un délai de prévenance de 7 jours ouvrés. Une convention collective peut imposer un délai de prévenance différent qui ne peut être inférieur à 3 jours ouvrés.

Un motif familial impérieux n’est pas compatible avec une modification de mes horaires. Puis-je refuser ?

Si la modification des horaires entraîne une atteinte excessive dans la vie personnelle et familiale du salarié, le refus de ce dernier n’est pas fautif [12].

Le salarié ne peut pas invoquer n’importe quel motif familial pour refuser les horaires.

Dans la pratique, il s’agit le plus souvent de s’occuper d’enfants nécessitant d’être gardés ou bien d’être aux côtés d’un proche dont l’état de santé justifie qu’il ne soit pas seul.

Le salarié doit se retrouver dans une impossibilité de respecter à la fois ses nouveaux horaires et ses devoirs familiaux, précision faite que le salarié n’a pas la possibilité de demander de l’aide à son entourage ou à une tierce personne.

Le salarié doit démontrer cette incompatibilité [13].

Par exemple, la Cour de cassation a pu décider qu’une salariée n’était pas fautive en refusant de venir travailler le mercredi après-midi à la place du samedi, ce jour de la semaine étant réservé à la garde de ses enfants, précision faite que la salariée vivait seule la semaine et que l’employeur était au courant de cette situation [14].

Autre exemple, est justifié le refus d’une salariée de quitter le travail à 18 heures au lieu de 17 heures afin de pouvoir récupérer sa fille de trois ans à la garderie à 17 heures 45 [15].

Le motif familial impérieux n’est pas justifié lorsque que le salarié dispose de quelqu’un pour venir chercher ses enfants à la crèche [16].

J’exerce un mandat syndical ou un mandat de représentation du personnel. L’employeur doit-il quand même solliciter mon accord pour de simples changements d’horaires ?

Aucune modification des conditions de travail ne peut être imposée à un salarié protégé sans son accord [17].

La modification des horaires étant une modification des conditions de travail, l’employeur doit toujours solliciter l’accord d’un salarié protégé. Peu importe si la modification est minime.

Mon employeur ne cesse de modifier mes horaires pour me pousser à bout. Est-il en droit de le faire ?

Même dans un cas où l’employeur est en droit de modifier les horaires de travail, cette modification doit toujours être motivée par l’intérêt de l’entreprise.

L’employeur ne doit pas abuser de son pouvoir de direction et modifier des horaires de travail pour un intérêt autre que celui de l’entreprise [18].

Lorsque l’employeur use de son pouvoir de direction, il incombe au salarié de démontrer que la décision contestée n’a rien à voir avec l’intérêt de l’entreprise ou qu’elle n’est pas conforme à une exécution loyale du contrat de travail [19].

L’employeur n’est donc pas en droit de modifier les heures de début et de fin de service afin de nuire au salarié.

Si de telles modifications des horaires sont répétées et ont pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail du salarié, elles peuvent également être constitutives d’un harcèlement moral sur le fondement de l’article L1152-1 du Code du travail.

Arthur Tourtet Avocat au Barreau du Val d\'Oise

[1Cass. soc., 22 février 2000, n° 97-44.339, Publié au bulletin.

[2Cass. soc., 27 juin 2001, n° 99-42462, publié au bulletin.

[3Cass. soc., 17 octobre 2000, n° 98-42.177.

[4Cass. soc., 19 février 1997, n° 95-41.207, publié au bulletin.

[5Cass. soc., 18 décembre 2000, n° 98-42.885, publié au bulletin.

[6Cass. soc., 14 novembre 2000, n° 98-43.218, publié au bulletin.

[7Cass. soc., 2 mars 2011, n° 09-43.223, publié au bulletin.

[8Cass. soc., 11 juillet 2001, n° 99-42.710, publié au bulletin.

[9C. trav., art. L. L3123-30.

[10Cass. soc., 04 avril 2006, n° 04-42.672.

[11C. trav., art. L. 1221-1.

[12Cass. soc., 03 novembre 2011, n° 10-14.702, publié au bulletin.

[13Cass. soc., 09 novembre 2011, n° 10-14.587.

[14Cass. soc., 8 novembre 2011, n° 10-19.339.

[15CA Montpellier, 26 octobre 2016, n° 13/06903.

[16CA Chambéry, 05 juillet 2016, n° 15/00703.

[17Cass. soc., 14 novembre 2000, n° 99-43.270.

[18Cass. Soc., 12 janvier 1993, n° 91-42.798.

[19Cass. soc., 14 octobre 2008, n° 07-43.071.

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