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Quelques aspects juridiques relatifs aux zoonoses de la faune sauvage… Par Vincent Ricouleau, Professeur de droit.
Parution : mercredi 22 avril 2020
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Certaines organisations internationales tentent de protéger la faune sauvage, objet de tous les trafics.
Leur adaptation s’impose avec des moyens conséquents. Protéger la faune sauvage et éviter les zoonoses, prévisibles à défaut d’être prévues, impliquent aussi de sanctionner les Etats violant leurs obligations.
Un nouveau droit de la santé humaine et animale unifié paraît indispensable, impliquant un nouveau statut de l’animal. Mais actuellement, une chose est certaine, mal veiller n’est en aucun cas prévenir dans tous ses sens.

Cet article n’épuise bien sûr pas le sujet et choisit de mettre en exergue certains thèmes.

Le terme « zoonose » est imputé au médecin allemand Rudolf Virchow (1821-1902) à partir de deux racines grecques, « zoo » l’animal et « nosos » la maladie, ou « maladie due aux animaux ». Le docteur Virchow, médecin libéral, fervent adversaire de Otto Von Bismarck, a exercé et enseigné à l’hôpital de la Charité de Berlin, ancienne maison de quarantaine pour les malades de la peste et baptisé ainsi en 1727 par le Roi-Soldat Frédéric-Guillaume 1er.

Notons pour la petite et la grande Histoire, le transport de patients français atteints du Covid-19 dans ce même hôpital de la Charité par l’armée allemande.

Barbara Dufour de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Maison-Alfort et Marc Savey, représentant l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des aliments nous livrent quelques explications dans leur article « Approche épidémiologique des zoonoses ».

Le concept de zoonose a une définition fondée sur celle des agents étiologiques des zoonoses caractérisés comme « des agents transmissibles (bactéries, virus, parasites ou prions) qui ne sont pas inféodés à un seul hôte et qui peuvent provoquer une infection ou une infestation (avec ou sans maladie clinique) chez au moins deux espèces de vertébrés dont l’homme. » (Savey, 2004 d’après Teufel). Cette définition, permet l’inclusion des maladies communes à l’homme et aux animaux comme la listériose ou le botulisme, quelque soit le mode de contamination. De même en limitant la notion d’hôtes aux seuls animaux vertébrés, elle permet de distinguer au sein des maladies transmises par des insectes à l’homme, celles qui, comme le paludisme, ne sont pas des zoonoses, dans la mesure où le seul hôte vertébré connu est l’Homme, de celles qui sont de véritables zoonoses, comme la fièvre jaune...

Les spécialistes s’accordent pour dire que 75 % des maladies émergentes sont des zoonoses. Certaines zoonoses sont aussi ré-émergentes.

Selon l’O.M.S, une maladie émergente est « une infection nouvelle causée par l’évolution ou la modification d’un agent pathogène ou d’un parasite existant, qui se traduit par un changement d’hôtes, de vecteur, de pathogénicité ou de souche ».

Une zoonose peut appartenir à quatre catégories selon le cycle évolutif de son agent causal [1].

On parle d’orthozoonose ou de zoonose directe lorsqu’une seule espèce de vertébrés est nécessaire. C’est le cas de la majorité des zoonoses infectieuses comme la rage.

Une cyclozoonose nécessite plusieurs espèces de vertébrés dont l’une est responsable de la contamination humaine comme l’hydatidose exigeant le passage entre herbivore et chien avec finalement la contamination de l’Homme par le chien.

Une métazoonose nécessite le passage par un invertébré comme un arthropode. C’est notamment le cas des rickettsioses, de la leishmaniose.

Une saprozoonose nécessite le passage de l’agent dans le milieu extérieur comme dans la fasciolose.

Après sa contamination, l’Homme peut être un « cul-de-sac » épidémiologique. Il ne transmet pas la maladie (brucellose, rage, échinococcose …) On parle dans ce cas de zoonose « bornée ».

La question est de savoir comment affronter une zoonose en tirant profit des connaissances du passé. Les zoonoses peuvent-elles être prévisibles ? Comment faire fructifier nos expériences passées qui n’ont pas été concluantes selon le Conseil de l’Europe.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans son rapport du 7 juin 2010, est en effet « alarmée par la façon dont la grippe pandémique H1N1 a été gérée non seulement par l’Organisation Mondiale de la Santé mais aussi par les autorités de santé compétentes, tant au niveau de l’Union européenne qu’au niveau national ».

L’Assemblée rappelle notamment ses travaux sur la gouvernance dans le secteur de la santé publique.

De tels rapports à l’échelle de l’Union Européenne ont-ils un effet bénéfique dans le sens où ils permettent de mieux anticiper les moyens d’affronter les zoonoses ?

Mais où en est-on sur le plan médical par rapport aux zoonoses ?

Pour ne citer qu’un article en médecine humaine, citons celui-ci. Dans le bulletin de l’Académie nationale de médecine du 9 octobre 2014, paraît l’article de Jeanne Brugère-Picoux et Yves Le Floch Soye « Importance de l’implication de la faune sauvage dans les zoonoses émergentes ou résurgentes ».

L’article rappelle l’importance des animaux sauvages « sentinelles » qui par un taux de mortalité anormale peut annoncer une maladie émergente menaçant l’Homme.

L’article fait notamment état du virus du Nil occidental (VNO), cause d’encéphalites humaines arbovirales mais aussi du virus Nipah (genre Henipavirus, famille des Paramyxoviridae) en Malaisie en 1998-1999 avec 265 cas d’encéphalites humaines dont 105 morts. Le rôle potentiel des chiroptères, notamment des chauves-souris frugivores, (genre Pteropus), semble retenu.

Déjà et depuis la nuit des temps, les chiroptères que personne n’est sensé toucher ou pire, manger...

Le danger souvent extrême des zoonoses émanant de la faune sauvage est donc bien connu.

Les enjeux sont d’abord de disposer de sources d’informations fiables dans un contexte médical actuel chaotique, tant par les polémiques au niveau des thérapies qu’au niveau de l’insuffisance des moyens, masques et tests.

L’académie vétérinaire de France.

L’Académie vétérinaire de France, discrète et efficace, publie un certain nombre d’informations sur son site comme par exemple la conférence sur le Covid-19 du professeur Philippe Sansonetti, titulaire de la chaire de microbiologie et maladies infectieuses, au Collège de France.

Le président de l’Académie vétérinaire de France, Jean-Luc Angot, expert international des questions vétérinaires, chef du corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire au ministère de l’agriculture et de l’alimentation, explique que la croissance démographique, les transports, le trafic des animaux sauvages, l’attrait pour les protéines animales, le climat, les modifications des éco-systèmes, la déforestation, facilitent le rapprochement de certaines espèces animales avec l’Homme et par conséquent le développement des zoonoses.

Il rappelle le concept de « One Heath », élaboré à la suite de la pandémie H1N1.

Pour lui, la coopération entre la médecine animale et vétérinaire doit se développer dans le cadre d’une gouvernance mondiale, dans une logique de recherches interdisciplinaires afin de prévenir les zoonoses.

Revenons aux caractéristiques du virus, permettant de connaître sa catégorie juridique.

Le virus SARS-CoV-2, severe acute respiratory syndrome related corona Virus est le deuxième du nom. Le premier étant le SARS-CoV ou (SARS-CoV-1) à l’origine de l’épidémie du SRAS de 2003.

La maladie se nomme COVID-19, avec un acronyme féminin Coronavirus Disease-2019.

L’agent pathogène est le coronavirus du SARS-CoV-2, découvert en 2019 dans la ville de Wuhan dans la province de Hubei en Chine.

Wuhan, 11 millions d’habitants, 8569 km2, est la première ville du centre de la Chine. Lieu de naissance du soulèvement de la Révolution chinoise de 1911, Wuhan a été pendant quelques mois la capitale du gouvernement nationaliste en 1927.

Le virus vient d’une souche de l’espèce SARS-r-CoV de coronavirus, source d’une pneumonie atypique émergente, la maladie à coronavirus 2019 dite CoVID-19.

L’Organisation Mondiale de la Santé a déclaré cette maladie « urgence de santé publique de portée internationale » (USPPI) le 30 janvier 2020 puis comme pandémie le 11 mars 2020.

Mais qu’est une urgence de santé publique de portée internationale ?

Aux termes d’un document clé, le Règlement Sanitaire International (RSI) datant de 2005, une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI), s’entend « d’un événement extraordinaire dont il est déterminé qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres Etats en raison du risque international de propagation de maladies et qu’il peut requérir une action internationale coordonnée ».

Cette définition implique que la situation est grave, soudaine, inhabituelle, ou inattendue. Que la situation a des implications pour la santé publique dépassant les frontières nationales de l’Etat affecté et pourrait nécessiter une action internationale immédiate.

Penchons-nous davantage sur le Règlement Sanitaire International, instrument juridique international qui a force obligatoire pour 196 pays dont tous les Etats membres de l’Organisation Mondiale de la Santé, y compris la Chine.

La constitution de l’O.M.S a été adoptée par la Conférence internationale de la santé tenue à New York le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. Elle entre en vigueur le 7 avril 1946 puis est amendée en 1977, 1984, 1994, 2005.

Les articles 21 a) et 22 de la Constitution de l’O.M.S confèrent à l’Assemblée mondiale de la santé les prérogatives pour adopter les règlements destinés à empêcher la propagation des maladies d’un pays à l’autre.

L’Assemblée mondiale de la santé est l’organe décisionnel suprême de l’O.M.S. Un organe de l’O.M.S directement concerné par les pandémies est le Groupe Stratégique Consultatif d’experts (SAGE).

Le Règlement Sanitaire International est adopté le 23 mai 2005 par la cinquante huitième Assemblée mondiale de la santé. Il entre en vigueur le 15 juin 2007. Il comporte 102 pages, 66 articles, 9 annexes, 2 appendices.

L’appendice 1 énumère les Etats parties dont la Chine, où est née la pandémie.

Dans l’appendice 2, la Chine déclare que le RSI s’applique à l’ensemble du territoire de la République Populaire de Chine, y compris la région administrative de Hong Kong, celle de Macao et… la province de Taiwan. La Chine refuse en effet de considérer Taiwan comme un Etat indépendant.

La Chine déclare, paragraphe 3 de sa déclaration, avoir pris les dispositions pour une action rapide et efficace et faire face aux risques pour la santé publique et aux urgences de santé publique de portée internationale.

Dont acte. Mais c’était bien avant le Covid-19.

L’objet et la portée du Règlement sont précisés à l’article 2.

Ils « consistent à prévenir la propagation internationale des maladies, à s’en protéger, à la maîtriser et à y réagir par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux ».

L’article 3-1 dit que le règlement est mis en œuvre en respectant pleinement la dignité des personnes, les droits de l’Homme et les libertés fondamentales. Le confinement par exemple ne doit pas s’apparenter à un internement.

L’article 4 dit que chaque Etat partie met en place un point focal national.

L’article 6-1 précise que « chaque Etat partie notifie à l’O.M.S par les moyens de communication les plus efficaces dont il dispose, par l’intermédiaire du point focal national et dans les 24 h suivant l’évaluation des informations de santé publique, tout évènement survenu sur son territoire pouvant constituer une urgence de santé publique de portée internationale au regard de l’instrument de décision, ainsi que toute mesure sanitaire pour faire face à ces évènements ».

Cet article 6-1 met en exergue l’exigence de la rapidité de la notification à l’OMS.

La question est de savoir si l’Etat où est née la pandémie a respecté stricto sensu ces dispositions ou pour des raisons politiques internes et internationales a sciemment tardé, voire désinformé les institutions internationales.

L’article 7 évoque « la survenue d’évènement inattendu ou inhabituel quelle qu’en soit l’origine ou la source, qui peut constituer une urgence de santé publique de portée internationale ».

L’article 12 prévoit les conditions de la détermination de l’existence d’une urgence de santé publique de portée internationale.

L’article 12-4 fait état des informations fournies par l’Etat partie, de l’instrument de décision figurant à l’annexe 2, de l’avis du Comité d’urgence, des principes scientifiques ainsi que des éléments de preuve scientifiques disponibles et autres informations pertinentes, d’une évaluation du risque pour la santé humaine, du risque de propagation internationale de maladies et du risque d’entraves au trafic international.

En cas d’USPPI, l’article 48 prévoit un Comité d’urgences avec des experts pour la mise en œuvre des procédures prévues à l’article 49.

Précisons que l’annexe 2 prévoit l’instrument de décision permettant d’évaluer et de notifier les évènements qui peuvent constituer une urgence de santé publique de santé internationale.

La Chine a-t-elle respecté ces procédures, en sachant que le danger du Covid-19 n’a pas été signalé dès le départ ?

En réalité, les caractéristiques génétiques du virus ne faisaient guère de doute quant à sa propagation et à sa contagiosité dans un pays où la concentration de la population, le trafic et le braconnage de la faune sauvage, ses modes de consommation, et sa propension à considérer tout évènement médical comme politique sont connus.

Revenons encore une fois au virus.

Le SARS-CoV-2 est apparenté au coronavirus responsable du SARS, le SARS-CoV.

Il appartient comme celui-ci à l’espèce virale SARS-rCoV dans le genre Betacoronavirus et au sous-genre sarbecovirus.

Le virus fait 125 nanomètres de diamètre. Son ARN très long (30KB), en fait le plus grand des virus à ARN.

Qu’en est-il de l’agent pathogène ?

Il existe 7 types de coronavirus responsables de pathologie chez l’homme mais plus d’une centaine chez l’animal.

Quatre types sont responsables de pathologies bénignes comme des rhumes selon l’Académie vétérinaire de France : l’alphacoronavirus, HCoV 229 E et HCoV NL63 et le betacoronavirus, HCoV OC 43 et HCoV HKU 1.

Trois sont responsables de pathologies graves.

D’abord le SARS-CoV avec comme origine les chauves-souris et un hôte intermédiaire suspecté, le pangolin.

Puis le MERS-CoV, avec comme réservoir, le dromadaire, apparu en 2012. 70 % de la transmission est nosocomiale ou provient de la consommation du lait cru.

Enfin, le SARS-CoV apparu en 2003. Le réservoir est la chauve-souris. La contamination provient de la consommation de la viande de civette palmiste masquée.

En termes d’homologie, le SARS-CoV-2 est à 50 % semblable à celui du MERS-CoV. Il est à 79,5 % semblable à celui du SARS-CoV. Il est à 90 % homologue (99% localement au niveau du site qui assure la fixation au récepteur cellulaire - l’angiotensine 2 - ACE 2, déterminant pour la spécificité d’hôtes), à un coronavirus présent chez les pangolins. Il est à 96 % semblable à celui de Betacov/Bat/Yunnan/RATG13/2013, un coronavirus d’une chauve-souris chinoise du genre rhinolophe (rhinolophus affinis).

Le professeur Philippe Sansonetti explique parfaitement dans sa conférence au collège de France le rôle de l’angiotensine ACE2.

L’article du 26 mars 2020 de Kristian G Andersen dans la revue Nature « Identifying SARS-COV-2 related Coronavirus in Malayan pangolins », éclaire le rôle du pangolin.

L’épidémie pourrait être antérieure à décembre 2019 et ne pas forcément se trouver sur le marché de Wuhan, nous souffle-t-on.

Face à un tel virus, quels sont les tests et les prélèvements à effectuer ?

Le communiqué de l’académie vétérinaire du 28 mars 2020.

En premier lieu, le principe rappelé par l’académie vétérinaire est que « la réalisation de tests Covid-19 à grande échelle apparaît comme indispensable pour maîtriser l’épidémie et préparer au mieux la levée du confinement ».

Les tests PCR, les tests sérologiques et les tests sérologiques rapides permettent d’aller vite. Les prélèvements sont effectués par différents tests. L’écouvillonnage nasal, la détection par prélèvement au bout du doigt, la détection du coronavirus dans la salive.

La différence entre les laboratoires analysant des prélèvements humains et ceux traitant les échantillons animaux ou alimentaires est liée à une différence de norme ISO, encadrant les pratiques de chaque section, l’ISO 17025 pour les labos vétérinaires et l’ISO 15189 pour les autres.

L’arrêté du 5 avril 2020 qui complète celui du 23 mars 2020 précise le niveau d’accréditation et d’agrément ainsi que les conditions dans lesquelles des laboratoires d’analyses pourront pratiquer des tests de détection Covid-19 à partir de prélèvements d’origine humaine.

Comment la médecine vétérinaire est-elle sollicitée par le gouvernement français ?

Le 24 mars 2020, a été installé un Comité Analyse Recherche et Expertise (CARE) avec pour objectif d’éclairer les pouvoirs publics dans des délais très courts. Composé de 12 médecins et chercheurs, ce comité présidé par Françoise Barré-Sinoussi, virologue, Prix Nobel, inclut Muriel Vayssier, docteur vétérinaire, représentant l’Académie vétérinaire.

Qui veille afin d’éviter les pandémies provenant de zoonoses ?

Pendant longtemps, les animaux ne semblent pas appartenir et dépendre de leur environnement. Leur protection est très déficiente.

La réponse des institutions internationales est d’abord des résolutions aux airs de déclamation dont celle de la conférence de Stockholm sur l’environnement humain en juin 1972 précisant que « l’Homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures ».

Puis des textes comme l’article 24 al 2 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant qui engage les États à lutter contre la maladie « compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel »

Il faut attendre le 17 octobre 2013 pour que le Conseil Economique et Social de l’ONU adopte une résolution sur les mesures de prévention du crime et de justice pénale visant à lutter contre le trafic illicite d’espèces de faune et de flore sauvages protégées.

La résolution de l’ONU du 30 juillet 2015.

La résolution de l’ONU du 30 juillet 2015 A/RES/69/314 est la première « vraie » résolution portant sur la surveillance du trafic des espèces sauvages et qui incite les Etats à prendre des mesures afin de combattre le trafic illicite des animaux sauvages.

Cette résolution énonce des faits qui auraient dû alerter la communauté internationale et la contraindre à mobiliser des moyens.

« Le trafic constitue un risque pour la santé. En effet, le caractère clandestin du braconnage augmente le risque de propagation des maladies. De nombreuses espèces traversent les frontières et échappent ainsi au contrôle des services de santé. Selon des études du Fonds mondial pour la nature, ce trafic représente au moins un quart du nombre total des animaux commercialisés dans le monde. L’Organisation mondiale de la Santé estime, quant à elle, que près de 75 % des maladies émergentes sont transmises à l’homme par les animaux sauvages ».

La résolution dit aussi que « les bandes armées migrantes auteures du trafic sont bien structurées. Le trafic s’inspire désormais des méthodes des trafiquants de drogue et contribue à la prolifération des armes en Afrique ».

Quel est le rôle de la CITES ?

La CITES (Convention on international Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora, la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction dite « de Washington ») est née d’une résolution d’une réunion des membres de l’IUCN (the World Conservation Union).

Le texte de la Convention a été adopté par 80 pays à Washington le 3 mars 1973.

Le 1 juillet 1975, la CITES dont le siège est à Genève entre en application. Elle comporte 25 articles ainsi que les appendices I, II, III.

Une notification à la demande de la Chine.

Le 5 mars 2020, à la demande de la Chine, une décision de l’Assemblée nationale populaire datant du 24 février 2020, interdisant la consommation de viande d’animaux sauvages fait l’objet d’une notification par la CITES aux parties n°2020/018.

La décision est exécutoire immédiatement.

La CITES ne manque pas de rappeler dans sa notification la prohibition (parfaitement connue par la Chine mais non respectée en pratique) de toute atteinte à la faune et à la flore sauvage.

Les spécialistes se doutent en effet que le Covid-19 provient d’animaux vivants sauvages entreposés sur des marchés, notamment les pangolins, qui, dépecés, saignant, ont contaminé les humains, par inhalation ou portage manuel aux muqueuses. Les pangolins ont préalablement été mis en contact avec les chauves-souris porteuses du virus, jouant ainsi le rôle de hôtes du virus. Le pangolin, recouvert d’écailles, est un myrmécophage, il se nourrit de fourmis et de termites. Il est victime de trafic pour sa peau et ses organes pour la médecine traditionnelle ainsi que pour sa viande.

Concernant les pangolins, (Manidés, Maninae, pangolins asiatiques, smutsiinae, pangolins africains), la CITES mentionne bien que « all species of pangolin are included in Cites Appendix I, which means that international commercial trade is generally prohibited under the Convention Exchange for non-commercial purpose such an conservation or law enforcement can be authorized by CITES parties".

Les pangolins, notamment les trois espèces asiatiques (M. crassicaudata, M. javanica et M. pentadactyla) sont en danger critique. Le pangolin est en effet sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la conservation de la nature « The IUCN Red list of threatened species », faite en 1964.

La Chine n’est pas le seul pays englué dans le trafic d’animaux sauvages comme le pangolin.

Déjà, en 2018, la CITES a fait une notification N° 2018 :082 du 1 novembre 2018 au Congo sur le fondement de l’article XIII de la Convention, concernant tout trafic et toute commercialisation des pangolins.

Quelle force juridique a cet engagement chinois, sinon d’avouer à la communauté internationale sa connaissance des causes redoutées de la transmission du Covid-19 ?

Quelle est l’effectivité de cette mesure ?

Quelle politique pénale est-elle mise en œuvre pour réprimer les violations des conventions internationales et le crime organisé à l’encontre de la nature ?

La CITES ne lutte pas contre les zoonoses.

La CITES travaille à la protection des espèces animales et végétales menacées mais elle est incompétente de par son objet pour lutter contre les zoonoses.

Matters regarding zoonotic diseases are outside of cites‘s mandate”, est-il écrit sur le site de la CITES.

Mais alors quelles autres organisations que l’O.M.S sont-elles chargées de lutter contre les zoonoses ?

La CITES renvoie à la World Organization for Animal Health (O.I.E), à Food and Agriculture Organization of the World Nations (F.A.O) et aux autres organismes internes ou internationaux.

La CITES rappelle la responsabilité de chaque pays et le rôle du droit national. « It is important to note that trade in CITES-listed species within a given country is governed by the relevant law’s of that jurisdiction”.

"The Secretariat continues to work with source, transit and destination countries through compliance, assistance and enforcement activities, including with the partners of the International Consortium on combating wildlife crime (ICCWC)".

Quels sont les partenaires de l’ICCWC ? Un protocole d’accord a été signé à Saint-Petersbourg en Russie le 23 novembre 2010. La CITES (Convention on International Trade in Endangered Species of Wilf fauna and Flora), Interpol, l’UNODC (The United Nations Office on Drugs and Crime), la Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale des Douanes (World Customs Organization – WCO).

La France a créé un bureau des échanges internationaux d’espèces menacées au ministère de la transition écologique et solidaire, visant à appliquer la CITES. La loi n°77-1423 du 27 décembre 1977, le règlement (CE) n°338/97 du Conseil du 9 décembre 1996, le règlement (CE) n°865/2006 de la commission du 4 mai 2006, le règlement d’exécution (UE) n°792/2012 de la commission du 23 août 2012, la loi n°2016-1087 du 8 août 2016, l’article L 412-1 du Code de l’environnement, autant de textes que l’Union Européenne et la France devront réexaminer pour s’adapter à l’émergence de zoonoses aussi dangereuses.

Concernant la veille sanitaire en France, Elena Arsevska, dans sa thèse soutenue en 2017, « Elaboration d’une méthode semi-automatique pour l’identification et le traitement des signaux d’émergence pour la veille internationale sur les maladies infectieuses » fournit des explications intéressantes. L’inscription d’une nouvelle thématique « veille sanitaire internationale » dite V.S.I dans le programme d’activité de la plateforme nationale d’épidémiosurveillance en santé animale (plateforme ESA) a été décidée en 2013. La mission de la V.S.I est d’identifier, suivre et analyser les signaux de dangers sanitaires (en santé animale au sens large), menaçant le territoire français. L’analyse de ces signaux permettra de produire une information sanitaire claire dont le risque pourra être évalué par l’Agence Nationale de la Sécurité Sanitaire. (A.N.S.E.S) et géré par la direction générale de l’alimentation (D.G.A.L).

La CITES renvoie notamment à la F.A.O pour la lutte contre les zoonoses.

L’organisation intergouvernementale Food and Agriculture Organization of the United Nations ou bien l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, joue en effet un rôle dans la lutte contre les zoonoses.

La F.A.O créée en 1945 dont le siège social est à Rome compte 197 membres.

Le directeur de l’O.M.S, Tedros Adhanom Ghebreyesus, de la F.A.O, Qu Dongyu, et de l’O.M.C, Roberto Azevedo ont fait une déclaration commune le 31 mars 2020 sur l’approvisionnement alimentaire.

La F.A.O déclare sur son site que « le renforcement des systèmes de production et de distribution des denrées alimentaires est essentiel pour lutter contre la faim et suppose de contribuer à combattre les maladies qu’elles soient apparues chez les humains, les animaux, les plantes ou dans l’environnement ».

La F.A.O centre son action sur « plusieurs questions de santé animale interdépendante, les maladies zoonotiques, transfrontières, transmises par les insectes, liées la production et à l’hygiène, la santé publique vétérinaire ».

Le principe holistique est « une seule santé, à travers la santé sanitaire des aliments, le renforcement des systèmes vétérinaires, la résistance aux antimicrobiens » comme le rappelle Jean-Luc Angot.

Il y a le système de prévention des crises EMPRES en santé animale, le cadre de gestion des crises pour la filière alimentaire (FCC), de la F.A.O, le centre de gestion des urgences de santé animale (EMC-AH).

L’EMC-AH est une plate-forme commune "urgences et réhabilitation" de la F.A.O, dont le but est de réduire l’impact des urgences zoosanitaires.

L’EMC-AH développe la prévention, la détection et le rétablissement des crises zoosanitaires.

Mais la CITES renvoie également à l’organisation internationale des épizooties, l’O.I.E.

L’organisation internationale des épizooties.

L’Organisation Mondiale de la Santé Animale a été créée par l’Accord International du 25 janvier 1924 sous le nom d’Office International des Epizooties. Cette création fait suite à l’épizootie de peste bovine survenue en Belgique en 1920.

En mai 2003, l’Office est devenu l’Organisation Mondiale de la Santé Animale, gardant son acronyme historique O.I.E.

182 pays sont adhérents dont la Chine et le Vietnam.

L’organisation est placée sous l’autorité et le contrôle d’une Assemblée mondiale des délégués désignés par les gouvernements de tous les pays membres.

Le siège de l’organisation est à Paris.

Le directeur général est élu par l’assemblée mondiale des délégués.

L’O.I.E est dirigée depuis le 1er janvier 2016 par le docteur Monique Eloit, vétérinaire. Elle a participé à la création de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV).

Ses missions sont notamment de veiller à la transparence de la situation sanitaire mondiale.

Les normes sanitaires internationales sont élaborées par des commissions spécialisées de l’O.I.E. Elles visent à protéger les pays contre l’introduction de maladies et d’agents pathogènes. Le Comité international de l’O.I.E ratifie les normes. Elles sont incorporées au manuel des tests de diagnostic et des vaccins pour les animaux terrestres, au manuel des tests de diagnostic pour les animaux aquatiques, au code sanitaire pour les animaux terrestres, au code sanitaire pour les animaux aquatiques.

Ses normes sont reconnues comme références mondiales par l’O.M.C.

L’O.I.E a créé cinq commissions régionales, l’Afrique, les Amériques, l’Asie, l’Extrême-Orient et l’Océanie, l’Europe et le Moyen-Orient.

Le docteur Norio Kumagai, japonais, est président de la commission d’Asie-Extrême-Orient et Océanie.

Une des missions-clés de l’O.I.E est « d’informer les pays membres et les organisations partenaires sur la situation sanitaire mondiale en matière de maladies animales et de zoonoses.

Le système est basé sur l’obligation de notification qu’ont les pays membres. Tout événement épidémiologique exceptionnel doit être notifié dès que possible au Bureau central qui diffuse immédiatement l’information à son réseau comportant tous ses pays membres (alerte précoce). Un suivi hebdomadaire est en outre assuré. »

L’O.I.E élabore "les normes utilisables par les pays membres pour se protéger de l’introduction de maladies sans pour autant instaurer des barrières sanitaires injustifiées. Les normes, lignes directrices et recommandations de l’O.I.E sont reconnues depuis 1995 comme références internationales en matière de santé animale et de zoonoses par l’accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires [accord SPS de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)]. Elles sont élaborées sur des bases scientifiques par les meilleurs scientifiques mondiaux. Ces experts sont issus des pays membres et du réseau des 170 Centres Collaborateurs et Laboratoires de Référence de l’OIE".

L’O.I.E considère les Services Vétérinaires de tous ses pays membres comme "un Bien Public International".

L’O.I.E a fait le "Veterinary Laboratory Support to the Public Health Response for Covid-19. Testing of Human Diagnostic Specimens in Veterinary laboratories".

Regardons plus précisément la documentation établie par l’O.I.E.

Le Code sanitaire pour les animaux terrestres.

Le chapitre 4-2 prévoit les Principes généraux d’identification et de traçabilité des animaux vivants.

L’article 4-2-1 prévoit l’identification des animaux et la traçabilité animale sont des outils de gestion de la santé animale (notamment au regard des zoonoses) et de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires.

Le chapitre 4-1 concerne l’introduction aux recommandations relatives à la prévention et au contrôle des maladies animales transmissibles.

L’article 4-1-1 dit que la prévention et le contrôle efficaces des maladies animales transmissibles, y compris des zoonoses, sont au cœur du mandat des services vétérinaires de chaque Etat-membre.

Ces dispositions doivent s’appuyer notamment sur l’Application des mesures phytosanitaires et sanitaires de l’organisation internationale du commerce.

Trois tomes du “Manual of Diagnostic Tests and Vaccines for terrestrial animals”existent. Cet ouvrage couvre les maladies infectieuses et parasitaires des mammifères, oiseaux et abeilles.

L’O.I.E travaille en collaboration avec les autres organisations internationales. Mais quelles sont les teneurs de ces collaborations ?

Accord entre l’O.I.E et l’O.M.S

Cet accord, signé le 16 décembre 2004 entre Jong-Wook Lee, directeur de l’O.M.S et Bernard Vallat, directeur général de l’O.I.E, est composé de 7 articles.

Citons l’article 4-1. L’O.M.S et l’O.I.E collaborent dans des domaines présentant un intérêt commun en particulier par les moyens suivants. L’échange réciproque de rapports, de publications et d’autres informations en particulier et de maladies d’origine alimentaire. Les deux parties prendront des arrangements spéciaux pour coordonner la riposte aux flambées de ZOONOSES et/ou de maladies d’origine alimentaire notamment ou potentiellement importantes en santé publique au niveau international.

Citons aussi l’article 4-3. L’élaboration, la défense et le soutien technique conjoints de programmes nationaux, régionaux ou mondiaux, visant à maitriser ou éliminer les principales zoonoses.

Accord entre l’O.M.C et l’O.I.E

Cet accord a été signé entre l’O.M.C et l’O.I.E le 4 mars 1998.

L’article 1 dit que l’O.I.E et l’O.M.C conviennent en vue de faciliter l’accomplissement de leurs missions respectives telles qu’elles sont définies par l’Arrangement international portant création de l’O.I.E et par les textes relatifs à l’O.M.C, notamment l’Accord relatif à l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires appelé SPS, d’agir en collaboration et de se consulter réciproquement sur les questions présentant un intérêt commun, en particulier celles qui concernent l’aspect sanitaire du commerce international des animaux et des produits d’origine animale et les zoonoses.

Le rapport de l’O.I.E de mai 2018.

La Commission spécialisée de l’O.I.E sur la faune sauvage déclare au paragraphe 172 vouloir améliorer les notifications des points focaux nationaux de l’O.I.E pour la faune sauvage. Le groupe de travail a actualisé la liste pour la notification volontaire des maladies non listées par l’O.I.E affectant la faune sauvage. Au paragraphe 173, le groupe de travail « a passé en revue les problèmes émergents et remarquables relatifs à la faune sauvage ainsi que les évènements de maladie". comme l’infection par un nouveau coronavirus transmis par des chauves-souris chez des porcs, le Mers-CoV, le rhabdovirus chez les chauves-souris aussi.

Mais au paragraphe 180, on lit que l’O.I.E ne présente pas dans ses Manuels de recommandations pour les protocoles de diagnostic des agents pathogènes affectant la faune sauvage.

La raison est que des méthodes de diagnostic relatives aux maladies infectieuses affectant des espèces de la faune sauvage ont déjà été publiées par différents groupes, par exemple, les fiches de diagnostic de l’Association européenne sur les maladies de la faune sauvage, les fiches d’information sur la santé de la faune sauvage de la Wildlife Health Australia ou les fiches d’informations figurant dans le Manuel des maladies transmissibles de l’Association européenne des vétérinaires de zoo et de la faune sauvage.

Mais si l’O.I.E s’en remet à ces associations concernant les zoonoses émanant de la faune sauvage, ne s’écarte-t-elle pas de ses missions ? N’est-ce pas une priorité absolue que d’établir des recommandations ? Sans nul doute, le Covid-19 ne pourra qu’initier une nouvelle organisation. Les sites internet des associations citées ne comportent pas assez d’éléments. Les moyens de ces associations sont en outre limités.

Le guide tripartite pour la gestion des zoonoses à travers l’approche multifactorielle « une seule santé ».

L’O.M.S a mis en place des International Health Regulations (IHR), Asia Pacific Strategy for Emerging Diseases and Public Health Emergencies, Advancing Implementation of the International Health Regulations. C’est la doctrine du One Health Approach.

Mais le guide tripartite pour la gestion des zoonoses à travers l’approche multifactorielle "une seule santé" de 180 pages, publié en 2019 par la FAO, l’O.M.S et l’O.I.E, traduit notamment une prise de conscience de l’unité de la médecine humaine, vétérinaire et de la biologie animale.

C’est le GTZ, le guide tripartite pour la gestion des zoonoses, impliquant « tous les secteurs et disciplines pertinents dans une interface Homme-Animal-Environnement ».

On y lit page 15 qu’un secrétariat visant à appliquer le concept « One Health » a été créé au bureau régional de la FAO pour l’Asie et le Pacifique à Bangkok.

Le guide tripartite détaille aussi les mécanismes de coordination multifactoriels.

Page 23, l’importance de la confiance est mise en exergue.

Le guide tripartite met également en place les plans d’urgence.

Le cadre opérationnel pour le renforcement des systèmes de santé publique animale et environnementale à leur interface a été publié par la Banque Mondiale en 2018.

De nombreux appels d’organisations au Parlement européen ou à l’Organisation des Nations Unies sont en faveur de juridictions internationales sanitaires visant à juger les responsables des catastrophes naturelles et écologiques. Créer une juridiction ad hoc pourrait être une solution mais demanderait des années. Alors, quelles juridictions internationales existantes pourraient-elles contribuer à une action répressive, après enquêtes, et à prononcer un jugement en cas de crise sanitaire provoquée par des négligences volontaires ? Sans être exhaustif, nous pouvons tenter de donner quelques pistes.

La Cour pénale internationale.

Réviser les statuts de la Cour Pénale Internationale datant du 17 juillet 1998, en vigueur depuis le 1 juillet 2002, notamment les articles 121, 122, et 123 serait-il possible ?

L’objectif serait d’introduire la catastrophe environnementale et animalière comme l’une des incriminations des crimes contre l’Humanité, permettant de poursuivre les responsables ayant agi intentionnellement, en instaurant une compétence universelle.

La Procureure de la Cour Pénale Internationale, Fatou Bensouda a publié le 15 septembre 2016 le document de politique générale relative à la sélection et à la hiérarchisation des affaires.

Conformément à l’article 19 du statut, une affaire doit s’inscrire dans le cadre d’une situation déférée par un Etat partie ou le Conseil de sécurité de l’ONU ou autorisée par la Chambre préliminaire ou doit être suffisamment liée à cette situation.

L’article 12-2 du statut, page 15 du document de politique générale, paragraphe 41, indique que « l’impact des crimes peut s’apprécier à la lumière, entre autres, de la vulnérabilité accrue des victimes, de la terreur répandue parmi la population ou des ravages qu’ils causent sur le plan social, économique, et écologique au sein des communautés concernées. Dans ce contexte, le bureau s’intéressera particulièrement aux crimes visés au statut de Rome impliquant ou entrainant entre autres des ravages écologiques, l’exploitation illicite de ressources naturelles ou l’expropriation illicite de terrains ».

L’objectif serait de préciser cette expression « ressources naturelles ».

Les animaux sauvages ne sont pas des ressources naturelles. Mais ils peuvent être victimes de ravages écologiques, conséquences de l’exploitation des ressources naturelles. Il conviendrait d’intégrer le principe que « toute atteinte systématique et organisée, toute atteinte directe ou indirecte à la faune sauvage ainsi qu’à son environnement » sont considérées comme un crime contre l’Humanité.

Mais n’oublions pas que sept Etats ont voté, le 17 juillet 1998, contre la convention portant Statut de la Cour pénale internationale. Parmi eux figurent deux membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU : les Etats-Unis et la Chine, qui occupe le Tibet. Réviser les statuts de la Cour Pénale Internationale s’annonce complexe mais rien n’empêche d’essayer, le contexte de la pandémie permettant toutes les audaces.

La Cour internationale de justice.

La Cour Internationale de Justice pourrait-elle statuer sur des crimes environnementaux (et) ou animaliers ayant des conséquences sanitaires ?

La C.I.J créée en juin 1945 a commencé son activité en avril 1946. Son président est le somalien Abdulqawi Ahmed Yusuf. Sa vice-présidente est la chinoise Xue Hanqin.

L’article 26 al 1 dit que la Cour peut à toute époque constituer une ou plusieurs chambres, composées de 3 juges au moins, selon ce qu’elle décidera, pour connaitre de catégories déterminées d’affaires, par exemple d’affaires de travail et d’affaires concernant le transit et les communications.

L’article 26 al 2 dit que la Cour peut à toute époque constituer une chambre pour connaitre d’une affaire déterminée. Le nombre des juges de cette chambre sera fixé par la Cour avec l’assentiment des parties.

L’article 26 al 3 dit que les chambres prévues au présent article statueront si les parties le demandent.

Mais le pire, c’est qu’une chambre pour les questions d’environnement existait…

S’agissant de la constitution d’une chambre en vertu du paragraphe 1 de l’article 26 du statut, la cour avait institué en 1993 une chambre pour les questions d’environnement laquelle avait été régulièrement reconstituée jusqu’en 2006.

"Au cours des treize années d’existence de cette chambre, aucun Etat n’a toutefois demandé à ce qu’une affaire soit portée devant elle".

La Cour a décidé en 2006 de ne pas tenir d’élections pour en renouveler la composition.

Six chambres ont été constituées en vertu du paragraphe 2 de l’article 26 (chambres ad hoc) de 1982 à 2002, portant principalement sur les différends terrestres.

Mais un différend concernant l’environnement et les animaux aurait pu potentiellement être traité.

La Cour pourrait revenir sur sa décision et remettre en fonctionnement une chambre pour les questions d’environnement, impliquant les crimes à l’encontre de la faune sauvage et la survenue de pandémies.

Notons une certaine jurisprudence encourageante de la Cour Internationale de Justice.

La décision de la C.I.J du 2 février 2018.

Par une décision du 2 février 2018, la C.I.J a admis qu’un Etat était tenu de réparer les dommages à l’environnement causés à un autre Etat.

La C.I.J condamne ainsi le Nicaragua à indemniser le Costa Rica pour les dommages causés à l’environnement résultant du creusement de deux canaux dans une zone qui s’est révélée être sous souveraineté costaricaine.

« Cette indemnisation peut comprendre une indemnité pour la dégradation ou la perte de biens et services environnementaux subie et une indemnité pour la restauration de l’environnement endommagé » dit la Cour. Sans qu’elle opte par contre pour une méthode d’évaluation des dommages environnementaux.

On pourrait imaginer un pays victime de déforestation et de la disparition d’espèces de faune sauvage intenter une procédure en responsabilité internationale et solliciter une indemnisation. L’évaluation du préjudice pourrait se faire à l’aide des études déjà existantes.

La Commission de coopération environnementale.

Le Canada, le Mexique et les Etats-Unis ont fondé la Commission de coopération environnementale pour mettre en œuvre l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement (ANACDE), accord environnemental parallèle à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). La Commission peut connaitre des différends soumis par ces trois parties ou leurs citoyens sans toutefois disposer de pouvoir de coercition. Cette commission semble bien limitée et ne répond probablement pas aux enjeux des conséquences d’une pandémie.

Concernant la Cour Permanente d’Arbitrage, la situation est différente car nous avons une décision récente concernant la Chine. On peut tenter une certaine extrapolation.

La Cour permanente d’arbitrage et son jugement du 12 juillet 2016.

Le jugement d’arbitrage de la Cour Permanente d’Arbitrage de la Haye du 12 juillet 2016 relatif à la mer de Chine méridionale, opposant la République des Philippines et la République Populaire de Chine permet d’analyser et d’anticiper pour des problèmes futurs, le comportement de la Chine en matière de résolution pacifique des conflits mais aussi lors d’un contentieux environnemental et sanitaire.

Rappelons la procédure car elle vaut son pesant d’or.

Le tribunal a été constitué le 21 juin 2013 conformément à la procédure prévue à l’annexe VII de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, conclue à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982, en vue de statuer sur le différend introduit par les Philippines.

Le mécanisme mis en place par la Convention pour le règlement de ces différends prévoit quatre moyens de règlement au choix : le tribunal international du droit de la mer, la Cour internationale de justice, l’arbitrage conformément aux dispositions de l’annexe VII de la convention ou l’arbitrage spécial dans le cadre de l’Annexe VII de la Convention.

A défaut d’un accord entre les parties sur une instance appropriée ou lorsqu’une partie n’a pas fait connaître son choix au préalable, les différends ne peuvent être soumis qu’à la procédure d’arbitrage.

Le Tribunal a traité l’affaire du 22 janvier 2013 au 12 juillet 2016.

Dans sa note de position du 1er août 2013, « reiterated its position that it does not accept the arbitration initiated by the Philippines », la Chine a réaffirmé « a position of non –acceptance and non-participation ».

L’article 11 de l’Annexe VII énonce pourtant que toutes les parties au différend doivent se conformer à la sentence.

La Chine a totalement rejeté la procédure, refusant de se soumettre au tribunal !

Pendant la procédure de l’arbitrage, la Chine a « même construit une grande ile artificielle sur le récif de Mischief, un haut-fond découvrant situé dans la zone économique exclusive des Philippines, infligé des dommages permanents et irréversibles à l’écosystème des récifs coralliens et détruit de façon permanente des preuves sur l’état naturel des éléments en question », dixit le tribunal.

La Chine se conformera-t-elle au droit international en cas de différends juridiques lors de la construction de la nouvelle route de la soie ?

Ou choisira-t-elle exclusivement de privilégier ses intérêts, sa souveraineté et son nationalisme ? La question est légitime.

Rappelons certaines informations inquiétantes inhérentes au projet de la route de la soie.

Des risques de zoonoses avec le projet de la route de la soie ?

En septembre 2013, à Astana, capitale du Kazakhstan, lors de la réunion de l’Organisation de Coopération de Shangaï, devant les représentants de 28 pays, le président chinois Xi Jinping confirme le projet de son pays de construire une nouvelle route de la soie visant à développer le commerce terrestre et maritime en direction de tous les continents.

Le géographe Ferdinand Von Richtofen (1833-1905), le père de l’expression « la route de la soie » n’aurait jamais imaginé un tel projet chinois baptisé « One Belt, One Road » dont l’acronyme est OBOR.

Quatre milliards de personnes seraient impliqués directement ou indirectement. 40 pour cent de la superficie du monde seraient concernés. 75 pour cent des sources d’énergie identifiées seraient la cible.

Qu’en est-il du respect de l’environnement et de la faune sauvage, avec les déforestations et les bouleversements des écosystèmes de certaines régions ne pouvant qu’attenter à la biodiversité ? N’y-a-t-il pas des risques de propagation de zoonoses, voire de nouvelles pandémies ?

Comment contraindre la Chine à respecter le droit international de l’environnement foisonnant avec, plus de 300 traités internationaux, plus de 1.000 accords bilatéraux, sans parler des droits internes, du droit communautaire, des coutumes, du jus cogens, de la jurisprudence des différentes juridictions, de la doctrine ?

Interpol : le bras armé de la lutte contre le trafic de la faune sauvage ?

Interpol joue un rôle contre les zoonoses en luttant contre le trafic organisé des animaux sauvages en coordonnant certaines opérations avec d’autres organisations.

Interpol dont le siège est à Lyon, créé en 1923, réunit 194 pays. L’organisation est présidée par le coréen Kim Jong-Yang.

La fonction de Président est à temps partiel et non rémunérée. Son titulaire conserve son poste à plein temps au sein de son administration nationale.

L’organisation ne manque pas de susciter des interrogations.

D’abord par les sources de son budget. En juin 2011, la FIFA fait un don de 20 millions d’euros. En juin 2012, Philip Morris fait un don de 15 millions d’euros. En mars 2013, Sanofi, Pfizer et Novartis font un don de 4,5 millions d’euros.

La question est de savoir pourquoi la communauté internationale ne finance pas plus Interpol en évitant ainsi les trafics d’influence potentiels.

Ensuite par sa gouvernance.

Le président chinois de Interpol Meng Hongwei a démissionné le 7 octobre 2018. Il a été condamné par un tribunal chinois à 13 ans et six mois de prison officiellement pour corruption. Quel est le fond de l’affaire ?

Le rapport d’Interpol PNUE-Interpol « A crowing threat to natural ressources, peace, development and security / The rise of environmental Crime » estime à 20 milliards de dollars le commerce illicite d’espèces sauvages.

Les enjeux financiers sont immenses.

Interpol a un groupe dédié qui « contribue » à désorganiser et à démanteler les réseaux de criminalité en matière de trafic des espèces animales sauvages.

On peut citer quelques opérations.

L’opération Stocktake en décembre 2011 a inauguré par exemple « une série d’actions ciblant les marchés régionaux d’espèces sauvages lesquels mettent en danger la survie de ces espèces mais également la santé publique de par les zoonoses, maladies transmissibles à l’homme qu’ils sont susceptibles de transmettre ».

Signalons aussi l’opération Libra en juin et juillet 2012, en Indonésie, au Laos, en Malaisie, en Thailande et au Vietnam.

L’opération Libra s’est déroulée avec l’aide de l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD) et de Wildlife Enforcement Network (réseau régional de protection des espèces sauvages) de l’ASEAN.

1200 restaurants ont été perquisitionnés. 1220 pangolins ont été retrouvés dont près de la moitié étaient encore vivants. « Une cargaison de 260 cartons de pangolins surgelés d’un poids total de 5 tonnes provenant d’Indonésie a été saisie au Vietnam à Hai Phong ».

L’Organisation Mondiale des Douanes ou O.M.D, organisation intergouvernementale indépendante est créée en 1952 et a son siège à Bruxelles. Elle réunit 183 administrations douanières traitant environ 98 % du commerce mondial. L’O.M.D dispose de 28 centres régionaux de formation dont 7 dans la région Asie-Pacifique (la Chine, la Corée, Fidji, Hong Kong, Inde, Japon et Malaisie).

L’opération Thunderball est une opération internationale de lutte contre la criminalité forestière et liée aux espèces sauvages. Elle a bénéficié du soutien financier de la Direction générale Coopération internationale et développement (DEVCO) de l’Union européenne dans le cadre de l’ICCWC, du Bureau des affaires internationales de stupéfiants et de répression du Département d’Etat des Etats-Unis (INL), du ministère de l’Environnement, de l’alimentation et des affaires rurales (DEFRA) du gouvernement britannique.

L’opération a été coordonnée depuis le Centre de coordination des opérations du Complexe mondial d’Interpol pour l’innovation à Singapour.

Coordonnée conjointement par le Programme Environnement de l’O.M.D et le Programme de Sécurité Environnement d’Interpol, l’Opération Thunderball est la troisième de la série « Thunder » après l’opération Thunderbird en 2017 et l’opération Thunderstorm en 2018.

« Elle a permis de saisir des produits issus d’espèces sauvages protégées dont 545 kg d’ivoire, 1,3 tonne d’écailles de pangolin, 9700 tortues terrestres et marines vivantes et 604 tonnes de bois et d’arrêter près de 600 personnes. Déjà, Au cours de l’opération Paws en 2015, plus de 13 tonnes de produits issus du Pangolin dont la valeur à la revente a été évaluée à plus de deux milliards de dollars américains, ont été saisies plus environ 1.000 animaux ».

"Le projet Predator a ainsi été créé pour lutter contre le trafic des félins et d’autres espèces tout comme le projet Wisom pour lutter contre le trafic des éléphants et des rhinocéros. L’opération Worthy II en 2015 a concerné l’ivoire d’éléphant et les cornes de rhinocéros".

Concernant le trafic des pangolins, toutes les informations sont disponibles depuis bien longtemps. Ainsi le rapport de décembre 2017 de Sarah Heinrich et autres intitulé "Traffic Report / The Global Trafficking of pangolins / a comprehensive summary of seizures and trafficking routes from 2010-2015", explique très bien l’extrême vulnérabilité des espèces de Pangolins et l’implication de nombre de pays dans leur trafic, dans une passivité voire une connivence des autorités nationales sans parler de la corruption.

Interpol effectue une approche multisectorielle en matière de criminalité liée aux espèces sauvages comme lors d’une réunion avec des participants de 45 pays du 18 au 22 novembre 2019. Les sujets incluent la criminalité forestière, financière associée au trafic d’espèces sauvages, les difficultés rencontrées en matière de répression et d’intervention transnationale ou encore la formation sur la criminalité liée aux espèces sauvages.

« La criminalité liée aux espèces sauvages prive non seulement notre environnement de ses ressources mais la violence, le blanchiment d’argent et la fraude qu’elle entraine dans son sillage ont également des conséquences » indique le Secrétaire général d’Interpol, Jurgen Stock.

Il précise que « Interpol continuera de coopérer avec les partenaires du Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC / international consortium on combatting wildlife crime) en faveur de l’action menée pour mettre en œuvre la CITES ».

Conclure cet article très court et n’abordant que certains thèmes est difficile.

Une assemblée de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique signée en 1992 à Rio de Janeiro, entrée en vigueur le 29 décembre 1993, est prévue en octobre 2020 à Kunming en Chine. La Chine, partenaire économique incontournable, saura-t-elle nous convaincre que ses engagements internationaux en faveur de la protection de la nature et des animaux, ne sont pas de simples postures ? Le monde ne pourra se contenter de simples promesses. Quel rôle l’ASEAN pourrait-elle remplir ? Interpol ? Les polices nationales ? Un financement exceptionnel pour former tous les intervenants en matière de lutte contre le trafic de la faune sauvage et multiplier les opérations contre ce crime organisé s’imposent. Tout comme renforcer la veille sanitaire internationale en positionnant des vétérinaires dans les ambassades des pays les plus exposés. Le Covid-19 ouvre des perpectives. Celles d’être efficace et de ne plus croire sans acte. On espère que One Belt One Road s’inféodera à One Health. Quand la Chine se réveillera, la faune sauvage risque de n’être plus qu’un concept, sauf si les sanctions internationales se mettent en place.

Vincent Ricouleau Professeur de droit -Vietnam - Titulaire du CAPA - Expert en formation pour Avocats Sans Frontières - Titulaire du DU de Psychiatrie (Paris 5), du DU de Traumatismes Crâniens des enfants et des adolescents (Paris 6), du DU d'évaluation des traumatisés crâniens, (Versailles) et du DU de prise en charge des urgences médico-chirurgicales (Paris 5). Fondateur et directeur de la Clinique Francophone du droit au Vietnam.

[1Voir thèse de doctorat vétérinaire « les zoonoses en France, évaluation des connaissances des médecins et vétérinaires » de Laetitia Canini.