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L’impact de l’ordonnance du 15 avril 2020 sur les autorisations d’urbanisme. Par Nicolas Maillard, Avocat.
Parution : samedi 18 avril 2020
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L’ordonnance rectificative relative à la prorogation des délais échus était attendue par l’ensemble des acteurs de l’immobilier après les nombreuses incertitudes nées de l’ordonnance initiale du 25 mars 2020.
C’est chose faite, avec la publication au Journal Officiel de l’ordonnance n°2020-427, le 16 avril 2020.
Il faut se féliciter de la plupart des clarifications apportées, qui permettront une reprise plus rapide des projets immobiliers.
En voici les principales dispositions, s’agissant des autorisations d’urbanisme.

1. Le nouveau délai de prorogation.

La nouvelle ordonnance supprime le délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, prévu par l’ordonnance du 25 mars 2020.

Désormais, les délais suspendus pendant la période d’urgence sanitaire reprendront leur cours initial à compter du 24 mai 2020 [1].

2. Les délais d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme sont suspendus.

La nouvelle ordonnance prévoit que les délais d’instruction des demandes d’autorisation, de certificats d’urbanisme et des déclarations préalables, ainsi que les procédures de récolement, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. [2]

Leur cours reprendra à compter du 24 mai 2020.

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période d’urgence sanitaire est reporté au 24 mai 2020.

Ces dispositions s’appliquent également :
- Aux délais impartis pour les autorités administratives pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l’instruction d’une demande ou d’une déclaration ;
- Aux demandes de pièces complémentaires.

Ainsi, pour une demande de permis de construire déposée le 12 février 2020 en mairie, le délai d’instruction de la demande est suspendu du 12 mars au 24 mai 2020, et court jusqu’au 25 juillet 2020, sous réserve des cas de suspension de droit commun.

Nos recommandations :

Nous recommandons donc aux porteurs d’un projet immobilier de procéder au dépôt de leur demande même dans le délai d’urgence sanitaire car, d’une part, de nombreuses communes continuent d’instruire les demandes d’autorisations pendant cette période et, d’autre part, il est probable qu’au moment d’une reprise compte de l’activité, les services instructeurs analysent les demandes en fonction de leur ordre d’arrivée.

3. Les délais de recours des tiers sont suspendus.

Disposition très attendue, la nouvelle ordonnance prévoit désormais que "les délais de recours et déférés préfectoraux à l’encontre d’une décision de non opposition à déclaration préalable, ou d’un permis de construire, ‘aménager ou de démolir, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date suspendus. Ils recommencent à courir à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, sans que cette durée puisse être inférieure à 7 jours." [3].

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci.

Cette clarification est bienvenue : contrairement à ce qui était prévu dans l’ordonnance du 25 mars 2020, les délais de recours sont officiellement suspendus (c’est-à-dire qu’ils ne repartiront pas à 0 à l’issue de l’état d’urgence sanitaire), et le délai "tampon" d’un mois à l’issue de la période d’état d’urgence sanitaire est supprimé. Les délais redémarrent au 24 mai et non plus au 24 juin 2020.

Ainsi, si vous avez affiché un permis de construire sur votre terrain le 12 février 2020, le délai de recours des tiers est suspendu du 12 mars au 24 mai 2020, et recommence à courir à compter de cette date pour le mois restant, soit jusqu’au 25 juin 2020.

A noter le délai de reprise minimum de 7 jours, qui permet de sécuriser la possibilité de saisir le juge à l’issue de la période d’urgence sanitaire.

Nos recommandations :

Nous recommandons aux titulaires d’une autorisation d’urbanisme dont le permis a déjà été affiché sur le terrain avant le 12 mars 2020, de ne pas en retirer l’affichage durant la période d’urgence sanitaire, au risque de provoquer un allongement des délais de recours.
En effet, pour déclarer le recours des tiers de 2 mois purgé, il faut pouvoir démontrer que l’affichage du panneau a été continu et régulier sur le terrain pendant les 2 mois.
Pour rappel, la sanction de l’absence d’affichage ou de l’affichage non continu sur le terrain est le report du délai de recours des tiers, jusqu’à 1 an.

4. Les délais relatifs aux décisions de préemption sont suspendus.

Le nouvel article 12 quater prévoit que les délais relatifs aux procédures de préemption, à l’issue ’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou autorités administratives mentionnées à l’article 6 de l’ordonnance du 25 mars 2020 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, sont, à cette date, suspendus.

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 24 mai 2020 inclus sont reportés.

Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, pour la durée restant à courir au 12 mars 2020.

5. La durée de validité des autorisations d’urbanisme est suspendue.

L’ordonnance du 25 mars 2020 précisait déjà que lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration conformément à la loi et au règlement à toutes personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu’au 24 mai 2020, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice.

Il était également précisé que le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci.

L’article 8 ordonnance du 15 avril 2020 ajoute un alinéa à ces dispositions, pour préciser que l’autorité administrative peut exercer ses compétences pour modifier ces obligations ou y mettre fin, ou , lorsque les intérêts dont elle a la charge le justifie, pour prescrire leur application ou en ordonner de nouvelles, dans le délai qu’elle détermine. Dans tous les cas, l’autorité administrative tient compte, dans la détermination des obligations ou des délais à respecter, des contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire.

A noter, parmi les autres dispositions, qui ne touchent pas directement les autorisations d’urbanisme :
- L’ordonnance modifie et complète l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 relatif au cours des astreintes et à l’application des clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance : pour tous les contrats dont l’exécution a eu lieu, au moins partiellement, pendant la période d’urgence sanitaire, les pénalités sont reportées pour une durée égale à la période pendant laquelle le contrat a été affecté après la fin de l’urgence sanitaire plus un mois. Par exemple, si une échéance était attendue le 20 mars 2020, c’est-à-dire huit jours après le début de la période d’urgence sanitaire, la clause pénale sanctionnant le non-respect de cette échéance ne produira son effet, si l’obligation n’est toujours pas exécutée, que huit jours après la fin de la période d’urgence sanitaire plus un mois [4].
- L’ordonnance prévoit que les délais pour la consultation ou la participation du public sont suspendus jusqu’à l’expiration d’une période de sept jours suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire [5].
- L’ordonnance précise que ne sont pas prorogés les délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ou les délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits [6].

Avocat nicolas.maillard@nma-avocat.fr

[1Article 8.

[2Article 8.

[3Article 8.

[4Article 4.

[5Article 5.

[6Article 5.

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