Village de la Justice www.village-justice.com

Dérogations au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire. Par Nicolas Maillard, Avocat.
Parution : jeudi 9 avril 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/decret-1er-avril-2020-derogations-principe-suspension-des-delais-pendant,34602.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période a notamment suspendu les délais imposés par l’administration à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature.
Toutefois, l’article 9 de cette ordonnance permet la prise d’un décret pouvant fixer, par dérogation, « les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement (…) le cours des délais reprend ».
Ce décret n° 2020-383, est paru le 1er avril 2020 - en voici les principaux éléments.

L’article 1er du décret du 1er avril 2020 précise que, par dérogation à l’ordonnance du 25 mars 2020, les délais applicables aux mesures, contrôles, analyses et surveillances ayant pour objet la sécurité, la protection de la santé et de la salubrité publique, et la préservation de l’environnement, recommencent à courir à compter du 3 avril 2020.

Ce "dégel" des délais est lié à des motifs tenant à la sécurité, à la protection de la santé et de la salubrité publique et à la préservation de l’environnement,

Ce décret n’est pas anodin, car il touche de très nombreuses procédures, parmi lesquelles :

Au titre du Code de l’environnement :

- Le délai d’un an laissé à un exploitant d’installation ou ouvrage pour régulariser sa situation après mise en demeure [1] ;
- Les délais impartis à toute personne pour satisfaire aux prescriptions applicables en matière d’installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités [2] ;
- Les délais prescrits par les arrêtés fixant les règles générales et prescriptions techniques s’appliquant aux installations classées pour la protection de l’environnement existantes (pour tous les types d’installations, qu’elles soient soumises à autorisation, à enregistrement, ou à déclaration) ;
- Les délais dans lesquels les préfets peuvent prescrire la réalisation des évaluations et la mise en œuvre des suite à un accident ou incident survenu dans l’installation ou tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte aux intérêts environnementaux [3] ;
- Les délais dans lesquels le fabricant de substances chimiques doit satisfaire aux obligations relative au contrôle de ce type de produits [4] ;
- Les délais dans lequel un producteur de déchets est mis en demeure par l’autorité de police compétente de respecter la réglementation en la matière ou le délai de 10 jours, suivant mise en demeure du maire, laissé au titulaire du certificat d’immatriculation d’un véhicule abandonné sur la voie publique pour le remettre en état de circuler dans des conditions normales de sécurité ou l’évacuer [5] ;
- Le délai dans lequel l’autorité compétente prescrit à toute personne physique ou morale qui se propose de transférer ou de faire transférer des déchet dans un pays transfrontalier de reprendre ces déchets lorsque le transfert a échoué ou que le transfert a eu lieu de manière illicite [6] ;
- Les prescriptions d’aménagement et d’exploitation des ouvrages d’infrastructure jugées indispensables pour préserver la sécurité des populations, la salubrité et la santé publiques directement ou indirectement par pollution du milieu [7] ;
- La demande de mise hors service temporaire ou d’un abaissement de la pression imposée à l’exploitant d’une canalisation de transport ou distribution de gaz naturel, d’hydrocarbures, de produits chimiques ou assurant le transport et la distribution d’énergie thermique [8] ;
- Les mesures de contrôles administratifs des canalisations [9], de contrôle des exigences essentielles de sécurité applicables aux matériels à gaz [10] ou de contrôle des équipements sous pression nucléaires [11] ;
- La déclaration d’un événement survenu sur un barrage ou un système d’endiguement susceptible de mettre en cause la sécurité des personnes [12] ;
- Les mesures relatives à sécurité ou la sûreté des ouvrages hydrauliques [13] ;
- Les mesures d’inspection périodiques des équipements et appareils sous pression simple ou nucléaire au sein des installations classées pour la protection de l’environnement [14] ;
- Les délais de réalisation des mesures d’évitement, de réduction et de compensation prescrites par les autorisations environnementales autorisant les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique [15] ;
- Le délai de deux mois accordé au préfet pour s’opposer à une opération soumise à déclaration [16].

Au titre du Code minier :

- La réalisation des mesures prescrites par l’autorité administrative à un exploitant pour la protection, notamment de la sécurité et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés [17] ;
- Les sanctions administratives pouvant conduire un titulaire d’un permis de recherches ou d’une concession de mines à se voir retirer son titre ou son autorisation [18].

Au titre du Code de l’énergie :

- Les délais dans lesquels l’autorité administrative met en demeure l’intéressé de se conformer aux dispositions du code de l’énergie [19] ;
- Le délai de deux mois dans lesquels l’avis des communes consultées sur un projet de concession d’ouvrage hydraulique est réputé favorable [20] ;
- Les délais concernant la procédure d’autorisation des travaux ou modifications d’un ouvrage hydraulique [21] ;

S’agissant des activités soumises à la législation sur l’eau :

- Les délais de réalisation des travaux des prélèvements, des vidanges de plans d’eau, des actions d’entretien de cours d’eau, des dragages et des mesures d’évitement, de réduction et de compensation fixés dans les dérogations à l’interdiction de destructions d’espèces protégées et de leurs habitats prises en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;
- Le délai déterminé par le Préfet concernant l’élaboration d’un plan annuel de répartition du volume d’eau et le délai pour l’homologation par le Préfet dudit plan [22].

S’agissant des installations nucléaires :

- Le dégel des délais des prescriptions édictées par l’Autorité de sûreté nucléaire n’est applicable que pour les prescriptions édictées à compter du 3 avril 2020, jusqu’au 24 juin 2020.

S’agissant des aérodromes :

- Les délais notifiés par la direction de la sécurité de l’aviation civile s’agissant des mesures conservatoires prises par dans l’attente, soit du rétablissement des conditions qui ont prévalu à une décision d’homologation d’un aérodrome, soit de propositions, par les opérateurs concernés, de mesures ou de restrictions opérationnelles appropriées démontrant que la sécurité d’exploitation pour les aéronefs n’est pas compromise.

Avocat nicolas.maillard@nma-avocat.fr

[1Art. L. 171-1 du Code de l’environnement.

[2Art. L. 171-8 du Code de l’environnement.

[3Art. L. 512-20 du Code de l’environnement.

[4Art. L. 521-17 et L. 521-18 du Code de l’environnement.

[5Art. L. 541-3 et L. 521-23-1 du Code de l’environnement.

[6Art. L. 541-41 et L. 541-42 du Code de l’environnement.

[7Art. L. 551-3 du Code de l’environnement.

[8Art. L. 551-3 du Code de l’environnement.

[9Art. L. 544-44 du Code de l’environnement.

[10Art. R. 557-8-3 du Code de l’environnement.

[11Art. R. 557-14-3 et R. 557-14-5 du code de l’environnement.

[12Art. R. 214-125 du Code de l’environnement.

[13Art. R. 181-43 et R. 181-45 du Code de l’environnement.

[14Art. R. 514-14-4 du Code de l’environnement.

[15Art. L. 181-1 du Code de l’environnement.

[16Art. R. 214-35 du Code de l’environnement.

[17Art. L. 173-2 du code minier.

[18Art. L. 173-5 du code minier.

[19Art. L. 142-31 du code de l’énergie.

[20Art. R. 521-31 du code de l’énergie.

[21Art. R. 521-40 et R. 521-46 du code de l’énergie.

[22Art. R. 214-31-3 du Code de l’environnement.