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Différé d’indemnisation : les règles avant et après la réforme de l’assurance chômage. Par Nathalie Kelyor, Avocat.
Parution : jeudi 26 mars 2020
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Comment déterminer à quelle date un salarié pourra percevoir l’indemnisation chômage ? Les règles de décompte ont été modifiées par un décret du 26 juillet 2019 : Décret du 26 juillet 2019 n°2019-797.
Ce qui va changer au 1er septembre 2020.

Après la rupture du contrat de travail, le salarié ne perçoit pas immédiatement l’indemnisation chômage. Plusieurs facteurs peuvent repousser le versement de cette indemnisation. Il s’agit des différés de paiement plus communément connus, de manière erronée d’ailleurs, sous les termes de « délais de carence ».

Les règles de décompte ont été modifiées par un décret du 26 juillet 2019. Les nouvelles dispositions devaient entrer en vigueur pour les ruptures de contrat intervenant à compter du 1er avril 2020. Un décret rectificatif a repoussé cette date au 1er septembre 2020.

Dans le dispositif actuel, il faut en premier lieu déterminer le différé d’indemnisation lié à la perception d’une indemnité de congés payés. Puis, il convient de décompter le différé spécifique lié à la perception d’indemnité de rupture pour un montant dépassant les sommes prévues par la loi. Enfin, doit s’appliquer un délai d’attente de sept jours.

Règles applicables pour les ruptures de contrat avant le 1er septembre 2020.

1- En premier lieu, il convient de décompter le différé congés payés au jour de la rupture du contrat de travail.

Le différé d’indemnisation congés payés s’obtient en divisant le montant de l’indemnité de congés payés versée par le dernier employeur au jour de la rupture du contrat par le salaire journalier de référence.

Ce salaire s’obtient en divisant le montant du salaire brut annuel des douze derniers mois civils précédant le dernier jour travaillé payé par le nombre de jours travaillés durant cette même période de 12 mois, multiplié par 1,4.

Le nombre de jours maximum retenu ne peut être supérieur à 261.

Ainsi, un salarié, avec 5 ans d’ancienneté, qui a travaillé durant l’année entière et a perçu un salaire brut mensuel de 2.400 euros et ainsi un salaire annuel brut de 28 800 euros, voit son contrat rompu au 31 décembre. Il perçoit au jour de la rupture une indemnité compensatrice de congés payés de 2500 euros.

Le différé se calcule ainsi :
- Salaire journalier de référence : 28.800/ 261 jours = 110,34
- Différé : 2.500/110,34 = 22,65

Le différé ainsi obtenu doit être arrondi à l’entier inférieur, soit ici un différé congés payés de 22 jours.

Si le même salarié n’avait travaillé que 90 jours sur la période de 12 mois précédant sa rupture, s’il avait perçu en contrepartie de son travail une rémunération mensuelle brute de 2000 euros et s’il avait perçu au jour de la rupture une indemnité compensatrice de préavis de 1.200 euros, le différé aurait dû se calculer ainsi :
- Salaire journalier de référence : 12.000/ (90x1,4) = 95,24
- Différé : 1.200/95 = 12,63

Soit un différé d’indemnisation de 12 jours.

Le différé d’indemnisation congés payés s’applique à compter du lendemain de la fin de contrat, soit dans la majeure partie des cas, à compter du lendemain du dernier jour du préavis.

Si le salarié demande à être dispensé de son préavis, le point de départ de l’indemnisation sera déterminé de la même manière que si le salarié avait accompli son préavis.

Si le salarié est licencié pour faute grave, aucun préavis n’est dû et son indemnisation débutera le lendemain du jour de la rupture du contrat.

S’il est licencié pour faute lourde et qu’il n’a donc pas droit à une indemnité de préavis, l’indemnisation débutera également le lendemain du jour de la rupture du contrat.

Si toutefois, après une procédure contentieuse devant le conseil de prud’hommes, la faute grave ou la faute lourde sont écartées par le juge, l’assurance chômage procèdera au report de la date de prise en charge et demandera la restitution des allocations indûment perçues.

2- A ce différé congés payés, il convient d’ajouter l’éventuel différé spécifique qui intervient lorsque le salarié perçoit des indemnités supérieures à celles qui lui sont dues en vertu de la loi.

Il convient de préciser que les sommes donnant lieu à un différé d’indemnisation spécifique sont les indemnités non prévues par une disposition légale.

Il s’agit notamment pour les plus importantes des indemnités suivantes :
- Indemnité légale de licenciement ;
- Indemnité de rupture conventionnelle si son montant n’excède pas le montant de l’indemnité légale de licenciement ;
- Indemnité spéciale de licenciement pour les victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
- L’indemnité de départ ou de mise à la retraite telle que fixée par les articles L1237-9 du Code du travail ;
- L’indemnité forfaitaire de conciliation ;
- Les indemnités allouées par le juge dès lors qu’elles sont fixées conformément au barème Macron [1].

Le différé spécifique d’indemnisation s’obtient en divisant le montant de ces indemnités « supra légales » par 95,8 en 2020 (94,4 en 2019).

Le résultat ne pourra pas excéder 150 jours calendaires (75 jours calendaires en cas de licenciement pour motif économique).

Dans notre exemple ci-dessus, le salarié a perçu au jour de la rupture une indemnité de licenciement légale de 3000 euros. Il conclut par la suite une transaction grâce à laquelle il s’engage, moyennant le versement d’une indemnité équivalente à quatre mois de salaire, soit 9600 euros, à ne pas saisir le conseil de prud’hommes.

Les indemnités supra légales sont celles perçues en plus de celles dues par la loi, soit dans notre exemple les indemnités perçues en plus de l’indemnité légale de licenciement.

Le différé spécifique s’obtiendra alors ainsi : 9.600 /95,8=100,21.

Ce résultat doit être arrondi au chiffre inférieur, soit 100 jours.

3- A ces deux différés doit encore s’ajouter le délai d’attente de sept jours.

Ce délai court à compter du jour de l’expiration des différés ci-dessus si le salarié est inscrit comme demandeur d’emploi à cette date ou à défaut, au jour de son inscription comme demandeur d’emploi.

A compter du 1er septembre 2020 et seulement pour les ruptures intervenues à compter de cette date.

Dans le dispositif applicable à compter du 1er septembre 2020, l’ordre de décompte des différés d’indemnisation sera inversé. Ainsi, il conviendra de calculer en premier lieu le différé spécifique, puis le différé congés payés et enfin appliquer le délai d’attente de sept jours.

1/ Le différé spécifique.

Aucun changement n’est apporté à son calcul. Les dispositions actuelles exposées ci-dessus demeurent inchangées.

2/ Le différé congés payés.

Le calcul de ce différé est modifié de manière importante.

Son point de départ sera désormais soit le lendemain de la rupture du contrat si le salarié ne peut pas bénéficier d’un préavis, soit le lendemain de la fin du différé spécifique.

Le salarié journalier de référence n’est plus calculé sur la base des douze derniers mois précédant le dernier jour travaillé, mais sur les 24 mois précédant cette date (ou 36 mois pour les salariés âgés de 53 ans ou plus).

En outre, ce salaire est désormais calculé sur la base des jours calendaires que comporte la période allant de la date du début du premier contrat jusqu’à la date de fin du dernier contrat conclus durant les 24 mois précédant la rupture du contrat ( et non plus sur la base des seuls jours travaillés durant la période de référence).

Le nombre de jours de différé d’indemnisation est obtenu par la division du montant total des indemnités compensatrices de congés payés versées à l’occasion de toutes les fins de contrat de travail situées dans les 182 jours précédant la dernière fin de contrat de travail par le salaire journalier de référence, tel que calculé ci-dessus.

Ainsi, contrairement au dispositif actuel, il sera tenu compte de l’ensemble des indemnités compensatrices de congés payés qui auront été payées durant les 182 jours précédant la rupture du contrat.

Enfin, le différé d’indemnisation congés payés sera désormais limité à 30 jours.

A titre d’exemple :
Soit un salarié qui après la rupture de son CDI est resté au chômage.

Il conclut un CDD de trois mois puis, après une nouvelle période de chômage de deux mois, est embauché en CDI.

Il a perçu au titre de son CDD un salaire mensuel de 2.500 euros bruts et une indemnité compensatrice de congés payés de 750 euros.

Au titre de son CDI, il a perçu une rémunération brute mensuelle de 3.000 euros. Il a été mis fin à sa période d’essai au bout d’un mois. Une indemnité de congés payés de 300 euros lui a été versée.

Par hypothèse, son salaire journalier moyen est de 98.

Le différé sera alors de (750+300)/98, soit 10 jours.

3/ Le délai d’attente de sept jours.

Aucune modification n’est apportée aux dispositions actuelles.

Me Nathalie KELYOR Cabinet KELYOR Barreau de Meaux 41 Quai du Pré Long - 77400 LAGNY SUR MARNE

[1Article L1235-3 du Code du travail.

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