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Prime variable et licenciement sans cause : un ingénieur d’affaires obtient 308 000 euros en appel. Par Frédéric Chhum, Avocat et Camille Bonhoure, Avocat.
Parution : lundi 27 janvier 2020
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Dans son arrêt du 4 décembre 2019, la Cour d’appel de Paris (Pole 6 Chambre 10) devait trancher les questions suivantes :
- L’appel interjeté au nom de IBM France et non de Compagnie IBM France (entité réelle du salarié) est-il recevable ?
- Un ingénieur d’affaires qui a 15 ans d’ancienneté peut il être valablement licencié pour insuffisance professionnelle ?
IBM pouvait elle « capper » (plafonner) le bonus variable de son ingénieur d’affaires ?
- La convention de forfait jours de l’ingénieur d’affaires d’IBM est elle valable ou privée d’effet ?

M. X a été embauché par la SAS Compagnie IBM France en qualité de cadre conseiller suivant un contrat à durée indéterminée du 23 mars 1999.

La convention collective applicable est celle ingénieurs et cadre de la métallurgie.

Le 28 août 2014, M. X a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 10 septembre 2014, qui lui a été notifié le 24 septembre 2014, pour insuffisance professionnelle.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. X a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris, le 26 mars 2015, afin d’obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 7 juin 2017, le Conseil de prud’hommes de Paris a fait droit aux demandes de M. X et a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la Compagnie IBM France au paiement des sommes suivantes :
- 186.293,70 euros à titre de rappel de prime variable ;
- 4.023,16 euros à titre de remboursement de frais professionnels 2013 ;
- 80.000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d’entretien annuel ;
- 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Dans son arrêt du 4 décembre 2019, la Cour d’appel de Paris :
- Déclare l’appel recevable ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a alloué à Monsieur X le remboursement de frais professionnels, et fixé à 80.000 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamne la SAS Compagnie IBM France à verser à Monsieur X les sommes suivantes : 95.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.862,93 euros au titre des congés payés afférents, et 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

1. Pas d’irrecevabilité de l’appel de IBM France (et non de Compagnie IBM France).

Le président de la chambre a, faisant application des dispositions de l’article 905 du Code de procédure civile dans sa rédaction alors en vigueur, rendu une ordonnance fixant l’audience de plaidoirie après avoir fixé un agenda de procédure.

En conséquence, aucun conseiller de la mise en état n’a été désigné dans cette affaire et la cour est compétente pour statuer sur les incidents de procédure.

S’appuyant sur le dispositions de l’article 58 du Code de procédure civile qui prévoient que la déclaration par laquelle le demandeur saisit la juridiction doit contenir à peine de nullité [...] pour les personnes morales, l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement, [...] ainsi que sur celles de l’article 547 du même code qui disposent que l’appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance, Monsieur X soutient que l’appelante est la société IBM France alors qu’en première instance la défenderesse était la SAS Compagnie IBM France, qu’il s’agit de deux sociétés différentes, la société IBM France ayant son siège à Anthony tandis que la SAS Compagnie IBM France a son siège à Bois Colombes, qu’elles ont des numéros de Siret distincts.

Si l’examen du jugement entrepris et de la déclaration d’appel révèle qu’il est fait mention de la SAS Compagnie IBM France aux termes du jugement et de la société IBM France dans la déclaration d’appel, la Cour d’appel relève que le numéro de Siret et l’adresse du siège de la société tels qu’ils apparaissent dans la déclaration d’appel correspondent à ceux de la SAS Compagnie IBM France, partie en première instance, en sorte que l’erreur entachant la déclaration d’appel s’agissant de la dénomination est purement matérielle, qu’il n’est dans ces conditions pas utilement soutenu que la personne morale attraite devant la Cour d’appel n’était pas partie en première instance.

La Cour d’appel conclut que le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’appel est inopérant.

2. Le licenciement d’un ingénieur d’affaires pour insuffisance professionnelle est-il justifié pour une cause réelle et sérieuse ?

En application des dispositions de l’article L1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties... si un doute subsiste, il profite au salarié.

Monsieur X a été licencié pour insuffisance professionnelle, aux termes d’une lettre en date du 24 septembre 2014.

La Cour d’appel rappelle que l’insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir patronal, l’insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciable aux intérêts de celle-ci.

L’insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Elle peut résulter d’une incapacité du salarié à atteindre ses objectifs fixés, laquelle incapacité doit être établie par des éléments objectifs et vérifiables.

Dans le cas d’espèce, l’employeur fait valoir que :
- en 2011, le salarié n’a atteint au cours du premier semestre qu’à peine 20 % de ses objectifs, pourtant acceptés par lui, qu’il n’a ainsi pas démontré sa capacité à exercer son rôle de commercial, alors qu’il disposait d’un niveau et d’une expérience incompatibles avec une telle lacune, et qu’il a bénéficié de nombreuses formations,
- le salarié n’a pas fait usage de la procédure dite de la porte ouverte pour contester l’évaluation soulignant qu’il était parmi les plus faibles contributeurs de l’année et qu’il lui avait été recommandé de s’améliorer,
- en 2012, Monsieur X n’a apporté aucun nouveau contrat ou projet et n’a pas atteint ses objectifs, malgré les nombreuses formations qui lui ont été dispensées pour l’aider à améliorer ses performances,
- Aux termes de l’évaluation faite, le supérieur hiérarchique, Monsieur D. a souligné que Monsieur X avait atteint 69 % de la cible, qu’il faisait preuve d’une faiblesse de précision dans SLL sur l’état et l’étape suivante, qu’il n’y a aucun résultat sur les activités de prospection sauf 0,1 M sur Alcatel et 2 nouvelles opportunités,
- Monsieur X a été noté pour la deuxième fois comme étant faible sans contester son évaluation, se limitant à préciser qu’il fait un déni de PBC, ce qui caractérise son désintérêt, les félicitations qui lui ont été adressées concernaient le premier semestre et non le second semestre,
- en 2013, le niveau de signature était insuffisant, le suivi des affaires dans les outils IBM n’a pas été assuré ce qui révèle le manque de sérieux et d’implication de Monsieur X dans la réalisation de son travail, et ce malgré les formations suivies et les conseils dispensés,
- les quotas contenus dans la « quota letter » avaient été acceptés par lui,
- un plan d’accompagnement a été mis en place pour la période du 30 mai 2014 au 30 août 2014 sans aucune amélioration de ses résultats,
- le constat de son manque de motivation et d’implication résulte aussi de la comparaison avec le travail effectué par ses pairs,

Monsieur X conteste l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée.

Après avoir rappelé qu’il a obtenu en 2010 des résultats excellents qui lui ont valu une note de 2+ et le constat qu’il était au dessus de la moyenne des contributeurs, qu’à compter du mois de septembre 2011, il a été affecté à un emploi de « Netezza sales GB/sector », entraînant un changement d’entités cibles, de territoires et d’offres proposées, et relevé que les ventes Carrefour (723.674,60 euros) et Stime n’ont abouti qu’après sa nouvelle prise de fonction sans être prises en compte par l’employeur, Monsieur X expose que :
- l’évaluation pour l’année 2011 est intervenue alors que les résultats du quatrième trimestre n’étaient pas encore enregistrés, que ses performances réelles n’avaient pu
être prises en compte, d’où la réserve qu’il avait alors émise,
- il avait été affecté sur un territoire d’investissement difficile comprenant de nouveaux projets et de nouveaux clients,
- il a été félicité quant au traitement de ces nouveaux territoires, l’évaluateur ayant souligné qu’il « avait gardé sa motivation pour apporter sa contribution dans les différentes actions swg Stime, et qu’il avait su vendre des projets nouveaux chez des clients nouveaux (Disney, Bongrain) qui devraient porter ses fruits en 2012 »,
- il a dû coacher un jeune ingénieur commercial,
- les résultats obtenus en 2012 ont été excellents, ce qui avait été reconnu par son supérieur hiérarchique qui l’avait expressément félicité dans un courriel du 2 avril 2013 en ces termes :
« Yahoo, félicitations, c’est pour moi un grand honneur de t’annoncer que tu fais partie des HPC !! du hundred percent, Encore bravo pour ton excellent travail sur l’année 2012 » précision étant apportée que font partie du HPC les salariés qui ont atteint au moins 100% des objectifs, et constat opéré que c’est le même Monsieur D. qui a procédé à son évaluation en lui attribuant la note de 3 pour l’année 2012,
- en 2013, il a été affecté à de nouvelles fonctions, non commerciales de « Deal Maker », et a dû effectuer des ventes de services et non plus de logiciels, que ces nouvelles fonctions impliquaient des processus de validation nombreux et complexes notamment, et ce sans qu’une formation spécifique spécialement pour l’utilisation des outils Bi Tool et GCL lui ait été dispensée, les deux formations suivies cette année là n’étant pas adaptées à la vente de services,
- il a refusé les objectifs qui lui avaient été assignés comme n’étant pas atteignables dès lors que le territoire qui lui avait été assigné était composé de petites entités.

Au regard des éléments communiqués de part et d’autre, et des explications fournies, la Cour relève que si les notes attribuées au salarié reflétaient le fait qu’il était considéré par son supérieur hiérarchique comme étant parmi les plus faibles contributeurs de l’équipe des agents commerciaux, les appréciations de celui-ci sur le travail accompli par Monsieur X sont incohérentes voire contradictoires.

En effet, tout en lui attribuant une note basse pour l’année 2012, Monsieur D. l’a, pour l’ensemble de l’année, félicité dans un courriel du 2 avril 2013, en faisant référence à sa performance en ce qu’il faisait partie des HPC et en soulignant expressément que le travail fourni avait été « excellent ».

L’employeur ne peut tout à la fois revendiquer l’acceptation des quotas par le salarié pour chaque semestre, soutenir que l’insuffisance des résultats ne touche que le second semestre sans tenir compte du fait qu’il avait dépassé ceux qui lui avaient été assignés pour le premier semestre, ni arguer de l’absence de contestation formelle des évaluations opérées alors que le salarié avait émis une réserve pour celle résultant de son activité au cours de l’année 2011 et exprimé non pas un désintérêt mais une réticence à prendre connaissance des évaluations postérieures peu élogieuses alors qu’il avait reçu en avril 2013 des félicitations pour son travail et ses performances au cours de l’année 2012.

Il n’est pas utilement contesté qu’en 2011, le salarié a vu ses missions être modifiées en cours d’année, ce qui ne permet pas de retenir une insuffisance avérée au regard de la nécessaire période d’adaptation à chacun des postes occupés et la prise en compte d’un certain recul pour apprécier les fruits d’un travail opéré en amont.

Enfin, le changement de missions en 2013, le salarié devant vendre non plus des logiciels mais des services, n’a pas été accompagné des formations adéquates et, en particulier, d’un soutien spécifique pour l’utilisation des outils Bi Tool et GCL, en sorte que l’employeur ne peut arguer d’un manque de sérieux et d’implication du salarié à cet égard, la défaillance de celui-ci ne lui étant pas imputable.

Dans ces conditions et en conséquence de l’analyse ainsi opérée de la situation du salarié au cours de ces trois dernières années de collaboration, des appréciations contradictoires et des analyses partielles opérées par l’évaluateur qui n’a pas pris en compte certaines des performances de Monsieur X, de l’absence de formation adéquate pour favoriser l’utilisation des outils informatiques internes, le jugement entrepris sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a pertinemment jugé que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.

3. Sur le conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, (60 ans) de son ancienneté, (16 ans) de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d’allouer à Monsieur X une indemnité de 95.000 euros, en application de l’article L1235-3 du Code du travail, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4. Sur la demande de rappel de la prime variable pour les résultats du premier semestre 2012 : IBM pouvait elle capper / plafonner le bonus de son ingénieur d’affaires ?

Au cours du premier semestre 2012, Monsieur X a réalisé des ventes pour un montant de 5.279.418 euros dans le cadre de son objectif, soit au-delà de l’objectif de 625.000 euros HT qui lui avait été assigné pour cette période.

La société explique avoir fait application d’une clause dite de transaction significative incluse dans la lettre d’objectifs et dans le plan de motivation, dûment acceptée par le salarié, laquelle lui permet ainsi qu’elle le soutient, d’ajuster la rémunération variable du salarié à la contribution réelle ce celui-ci à la réalisation du chiffre.

Pour le salarié, cette clause est potestative et par suite est nulle, au motif qu’elle méconnaît une règle de principe du droit du travail, selon laquelle une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération, mais à la double condition, qu’elle soit fondée sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur, et qu’elle lui permette de connaître les éléments susceptibles de modifier sa rémunération.

Aux termes de l’article 1174 ancien désormais 1304-2 du Code civil, toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige.

La condition potestative est celle qui ne dépend que de la volonté d’une partie à un contrat.

Le mode de rémunération d’un salarié étant un élément substantiel de son contrat de travail, il doit être clairement fixé et ne peut être modifié de manière unilatérale par l’employeur, sans que l’accord du salarié soit recueilli ; à défaut, elle ne peut s’analyser qu’en une condition potestative susceptible d’entraîner la nullité de la clause contractuelle relative au mode de rémunération.

En l’espèce, l’article 4.7 du plan de motivation à la vente pour l’année 2012 stipule que, « On entend par « transaction significative » toute transaction ou affaire qui, à elle seule, serait supérieure au quota total de l’élément de rémunération variable concerné pour la période de validité de votre plan. Dans ce cas, le fonctionnement normal du présent Plan s’en trouverait faussé, ce qui entraînerait un paiement disproportionné par rapport à la contribution réelle du collaborateur. En conséquence et afin de rétablir l’équilibre rompu, la direction d’IBM France se réserve la possibilité d’ajuster le paiement en se fondant sur la contribution réelle du collaborateur à la signature de cette transaction significative et/ou sur la relation entre ladite transaction significative et le potentiel du territoire pris en compte lors de la détermination du quota. La direction d’IBM justifiera des raisons de cet ajustement. Le collaborateur accepte expressément que le management d’IBM se réserve le droit d’ajuster le paiement des commissions liées à toute transaction significative ».

Les transactions avec Alcatel, Alstom et Zodiac pour un montant de 5.279.418 euros sont exceptionnelles au regard de son montant très supérieur à l’objectif assigné au salarié fixé à 625.000 euros hors taxe.

En revanche, la clause litigieuse ne permet pas de déterminer, d’une part sur quels critères la société IBM se fonde pour apprécier tant « la contribution réelle du collaborateur à la signature de la transaction significative » que « la relation entre ladite transaction significative et le potentiel du territoire », et d’autre part, ce à quoi correspond « le potentiel du territoire pris en compte lors de la détermination du quota ».

La Cour d’appel relève que la société IBM se limite à soutenir que le salarié a accepté cette clause ce qui est inopérant dans le présent débat.

Elle n’apporte in fine aucun élément objectif à ce sujet.

Par ailleurs, en ne donnant pas d’éléments précis sur les ajustements et modalités de calcul du plafonnement de la commission variable pour transactions exceptionnelles, la société IBM n’a pas permis au salarié d’être en mesure d’apprécier la portée de son acceptation de cette clause au moment de sa signature, ni de savoir à posteriori sur quels critères le montant de sa rémunération variable a été effectivement calculé ; en l’absence de connaissance des critères retenus par la société IBM, cette clause de plafonnement d’une partie de la rémunération variable du salarié, s’avère incompréhensible et par suite, inapplicable.

En se réservant le droit d’ajuster le paiement des commissions, sans aucune référence fiable en l’absence de critères clairs, déterminés à l’avance et transparents, en l’absence d’explications sur le mode de calcul et les critères finalement retenus au moment de la fixation de la rémunération, l’employeur procède à une modification substantielle du contrat de travail portant sur la rémunération.

Il s’en déduit que la clause 4.7 du plan de motivation ne peut être opposée au salarié, ce qui exclut le plafonnement de la rémunération variable de Monsieur X, qui est fondé à réclamer le paiement de la part de rémunération dont il a été privé.

Le jugement ayant alloué à Monsieur X la somme de 186.293,70 euros à titre de rappel de prime variable sera confirmé.

La cour allouera en sus les congés payés afférents légitimement réclamés par Monsieur X.

5. La clause de forfait-jours de Compagnie IBM France n’est pas valable.

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

Selon les directives de l’Union européenne, les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

En conséquence, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Selon l’article 14 de l’accord du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie, le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés, afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises.

L’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur.

Le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail. En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.

Le respect de ces stipulations de l’accord collectif du 28 juillet 1998 est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours.

Toutefois, dans le cas d’espèce, la SAS Compagnie IBM ne justifie pas par des éléments précis et probants des modalités de suivi du travail de Monsieur X, ni même du fait qu’à l’occasion des entretiens annuels, le supérieur hiérarchique abordait avec lui les questions relatives à la charge de travail.

Il s’en déduit que les stipulations de l’accord collectif du 28 juillet 1998 n’ont pas été observées par l’employeur, ce dont il y a lieu de retenir que la convention de forfait-jours était privée d’effet.

Les premiers juges ont fait une exacte évaluation du préjudice subi par Monsieur X (5.000 euros à titre de dommages intérêts), en lien avec l’absence d’échanges notamment sur la charge de travail et le suivi du travail accompli.

Le jugement déféré est confirmé.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum