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#villagelegaltech 2019 : le résumé de cette 4ème édition !
Parution : mardi 3 décembre 2019
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Les 26 et 27 novembre a eu lieu la 4ème édition du Salon de la LegalTech, co-organisé par Open Law*Le Droit ouvert et Village de la Justice. Maintenant bien installé dans l’écosystème, l’événement a de nouveau battu un record d’affluence avec 3600 participants ! L’occasion pour eux, comme chaque année depuis quatre ans, d’établir de très nombreuses connexions avec tous les acteurs du marché et de partager leurs retours d’expérience sur les travaux accomplis et les évolutions à venir.

Si vous n’avez pas pu assister à ces deux jours de salon ou si vous n’avez pas tout vu (c’eut été difficile avec 100 ateliers et conférences !), l’équipe du Village de la Justice vous présente les sujets incontournables qu’il ne fallait pas manquer !

Prochaine édition en novembre 2020.

Cette nouvelle édition nous a permis de constater la montée en puissance de sujets structurant réellement les transformations des métiers du droit : au-delà de la technologie pure, les acteurs ont insisté sur les questions relatives aux nouveaux marchés, aux nouvelles pratiques, et aux outils comme appuis à ces évolutions. Le Village de la LegalTech n’est donc plus seulement un lieu de présentation des technologies au service du droit, mais aussi un salon où l’évolution du monde du droit se met en place.

Le juriste, Maître de son destin.

La legaltech, « c’est le juriste face à lui-même » a ainsi souligné Dan Kohn, lors de la 3ème Legal Keynote qui a ouvert la 4ème édition du Village de la LegalTech. C’est en effet le message prédominant qui a pu être entendu lors des nombreuses conférences : le questionnement sur les legaltech seules est aujourd’hui dépassé, et en ouvre d’autres sur les professions du droit en elles-mêmes. Le mouvement de transformation est incontournable, et il leur revient maintenant d’en déterminer les tenants et les aboutissants.

L’obligation d’innover touche ainsi les avocats, lesquels doivent réfléchir à faire évoluer leur relation-client, et gare à ceux qui ne souhaiteraient pas bouger par peur ! Olivier Sanviti, fondateur du cabinet Aston Legal, l’a répété à l’envi, alors que la concurrence est exacerbée entre-eux et avec les legaltech : « Il y a une menace, mais l’immobilisme qui naît de la crainte n’est pas une solution. Ne nous voilons pas la face. »

Les directions juridiques ont également pris conscience de ce besoin de transformation, et se retrouvent maintenant sur le front des legaltech. Elles sont ainsi en recherche d’outils qui leur permettront une meilleure gestion de leurs contrats, des connaissances et des données, ce qui est aussi l’occasion de mettre en avant les départements juridiques grâce aux outils numériques.

Le droit doit également se faire collaboratif : les juristes ont maintenant à développer une intelligence plus collective qu’individuelle, notamment en se tournant vers la data et la gestion du business. « Pour de nombreux salariés, jeunes et moins jeunes, Le travail devient second et le collaboratif est souligné partout, explique Martin Pailhes, Head of legal IT/IP chez BNP Paribas. Le savoir-être devient essentiel, plus que le savoir-faire. » Le métier de juriste évolue, et devient ainsi agile/digital : « Le juriste est à l’interface de plusieurs expertises : l’IT, la sécurité, le DPO, le business. Il est un centre de gravité et, de facto, il coordonne les autres équipes. »

« L’arrivée du numérique a créé de l’instabilité. C’est le rôle des Ordres de sensibiliser les confrères sans langue de bois, transmettre l’esprit entrepreneurial et repenser le modèle économique pour faire face à cette instabilité. Prochaine étape : la formation ! » Alexis Deborde, directeur associé de Hercule.

L’innovation avant tout...

Les métiers du droit se retrouvent donc sous l’injonction de l’innovation. Et cette innovation ne se concentre finalement pas uniquement pas sur la technologie – un message répété maintenant depuis longtemps sur le Village de la Justice…
Il s’agit surtout d’innover dans son approche, dans sa façon de percevoir son métier, dans son savoir-être et dans son relationnel… L’aspect humain est donc primordial, d’autant que cette innovation est faite « par les hommes et pour les hommes » a souligné Isabelle de la Gorce, Partner-Attorney at Law chez PwC Société. Mais elle est obligatoire : il faut agir, plutôt que subir.

La démarche n’est cependant pas un long fleuve tranquille. Par exemple, pour Amélie de Braux, directeur juridique, SPUNK, « nous devons toujours faire plus avec moins. Il faut donc innover sous la contrainte pour pouvoir dégager du temps et faire revenir le juriste dans son cœur de métier, afin qu’il participe à la croissance de l’entreprise. » C’est la raison pour laquelle, les juristes sont amenés à apprendre de nouvelles compétences afin de rester une valeur ajoutée dans l’entreprise. « Plutôt que de faire appel à un chef de projet, j’ai dû prendre cette casquette et je suis allée à la rencontre des équipes internes afin d’apprendre ce nouveau rôle, la terminologie et l’agilité qui vont avec. Et j’ai ainsi notamment mené à bien ce projet de la mise en conformité au RGPD. »

Du côté des professions réglementées, deux pistes d’action s’imposent. D’abord, la relation-client. « En France, on est obsédé par la ’tech’, mais pas assez par le service , souligne Cyril Murie, directeur de l’innovation et de la stratégie à la CNHJ. La question à poser aux start up c’est ’qui est votre client ? à quel besoin répondez vous ?’. »
Même constat de la part de Didier Salmon, expert-comptable et directeur du réseau CABEX : « Il faut amener le changement comportemental aux collaborateurs sur les produits innovants : l’idée n’est pas de supprimer leur travail, mais d’améliorer le service-clients. »
C’est d’ailleurs la première étape pour employer le Legal design d’après Sabine Bertrand, co-Fondatrice de "Collaborative Legal Design" : « Pensez client et étudiez son environnement et ses problématiques avant d’imaginer l’outil. »
Du côté des notaires, Stéphane Adler, vice-président de la Chambre des Notaires de Paris en charge du numérique, a évoqué le fond d’innovation mis en place par la Chambre, avec lequel 4 projets sont en cours dans un but précis : « Faciliter la vie du client ! ».

« Le client se moque de qui fait quoi, ce qu’il veut c’est un service de qualité. » Voilà le propos résumé par Mélanie Parnot, Présidente de l’Incubateur du Barreau de Montpellier et Vice-présidente du Réseau national des Incubateurs de Barreaux.

Ce qui ouvre la seconde piste d’action : la concrétisation de l’inter-professionnalité. Comme le dit Audrey Chemouli, présidente de la commission Statut professionnel de l’avocat au Conseil national des barreaux, « cette solution ne va pas de soi pour tout le monde, et n’est pas pour tout le monde. » Mais, pour ceux qui se lancent dans l’aventure, elle peut véritablement être un tremplin dans la relation client et in fine dans le développement de l’activité.
Un enjeu aussi pour la Justice, pour Cyril Murie : « Nous sommes au départ partis du principe que l’huissier est menacé, mais c’est la Justice qui est menacée. On se sauvera tous ensemble ou on mourra tous ensemble ».

… et soutenue par des outils legaltech.

Les outils legaltech représentent donc un soutien nécessaire à la transformation des professions, et à « l’évolution humaine ». De nombreux travaux ont été entamés depuis quelques années, et de premières progressions ont pu être délivrées au cours des conférences.

Concernant l’open data des décisions de justice par exemple, Jean-François de Mongolfier, Directeur des affaires civiles du Sceaux, a évoqué durant la Conférence inaugurale l’existence d’un projet de décret en cours de diffusion auprès des différentes parties prenantes, dont l’objet est de fixer les règles de cette mise en œuvre de l’ouverture des données produites par les différentes juridictions avec, entre autres, un système de labellisation des professionnels pouvant diffuser les données ainsi produites.
La Cour de cassation avance également sur ses travaux de pseudonymisation des décisions de Justice avec des data scientists. L’objectif du projet est la diffusion gratuite des décisions (près de 4 millions de décisions rendues par an) dans le respect de la vie privée et du RGPD pour répondre à la loi sur la République numérique. La problématique reste de déterminer quels seront les éléments à anonymiser, et où placer le curseur.

Une question qui se pose également pour le développement plus global de l’Intelligence Artificielle, qui se trouve face à une contradiction : « Le règlement européen dit qu’il faut conserver le moins d’informations possibles, alors qu’il faut le plus d’informations possibles pour garantir la fiabilité des algorithmes » a confirmé Sonia Cissé, avocate et directrice Technologies Media Télécommunications chez Linklaters Paris, lors de la conférence sur l’I.A éthique.

Quant à la blockchain, elle n’est plus une inconnue, voire un « gros mot » : désormais, elle se conjugue au présent et au futur pour les notaires, les huissiers de Justice, les avocats, les greffiers des tribunaux de commerce...

L’enjeu de l’accessibilité au droit.

C’est un enjeu récurent, et qui est revenu en force avec le développement des nouvelles technologies, en France comme en Afrique [1], où les legaltech françaises intègrent le marché, et où elles se développent avec succès. C’est aussi la première motivation du legal design que Stéphanie Marais-Batardière vit comme une mission : rendre le droit plus accessible en faisant en sorte que « l’adage "Nul n’est censé ignorer la loi" prenne réalité ». Elle intègre le legal design à chaque étape du premier rendez-vous, à ses actes et à la facturation.

Le ministère de la Justice a montré qu’il agissait aussi pour améliorer les outils actuellement existants, Code du travail numérique, modernisation de Legifrance, ou encore Portalis, qui annonce la dématérialisation de A à Z de la procédure civile et la mise en route d’une même application pour l’ensemble des juridictions afin de faciliter les échanges entre les différents acteurs du droit et les justiciables.

S’ouvrir à de nouvelles compétences, au-delà du juridique et de la tech.

Nous l’avons constaté depuis la première édition du Village de la LegalTech : la formation, qu’elle soit initiale ou continue, est un enjeu majeur de la prise en main et du développement de la legaltech par les professions du droit, et de leur transformation en général. Il est ainsi important d’accompagner l’ensemble des acteurs du droit actuels et futurs avec une offre de formations riche et proposée tant par les instances représentatives, les pôles universitaires que les professionnels eux-mêmes.

« Formez-vous, formez vos équipes au digital ! » Mathieu Davy, avocat et fondateur de Call a lawyer.

C’est la raison pour laquelle le Village de la Justice a organisé une grande conférence "Etudiants et jeunes professionnels", afin d’évoquer plus largement cette question. Et sans surprise, le sujet des soft skills est très régulièrement revenu dans les débats. Camille Sztejnhorn a notamment donné l’exemple de la définition du DPO par la CNIL, qui n’est basée que sur des soft skills !

Mais comment les « enseigner » ? Au delà des écoles et des universités, quel rôle les entreprises et les cabinets doivent-ils jouer dans leur apprentissage ? D’autant que la transformation n’est pas entièrement terminée, puisque le terme de « mad skills » semble être la prochaine étape...
« L’adaptabilité est importante pour le juriste, confirme Eric Ravy, directeur juridique de Oui.sncf. Quand je recrute des juristes, j’informe clairement que le poste va évoluer. En permanence il faut adapter les profils et les projets. » « Il faut aussi mettre l’accent sur la capacité à être leader de soi-même, appuie Amélie de Braux. Il est important de pouvoir faire les choix et adhérer à ce que l’on fait. »

Et le fameux « juriste codeur » dans tout ça ? Le juriste designer de la règle de droit appliquée à l’entreprise en codant est possible. Une certification signée AFNOR permet de garantir la compétence de juriste codeur à un instant T. Il faut donc renouveler l’évaluation au bout d’un certain moment. Une remise de diplôme a d’ailleurs eu lieu pendant le Village de la LegalTech. Mais, comme le précise Amélie de Braux, « le code ne va pas de soi. Peut-être qu’avoir dans le futur à l’université une partie syllogisme juridique et une partie code serait une bonne idée. »

Enfin, cette 4ème édition a été l’occasion de mettre en avant le travail de recherche, avec le prix Open Thèse, en mettant en avant les productions de doctorants qui ont accepté de mettre leurs travaux en accès libre. Un événement qui a permis de rappeler l’importance de l’expertise de ces chercheurs, qu’ils peuvent mettre au service de l’innovation au sein des entreprises, alors qu’ils sont confrontés à des problématiques d’employabilité.

Avec une affluence équivalente pendant les 2 jours et un temps de visite moyen de plus de 6 heures, nous conclurons en soulignant que cette édition a été marquée plus que jamais par une démarche d’échange : on est bien loin de la communication unidirectionnelle ou de l’écoute passive, il s’agit vraiment là de co-construction.

Rendez-vous en 2020 ! https://transformations-droit.com .

Les équipes Village de la Justice (sur cette photo) et d’Open Law étaient heureuses de vous proposer ces deux jours de grande qualité !
Rédaction du Village de la Justice

[1"L’Afrique" était l’invitée d’honneur de cette édition 2019.