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Le CDD : une rupture anticipée qui peut coûter cher. Par Aude Lhomme-Guinard, Avocat.
Parution : vendredi 27 septembre 2019
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Sous une apparente flexibilité, le CDD peut s’avérer être non seulement contraignant mais aussi coûteux.

I – Les motifs de recours au CDD.

L’article L. 1242-2 du Code du travail énumère certains motifs de recours au CDD, dont les plus fréquents sont :
- L’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
- Le recrutement d’un ingénieur ou cadre en vue de la réalisation d’un objet défi-ni lorsqu’un accord le prévoit ;
- L’emploi saisonnier.

L’employeur a l’obligation de faire signer ce CDD dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche.

II – Le terme du contrat.

Ce contrat particulier comporte un terme que les parties doivent respecter. Son échéance est corrélée, soit à une date précise, soit à la réalisation d’un événement. Le CDD peut être renouvelé. Néanmoins, sa durée ne peut excéder 18 mois (sauf cas particulier).

III – En cas de rupture anticipée.

Néanmoins, le CDD peut être rompu avant l’arrivée de son terme dans les cas prévus par le code :
- Accord des parties ;
- Faute grave ;
- Force majeure ;
- Inaptitude constatée par le médecin du travail ;
- Lorsque le salarié conclu un contrat de travail à durée indéterminée.

IV – En cas de rupture anticipée injustifiée.

Lorsque l’employeur rompt de manière anticipée le CDD d’un salarié, en dehors des cas autorisés par la loi, le salarié aura droit aux 10% d’indemnité de fin de contrat, et à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme de son contrat.(Article l. 1243-4 du Code du travail)

En ne se limitant qu’à fixer un plancher, le législateur a laissé aux juges une grande liberté dans l’appréciation du montant de ces dommages et intérêts.

Ainsi, par la formulation « d’un montant au moins égal », les juges peuvent permettre aux salariés d’être indemnisés d’un montant supérieur, si le préjudice subi par eux est jugé plus conséquent.

V – Illustration.

La Cour de cassation a récemment eu la délicate tâche d’évaluer le montant de cette indemnité (Cass. Soc. 3 juillet 2019, pourvoi n° 18-12.306).

En l’espèce, 4 membres d’un groupe de rock avaient été engagés par une société pour l’enregistrement en studio de phonogrammes permettant la réalisation de plusieurs albums dont seul le premier a été réalisé. En effet, en 2015 le producteur a résilié leur contrat.

Par conséquent, les membres du groupe ont saisi la juridiction prud’homale au regard d’un « préjudice direct et certain résultant de la perte d’une chance de percevoir les gains liés à la vente et à l’exploitation de ces œuvres ».

La perte de chance permet l’indemnisation d’un salarié ayant subi un préjudice direct du fait de « la privation d’une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable » (Cass. Soc. 7 avril 2016 pourvoi n° 15-14.888).

L’appréciation du montant de l’indemnité a donc été opérée par les juges au regard des rémunérations afférentes aux albums non réalisés, mais aussi de la perte de chance d’obtenir les bénéfices générés par ces albums.

Chaque salarié a perçu des indemnités s’élevant à 200.000 euros environ.

Ainsi, il est possible de demander la réparation d’une perte de chance au titre de la rupture par l’employeur de son CDD de manière anticipée et injustifiée. Partant, on appréciera ici la liberté conservée par les juges dans l’appréciation du montant de l’indemnité versée en cas de rupture anticipée et injustifiée d’un CDD. Liberté qui se fait de plus en plus rare (cf. barème d’indemnisation).

Avocat au Barreau de Paris