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Marchés publics et sous-traitance : les clés de la réussite. Par Christian Renaud.
Parution : vendredi 5 octobre 2018
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Sous-traitance irrégulière, travail dissimulé, prêt de main-d’œuvre illicite, travail détaché illégal, non respect des obligations en matière de sécurité… La sous-traitance dans les marchés publics peut être semée d’embûches. Si elles ne veulent pas voir leur responsabilité engagée, les collectivités doivent se montrer vigilantes et demander des garanties.

Jusqu’où doit-on connaître et contrôler ses fournisseurs ? Comment éviter d’être mis en difficulté, sur le plan de la responsabilité juridique et de la réputation, par des violations de droits fondamentaux, des fraudes sociales, des entorses à la sécurité ou des détériorations de l’environnement, commises par l’un de ses fournisseurs ? La question se pose pour les entreprises internationales mais aussi pour les collectivités territoriales.

Ne pas négliger sa responsabilité vis-à-vis du sous-traitant.

Dans le cadre des marchés publics, les collectivités peuvent en effet voir leur responsabilité engagée en cas de manquement aux obligations légales des sous-traitants de l’entreprise principale qu’ils auront choisie. Elles doivent donc veiller scrupuleusement au respect des textes de loi applicables et se donner les moyens de garder un contrôle sur l’activité de l’ensemble des entreprises qui exécutent le marché.

En vertu du principe de liberté d’accès à la commande publique, la sous-traitance est en effet une pratique tout à fait légale et très répandue. Elle est encadrée par la loi du 31 décembre 1975, par divers décrets et ordonnances relatifs aux marchés publics et par plusieurs dispositions du Code du travail.

La sous-traitance peut permettre à l’entreprise principale d’atteindre le niveau de production suffisant pour répondre à la commande du client, de livrer plus rapidement ou de réduire les frais. Elle peut être aussi un moyen de confier certaines tâches à des spécialistes afin de réaliser des travaux de meilleure qualité.

Elle associe trois personnes – le maître d’ouvrage, l’entrepreneur principal (titulaire du marché) et le sous-traitant – dans le cadre de deux contrats d’entreprise séparés, mais dont l’un est une partie de l’autre. Même si l’acheteur public n’est pas en relation contractuelle avec le sous-traitant, il n’est pas pour autant dégagé de toute responsabilité vis-à-vis de celui-ci.

Éviter les sous-traitances irrégulières.

Le sous-traitant doit d’abord être accepté par l’acheteur public et ses conditions de paiement doivent également être agréées. Cette déclaration permet notamment aux sous-traitants d’être payés directement par le maître d’ouvrage. « Sauf si les travaux sous-traités ne sont pas conformes aux prescriptions du marché principal », précise toutefois Céline Sabattier, avocate associée du Cabinet Peyrical & Sabattier. « Autrement dit, le maître d’ouvrage peut exercer un contrôle sur les travaux réalisés par un sous-traitant agréé ». [1]

La collectivité doit donc se montrer vigilante sur la conformité des travaux réalisés par le sous-traitant, même si le principe général voudrait que seul le titulaire du marché soit responsable de l’intervention des sous-traitants.

Dans le cas où le sous-traitant ne bénéficie pas du paiement direct, l’entreprise titulaire du marché doit fournir au maître d’ouvrage une garantie de paiement pour toutes les sommes dues au sous-traitant sous forme d’une caution personnelle et solidaire.

Il arrive également, en pratique, qu’un sous-traitant participe à l’exécution des prestations du titulaire du marché sans avoir été déclaré auprès du maître d’ouvrage. Dans cette hypothèse, le sous-traitant irrégulier n’a, en principe, pas le droit au paiement direct. « Le maître d’ouvrage a l’obligation de mettre en demeure le titulaire de régulariser la situation d’un sous-traitant dont il a connaissance. Sinon, il peut être tenu de régler au sous-traitant les sommes qu’il lui aurait dues au titre du droit au paiement direct et que le titulaire du marché ne lui a pas réglées, et ce, même si le maître d’ouvrage s’est déjà libéré de ces sommes auprès du titulaire », explique la revue spécialisée Contrats Publics dans son numéro de septembre 2017. [2] L’intervention d’un sous-traitant irrégulier n’est donc pas sans risque.

Attention aux obligations sociales.

La collectivité doit également se montrer attentive au respect par le sous-traitant de ses obligations sociales. Le Code du travail prévoit en effet toute une série de mécanismes de solidarité financière du maître d’ouvrage qui ne contrôlerait pas le respect par le sous-traitant de certaines de ses obligations sociales ou qui ne réagirait pas à des mises en demeure adressées par l’inspection du travail au sujet de pratiques irrégulières. Cela concerne notamment le contrôle du détachement de salariés étrangers, le salaire minimum dû au salarié détaché et l’information à assurer sur les chantiers à l’attention des salariés détachés.

Depuis 2011, la loi a également renforcé les dispositions de lutte contre le travail dissimulé en cas de sous-traitance. Dorénavant, l’entreprise principale est tenue de vérifier que son sous-traitant s’acquitte de ses obligations de déclaration et de paiement des cotisations… Et doit même exiger de son sous-traitant une attestation de vigilance délivrée par l’Urssaf mentionnant le nombre de salariés et le total des rémunérations déclarées.

Le Code du travail interdit expressément le travail dissimulé (non respect des obligations déclaratives ou recours à des salariés non déclarés). Ce délit est puni d’une peine d’emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 euros (225 000 euros pour les personnes morales). L’entreprise principale peut voir sa responsabilité pénale engagée et devoir assumer le paiement des impôts, taxes et cotisations dus par le sous-traitant, ainsi que le paiement des rémunérations, indemnités et charges dues aux salariés illégalement employés.

Prévenir les risques de « fausse sous-traitance » et en matière de sécurité.

Le recours à la sous-traitance peut également exposer le donneur d’ordre à des sanctions en matière de prêt de main-d’œuvre illicite en cas de « fausse sous-traitance ». C’est le cas lorsque le donneur d’ordre a recours à un sous-traitant dans le cadre d’une convention ayant pour objet exclusif la fourniture de main-d’œuvre moyennant rémunération, sans transmission d’un savoir-faire ou mise en œuvre d’une technicité spécifique, et lorsque les salariés du sous-traitant travaillent dans des conditions les assimilant à ceux du donneur d’ordres. Un délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (150 000 euros pour une personne morale). « Le donneur d’ordre risque également de voir sa responsabilité engagée à l’égard des salariés, soit dans le cadre d’une action en reconnaissance d’un contrat de travail, soit dans le cadre d’une action en dommages et intérêts », explique le cabinet Francis Lefebvre Avocats. [3]

La responsabilité du maître d’ouvrage peut être également engagée si les conditions d’hygiène et de sécurité ne sont pas respectées par le sous-traitant. Le Code du travail prévoit en effet que le maître d’ouvrage informé d’une infraction d’un sous-traitant en matière de santé et de sécurité doit impérativement, dans un délai de 24 heures, lui enjoindre de faire cesser cette situation, sous peine d’une amende de 7 500 euros. Pour de nombreux types de chantier, le maître d’ouvrage a également l’obligation de réaliser avec le titulaire et les sous-traitants une inspection commune préalable des lieux de travail, des installations et des matériels, de réaliser un plan de prévention et d’organiser des inspections périodiques.

La sous-traitance impose donc aux collectivités une grande vigilance, qui doit porter d’abord sur l’entreprise principale, puisque c’est elle qui contrôle directement le travail des sous-traitants.

Obtenir des garanties : l’exemple de Citelum.

Dans l’éclairage public par exemple, l’entreprise française Citelum, consciente des risques que la sous-traitance peut faire courir aux collectivités, s’applique à apporter des garanties aux nombreuses villes avec lesquelles elle travaille. Il s’agit de garantir la transparence, la qualité et la sécurité sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

L’entreprise a ainsi fait de la sécurité et de la conformité, l’une de ses priorités. Dans toutes ses activités et auprès de tous ses clients, prestataires et salariés, Citelum garantit le respect des standards de sécurité européens.

Selon la charte « Ethique et Conformité » signée par la société Citelum et ses salariés s’engagent à privilégier l’éthique et la conformité dans leurs comportements quotidiens et en toutes circonstances. Ils s’engagent notamment à respecter de la manière la plus stricte les lois relatives à la sous-traitance.

« Nous déployons dans tous les pays notre politique « éthique et conformité », avec des règles de conduite des affaires exigeantes auxquelles nous formons l’intégralité de nos équipes », précise Carmen Munoz-Dormoy, directrice générale de Citelum. « Nous appliquons la même politique (de sécurité) avec nos sous-traitants en exigeant de tous nos collaborateurs d’appliquer les mêmes règles de sécurité et de conformité. En Inde par exemple nous avons imposé l’usage de nacelles et la suppression des échelles en bambou qui étaient encore d’usage. » [4]

Contrat de sous-traitance : les recommandations de la FFB.

Des organismes professionnels, comme la Fédération française du bâtiment (FFB), proposent, de leur côté, à leurs adhérents des contrats types de sous-traitance. La FFB conseille vivement aux entreprises de se mettre d’accord avec leur sous-traitant sur les prestations, leur prix et les conditions de paiement, de s’assurer de l’acceptation du sous-traitant par le maître d’ouvrage, et de demander au sous-traitant des attestations d’assurance couvrant ses responsabilités.

Elle recommande également de demander au sous-traitant de justifier de ses compétences et de produire les mêmes documents que ceux exigés de l’entrepreneur principal, de signer le contrat de sous-traitance au plus tard au démarrage des travaux, et d’encourager le règlement des litiges éventuels par voie amiable.

Selon la FFB, les conditions générales du contrat doivent notamment préciser les règles de paiement mais aussi les obligations générales du sous-traitant en matière d’hygiène et de sécurité, ainsi que des règles en matière d’évacuation et de traitement des déchets.

Enfin, les conditions particulières permettent de préciser l’objet du contrat, les pièces contractuelles, les délais d’exécution, les prix et les conditions de paiement, mais également les documents et attestations sur l’honneur à fournir par le sous-traitant dans le cadre de la lutte contre le travail illégal.

Christian Renaud Spécialiste consommation, communication, concurrence Manager de projet au sein d'un cabinet de conseil spécialisé dans l'accompagnement de marchés

[2Contrats publics, septembre 2017 N°179, Editeur Le Moniteur, Collection Contrats publics - L’actualité de la commande et des contrats publics.