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Les relations sexuelles du majeur et du mineur : entre psychiatrie et droit. Par Damien Viguier, Avocat.
Parution : vendredi 2 mars 2018
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La pédocriminalité est un problème compliqué. Il règne la plus grande confusion, ne serait-ce que sur la question des rapports sexuels entre mineur et majeur. Or, si l’on veut être efficace pour lutter contre le phénomène, il y a tout intérêt à être précis. Cette brève note ne vise qu’à contribuer à la recherche d’un cadre de présentation clair et exact, en commençant par cette question du sexe entre mineurs et majeurs.

Nous ne parlerons pas du mariage, qui concerne directement toutes ces questions. Dans la plupart des sociétés ordonnées toute relation sexuelle est interdite hors mariage (et mariage exclusivement hétérosexuel), c’est-à-dire avant le mariage et en dehors du mariage (adultère). Mais le mariage est permis dès la puberté (soit, dans certains cas, dès l’âge de 11 ans). Dans notre droit l’âge de la capacité au mariage est passé de 12 ans (pour les filles) et 14 ans (pour les garçons) à 13 et 15 en 1792, puis à 15 et 18 en 1803 et finalement à 18 ans pour les deux sexes : le but est de lutter contre les mariages « arrangés ». Mais laissons le mariage de côté.

La première chose est de démêler psychiatrie et droit.

A. Psychiatrie

La pédophilie relève de la psychiatrie. Cela consiste dans des relations sexuelles, réelles ou fantasmées, entre un enfant et un adulte. Les conditions pour considérer qu’il y a trouble sont multiples, mais insistons sur le critère qui distingue l’enfant de l’adulte. De manière réaliste, ce serait la puberté. Il s’agit de la capacité à engendrer, possibilité au moins théorique, compte tenu de la corpulence, du développement de la pilosité etc. Ce critère est net et précis, quoique la puberté soit une période qui puisse durer plus ou moins longtemps selon les personnes, il y a un instant précis où l’homme et la femme peuvent engendrer, et cette capacité s’accompagne d’un développement physique et intellectuel qui rompt avec l’enfance. A strictement parler l’acte pédophile concerne donc le pubère et l’impubère.

En psychiatrie (DSM-5) on indique pour l’enfant l’âge de 13 ans ou moins : il s’agit d’une moyenne. Et pour l’adulte il est indiqué l’âge de 16 ans ou plus. Etant précisé qu’il faudrait à l’adulte au moins 5 ans de plus que l’enfant. Et qu’un "adulte" en fin d’adolescence ne doit pas être considéré comme pédophile s’il entretient des relations avec un enfant de 12-13 ans. Toutes ces questions sont évidemment discutées.

La psychiatrie s’intéresse au pédophile en tant que malade mental. Il lui faut par conséquent la présence de fantasmes récurrents, et un passage à l’acte ou une détresse importante ou des difficultés relationnelles. La pédophilie est classée dans les paraphilies, avec le voyeurisme et l’exhibitionnisme, le frotteurisme, le sadisme et le masochisme, le fétichisme, le transvestisme, la scatologie téléphonique, la nécrophilie, la zoophilie, la coprophilie, la clystérophilie, l’urophilie ; et ce tableau n’est pas exhaustif.

B. Droit

En droit, au sujet des relations avec un mineur, la majorité est une question compliquée. On confond en général la majorité du droit civil (actuellement 18 ans, sauf émancipation) avec "la majorité sexuelle" (actuellement 15 ans) et avec "l’âge du consentement". Soit trois périodes.

a) Avant « l’âge du consentement »

Avant que le patient (au sens criminologique, pour ne pas dire le partenaire ou la victime) ait atteint la maturité suffisante pour consentir à des relations sexuelles normales, tout acte commis sur lui sera assimilé à un acte accompli sous la contrainte, par violence ou surprise. Soit, en cas de pénétration : viol ; sans pénétration : agression ou exhibition sexuelles. Il est évident que les actes pervers sont jugés plus sévèrement et que les cas d’inceste ou d’autorité sont aggravants.

Je laisse de côté la question de la responsabilité de l’agent. Les pénalistes savent comment peut se résoudre par exemple le cas d’un agent qui n’aurait pas non plus atteint la capacité de consentir (en quelque sorte chacun des deux partenaires serait à la fois l’agent et le patient de l’autre).

Notons qu’ici comme en psychiatrie la puberté fournit un critère réaliste. On parle parfois de l’âge de 11 ou 12 ans. Il n’y a pas d’âge précis en législation pour le moment. Un projet en cours prévoirait 13 ans.

b) La minorité sexuelle (avant 15 ans)

La seconde période est celle qui se situe entre l’âge du consentement et l’âge de la majorité sexuelle. Cette majorité sexuelle est actuellement fixée à quinze ans, mais à l’origine elle était fixée à 11 ans (en 1832), avant de passer à 13 ans (1863) puis à 15 ans (1945). Durant cette période, les rapports consentis sont interdits : il y a atteinte sexuelle sur mineur (a fortiori, évidemment, sont prohibées toutes les perversions).

Seul l’agent civilement majeur est concerné par cette infraction (en l’état de notre droit, un mineur de 17 ans peut, jusqu’au jour de son anniversaire, commettre des actes sur un autre mineur consentant de 11 ou 12 ans).

c) La majorité sexuelle (de 15 à 18 ans)

Atteint la majorité sexuelle, soit à l’âge de 15 ans, le mineur n’est pas encore totalement libre de sa sexualité. D’abord les perversions demeurent interdites, et le majeur qui y participe commet l’infraction de corruption de mineur. Mais même pour les relations normales, il peut y avoir encore atteinte sexuelle lorsque le majeur est un ascendant du mineur (inceste), a sur lui autorité ou bien abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. Pour ce dernier cas il faut bien distinguer l’exercice normal et l’abus (cf. les « Observations sur l’amour de transfert » de Sigmund Freud).

La majorité civile est actuellement fixée à 18 ans, sauf émancipation. Jusqu’en 1974 la limite était de 21 ans. La majorité civile atteinte, tout devient possible, dans les limites, évidemment, du consentement. Par ailleurs on n’oubliera pas que le consentement de la victime de coups et blessures, d’actes de torture, de mutilation ou, pire, d’homicide, n’est pas un fait justificatif de l’auteur des infractions.

Je précise à nouveau que cette note ne visait qu’à donner à une question confuse une présentation claire. Si c’était le cas il faudrait évidemment développer la question de l’âge du partenaire du mineur. Et tenir compte de ce que les limites d’âge comme les notions ou les interdits sont susceptibles d’importantes variations selon les pays et selon les époques. Il existe quantité de cas dont ni la psychiatrie ni le droit ne semblent vouloir s’occuper et qui pourraient concerner la morale ou la religion, dans un cadre social ou familial.

Damien VIGUIER Avocat aux barreaux de l'Ain et de Genève - Docteur en droit www.avocats-viguier.com