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Quatrième année de la formation adaptée aux enjeux du numérique et de la LegalTech.
Parution : jeudi 2 juillet 2020
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En 2017 un diplôme universitaire consacré à la transformation numérique du droit et aux LegalTech a vu le jour à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas.
Nous vous l’annoncions dans notre article « Former le juriste du futur : un nouveau défi ! », c’est donc maintenant une réalité. Les inscriptions sont ouvertes jusqu’en juillet 2020.
Et pour en savoir plus, le Village de la Justice, partenaire de ce diplôme, a interrogé Bruno Deffains, Professeur à Paris 2 et Stéphane Baller, tous deux à l’origine de la création de cette formation.

Village de la Justice : A qui s’adresse ce DU ?

Bruno Deffains (B.D.) : Ce diplôme s’adresse à des publics variés : des juristes et des ingénieurs, soit en formation initiale, soit en formation continue. Nous souhaitons recruter des étudiants de préférence en fin de cycle c’est-à-dire titulaire d’un Master 2, éventuellement d’un Master 1 pour les bons étudiants particulièrement motivés, notamment ceux engagés dans un parcours interdisciplinaire type économie et droit par exemple ou les porteurs d’un projet. C’est un point important dans notre stratégie à Paris 2. Il en sera de même pour les étudiants ingénieurs. En formation continue, nous visons les équipes des directeurs juridiques, des directeurs fiscaux, des autorités de contrôle, voir leurs responsables, les magistrats, les avocats…

Bruno Deffains, Professeur à l’Université Panthéon Assas et membre de l’Institut Universitaire de France.

Quel type de profils allez-vous former ?

B.D. : C’est « profil » au pluriel. L’objectif est d’avoir un éventail relativement large de cibles qu’ils s’agissent d’aller vers l’entreprise ou vers les cabinets car il y a des besoins considérables. Nous souhaitons accompagner deux types de parcours : des jeunes juristes/fiscalistes/travaillistes qui veulent se préparer à l’utilisation des opportunités technologiques ou des juristes expérimentés qui peuvent eux avoir des besoins spécifiques au sein de leurs entités en matière de contract management et de compliance par exemple. De la même manière, côté ingénieurs, l’idée générale est d’être capable d’avoir des profils informaticiens qui sont souvent associés au lancement de projets innovants et qui doivent aller au-delà de la formation juridique limitée qu’ils reçoivent habituellement.

"Nous souhaitons former des créatifs et des innovants du droit."


Stéphane Baller (S.B.) : Nous souhaitons former des créatifs et des innovants du droit. On en a besoin dans les cabinets d’avocats qui souhaitent innover, dans les entreprises qui vont créer des postes de chief digital officer, par exemple. Les administrations aussi sont visées : le coût de la justice étant ce qu’il est, son accès devant être optimisé, toute une réflexion doit être menée ; Bercy a recruté récemment un spécialiste de data mining sur la partie fiscale, le garde des Sceaux fera sûrement la même chose bientôt. Il y a aussi le consulting, etc.

Stéphane Baller, associé d’EY Société d’Avocats

Pourquoi sa création était une nécessité ?

B.D. : Parce que nous devons être capables d’accompagner et de former tous les acteurs, en formation initiale ou continue, pour qu’ils soient capables de porter des projets innovants. La connaissance du droit est certes fondamentale mais il y a aussi besoin de maitriser et de comprendre la dimension économique, organisationnelle et technologique. C’est ce que nous voulons apporter en plus. La culture juridique et la connaissance du droit sont essentielles mais doivent être complétées pour aborder le droit de demain.

S.B. : Parce qu’il n’y a pas aujourd’hui sur le marché de profils qui maitrisent ou appréhendent à la fois le droit et la technologie. Dans mon cabinet par exemple, nous cherchons depuis 4 ans une dizaine de profils de ce type et nous n’en trouvons qu’un ou deux par an, y compris sur les marchés anglais ou américains ! Et nous ne sommes pas les seuls alors qu’aujourd’hui, il y a des personnes issues de l’univers technique ou juridique qui voudraient se former et qui n’ont pas de plateforme adaptée pour le faire : donc c’était une urgence. Même s’il y a des formations spécialisées actuellement sur l’informatique et le droit de l’informatique [1], elles restent centrées sur les juristes.

"C’est créer le monde du droit de demain et arriver à conduire toutes les générations volontaires à être prêtes."


L’idée avec ce DU est d’aller plus loin et de structurer l’enseignement autour de projets dans lesquels il y aura aussi bien des profils ingénieurs que des profils économistes, fiscaux, sociaux, juridiques, des personnes qui sont en poste en entreprise et des étudiants qui ont envie d’entreprendre. C’est une formation proche de l’univers des legaltech et des nouvelles manières de travailler. C’est créer le monde du droit de demain et arriver à conduire toutes les générations volontaires à être prêtes.

Quels sont les enseignements pratiques de ce DU ?

B.D. : Le diplôme va comporter des modules avec un total de 120 heures en présentiel en dehors des 40 heures du séminaire de mise à niveau et de la partie projet de la formation. Les modules sont regroupés en grandes catégories. Certains ont vocation à présenter le marché du droit, les acteurs de l’économie du numérique. D’autres seront plus spécifiques tels que celui sur la transformation numérique des acteurs du droit, l’actualité du commerce électronique, la propriété intellectuelle, le marketing des services, les acteurs de l’économie et le numérique… Par exemple, avec le module sur le marketing de services, l’idée est de construire une offre de services à valeur ajoutée, de comprendre les attentes de la clientèle, de positionner l’offre de service avec les stratégies du marché du droit, les stratégies marketing et d’e-réputation, de décortiquer la chaine de valeur du droit.

L’objectif : faire le lien entre les enjeux dans cette nouvelle organisation et la technologie, comprendre de quelle manière mobiliser celle-ci et se familiariser avec les dernières tendances.


Notre objectif est ainsi de faire en sorte que les étudiants soient capables de faire le lien entre les enjeux auxquels ils sont confrontés dans cette nouvelle organisation et la technologie, de comprendre de quelle manière ils peuvent mobiliser celle-ci et de se familiariser avec les dernières tendances du numérique, de la sécurité, de l’intelligence artificielle, des réseaux neuronaux, du machine learning, des techniques du big data…

S.B. : La formation s’articulera autour de 2 semestres. Le 1er semestre doit permettre aux étudiants de se nourrir de ces enseignements pour commencer à réfléchir, construire et affiner un projet qui sera mené en équipe. Le 2ème semestre sera consacré au travail sur la 1ère maquette de ce projet, une sorte d’hackaton de 4 mois avec en ligne de mire la possibilité de participer à des concours pour gagner son avenir !

Comment faire le lien entre l’univers juridique et technologique ?

S.B. : Déjà, il y aura un séminaire de 40 heures qui va inaugurer le DU avec l’objectif de donner une « trousse de survie » aux juristes pour qu’ils puissent dialoguer avec les ingénieurs et vice-versa. Ensuite, chaque pédagogie sera axée sur l’un ou l’autre de ces 2 publics, l’idée étant que l’un entraînera l’autre pour rendre accessible et partager sa connaissance. Et enfin, c’est autour des projets que va se faire la rencontre. C’est ce que nous proposons. Ils vont se découvrir et s’entraider autour de projets qu’ils vont partager. Mais il y aura certainement un effort plus important à faire vers les ingénieurs, car si les juristes semblent comprendre l’impératif de transformation et la nécessité de se former à la technique, l’enseignement du droit en école d’ingénieurs semble parfois une curiosité. Mais le goût partagé pour le raisonnement et la logique doit permettre un échange facile entre les deux profils. Je ne sais pas si les juristes apprendront le codage, mais nous espérons que rapidement ils maitriseront les codes des ingénieurs !

"Avec ce diplôme, nous voulons mettre en commun les savoirs et l’expérience des juristes avec ceux des ingénieurs."


B.D. : La plupart des start-up qui ont réussi et des projets qui fonctionnent aujourd’hui ont réuni des connaissances techniques et juridiques. Il n’y a aucune structure qui s’est lancée sans ces compétences. Mais ils se sont formés sur le tas. Avec ce diplôme, nous voulons mettre en commun les savoirs et l’expérience des juristes avec ceux des ingénieurs, tout en les faisant travailler ensemble autour de projets. Nous voulons être capables de mettre ces personnes en présence avec les acquis qui sont les leurs, car ce ne sont pas des étudiants qui entrent en première année mais des étudiants qui vont vivre leur premier « job de grand » avec motivation ou des professionnels expérimentés. Cela ne sera peut-être pas évident mais nous avons suffisamment de recul sur d’autres projets, tel que le Master 2 Economie et Droit, pour nous rendre compte que cela fonctionne.

Voir aussi la page Facebook de la formation et la page LinkedIn}.

Rédaction du Village de la Justice