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L’ouverture de nuit des débits de boissons (cafés, bars, discothèques). Par Jacques-Alexandre Bouboutou, Avocat.
Parution : samedi 1er juillet 2017
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Dans chaque département, des arrêtés préfectoraux régissent les horaires d’ouverture et de fermeture des débits de boissons. A certaines conditions, il est possible d’obtenir des dérogations permettant une ouverture de nuit. Celles-ci sont temporaires, révocables et liées à l’établissement bénéficiaire.

La réglementation des horaires.

L’autorité préfectorale peut édicter des arrêtés qui ont vocation à régir les horaires d’ouverture et de fermeture des établissements recevant du public et qui sont titulaires, de la licence III (licence restreinte), de la licence IV (grande licence), ainsi que de la licence restauration ou à emporter.

Dans les communes autres que Paris, le Préfet exerce ses prérogatives en concurrence avec le maire qui peut prendre pour sa commune des mesures plus restrictives pour des considérations tenant à la sauvegarde de l’ordre public.

Ces arrêtés distinguent les établissements dont l’objet principal est l’exploitation d’une piste de danse et notamment les discothèques, lesquelles se voient généralement accorder la possibilité de fermer à 7h du matin, des autres établissements qui doivent fermer leurs portes à 2 heures du matin, tandis que l’heure d’ouverture est fixée à 5 heures du matin.

Il convient de préciser que contrairement à une idée reçue, ces horaires doivent être respectés quand bien même l’établissement ne serait pas, exceptionnellement, ouvert au public, c’est-à-dire aux consommateurs, par exemple dans le cadre d’un événement privé ou d’une soirée entre amis [1].

En revanche, ces horaires ne s’appliquent pas au personnel de l’établissement ou aux prestataires qui peuvent se trouver dans les lieux en dehors de ces horaires, notamment pour procéder au nettoyage ou au rangement en vue d’être préparé à accueillir le public à l’ouverture [2].

L’obtention de dérogations.

Tout d’abord, il existe des dérogations automatiques valant pour tous les établissements à certaines périodes de l’année, fixées par arrêté préfectoral en fonction des départements (13-14 juillet, 24 décembre, 31 décembre).

Ceux des établissements qui ont une vocation de nuit, sans pour autant constituer des discothèques, peuvent à certaines conditions obtenir le droit de demeurer ouvert entre 2 heures et 5 heures du matin tout au long de l’année. Il s’agit d’une autorisation temporaire et révocable généralement accordée pour une durée d’un an.

L’autorisation d’ouverture de nuit concerne l’établissement et non la personne de l’exploitant qui ne peut donc pas se voir opposer un refus en raison de troubles survenus dans un autre établissement lui appartenant [3].

L’exploitant doit remplir un formulaire d’autorisation d’ouverture de nuit, précisant l’identité de l’exploitant, la nature de l’activité exercée, les licences détenues, une lettre de motivation relative à la vocation nocturne de l’établissement et l’indication des animations qui sont envisagées tels que la danse, les concerts, la diffusion de musique amplifiée (avec DJ).

Dans ce dernier cas, le formulaire devra être accompagné d’une étude d’impact sur les nuisances sonores réalisée par un bureau d’études agréé et il devra être justifié de l’équipement d’un limiteur acoustique répondant aux normes en vigueur. Les avis de différentes autorités (services de police, mairie) sont recueillis avant que l’autorisation puisse être accordée au terme du délai d’instruction qui est le plus souvent de quatre mois.

Les sanctions en cas de non-respect des horaires.

L’autorisation de nuit peut être révoquée en cas de troubles répétés et suffisamment graves à l’ordre public, à la condition cependant que les faits qui motiveraient le non-renouvellement ou la révocation de l’autorisation d’ouverture de nuit soient en lien avec le fonctionnement nocturne de l’établissement [4].

De telles décisions doivent être précédées d’une procédure contradictoire le Préfet devant inviter l’exploitant à produire ses observations, conformément aux dispositions de l’article L. 121-1 du Code des relations entre le public et l’administration, et ce quand bien même l’exploitant n’aurait pas encore fait parvenir de demande expresse de renouvellement [5].

L’autorisation peut également faire l’objet d’une contestation par des riverains se plaignant de nuisances sonores. Ceux-ci sont en effet recevables à solliciter l’annulation de l’arrêté autorisant l’établissement à ouvrir de nuit [6].

En cas de non-respect des horaires d’ouverture et de fermeture auxquels l’établissement est assujetti, le Préfet peut délivrer un avertissement sur le fondement des dispositions du 1° de l’article L. 3332-15 du Code de la santé publique.

En cas de violation répétée, l’établissement qui a déjà reçu un avertissement pourra faire l’objet d’un arrêté de fermeture administrative pour une durée appréciée par le Préfet et qui se situe généralement entre 8 et 15 jours. Le cumul avec d’autres faits peut entrainer une durée plus longue cependant.

Les voies de recours.

Il est possible de contester de telles mesures en saisissant le Tribunal administratif compétent dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision entreprise. Un référé est également envisageable afin d’obtenir la suspension des effets de la décision qui met en péril l’activité.

En cas de refus de renouvellement injustifié, il est opportun d’assortir ses conclusions d’annulation, de conclusions visant à ce qu’il soit enjoint à l’autorité de réexaminer la demande dans un délai déterminé [7].

Il est également possible de solliciter des dommages-intérêts en raison du préjudice lié à l’absence d’ouverture tardive. Une expertise judiciaire peut alors s’avérer nécessaire pour le chiffrage, en se basant sur une période de référence significative et en déterminant ensuite le manque à gagner par rapport aux charges que l’établissement continue de supporter [8].

S’agissant du dépassement de l’horaire autorisé, le juge administratif peut décider d’annuler un arrêté de fermeture administrative dès lors que les faits sont isolés, très espacés dans le temps, que le dépassement de l’horaire autorisé est faible ou si la fermeture présente par sa durée une sévérité excessive par rapport au dépassement d’horaire constaté.

Ainsi, la cour administrative d’appel de Versailles a eu l’occasion d’annuler un arrêté de fermeture d’une durée de deux mois pour un dépassement de 20 minutes sur l’heure de fermeture autorisée [9].

Le recours visant à obtenir l’indemnisation au titre du préjudice subi durant la période de fermeture doit obligatoirement être présenté par un avocat et être précédé d’une demande préalable à l’administration.

Jacques-Alexandre BOUBOUTOU Avocat à la Cour http://bouboutou-avocats.com

[1CAA Marseille, 5 octobre 2015, Restaurant du Golf d’Allauch, req. n°14MA03547.

[2CAA Lyon, 16 juillet 2009, Préfet du Rhône, req. n°07LY01533.

[3CAA Paris, 4 mai 2015, Who’s, req. n°14PA02884.

[4Conseil d’Etat, 14 décembre 1988, req. n°78285, publié au Recueil.

[5CAA Paris, 10 mai 2016, req. n°15PA01836.

[6Conseil d’Etat, 4 novembre 2016, req. n°386694.

[7CAA Paris, 4 mai 2015, Société Moovement, req. n°14PA02884.

[8CAA Marseille, 29 septembre 2011, Préfet des Alpes maritimes, req. 10MA00716.

[9CAA Versailles, 28 septembre 2010, EURL Le Zizenya, req. n°09VE00277.

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