La formation des futurs avocats constitue le sujet le plus essentiel et le plus structurant, de notre profession. Le plus passionnant aussi tant il porte d’espérances, tant il constitue le reflet, pas seulement de ce que nous sommes, mais des attentes que nous prêtons à nos clients et des qualités que nous devons réunir pour les satisfaire.

A bien des égards, le rapport de ces derniers au droit a changé : accessibilité – voire quasi gratuité - du corpus juridique à travers des propositions de plus en plus sophistiquées (il suffit de regarder pour cela des initiatives comme Open Law), émergence du numérique qui standardise ou automatise une partie de nos prestations (qui les déshumanise aussi), augmentation des offres d’outsourcing...

Pendant ce temps, notre propre rapport au travail évolue : un management plus horizontal fait son apparition, ou du moins est appelé de ses vœux, dans nos cabinets. L’approche entrepreneuriale, l’inter-professionnalité, la notion de marché du droit, l’attention à la responsabilité sociale et environnementale dans les cabinets, quittent le domaine des incantations conceptuelles pour devenir des orientations fortes de la profession, attendues par nos jeunes confrères.

Cette modification et cette complexification de notre relation au droit, à nos clients, et à nous-mêmes, nous obligent impérativement à repenser notre formation. Ce n’est plus la connaissance académique – certes « professionnalisée » dans les Ecoles d’Avocats – du droit qui constitue le socle de notre savoir. D’ailleurs, le savoir ne suffit plus. C’est notre capacité au changement, à l’écoute, à la créativité, au travail en équipe, à l’identification des besoins et des attentes – verbalisées ou non – qui constituera désormais l’élément différenciant. C’est l’émergence du savoir-être, des soft-skills.

Ne pas anticiper ce phénomène est un aveuglement. Ne pas modifier radicalement le contenu de notre formation (souvent illisible et indigeste) et nos méthodes d’enseignement (parfois infantilisantes et quasi-inchangées depuis des décennies) serait une faute à l’égard de nos jeunes et futurs confrères. Nous avons une responsabilité vis-à-vis d’eux. Et nous avons le devoir d’agir vite.

Tandis que de nombreuses universités dans le monde se penchent sur ces qualités devenues si essentielles, que les entreprises cherchent à les promouvoir dans le cadre de leurs formations internes, tandis que la part de l’humain dans notre relation au client devient essentielle, tant la machine provoque un risque de désincarnation, notre profession peine à mesurer les enjeux et à en tirer les conséquences.

Dès aujourd’hui, nous devons modifier notre formation pour permettre à nos jeunes confrères d’être plus agiles, de mieux connaître leur potentiel, de leur donner confiance en eux et leur offrir une plus grande autonomie. Leur apporter, tout simplement, davantage de liberté.