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NextLaw Labs : un incubateur d’entreprises de technologies juridiques d’un nouveau genre.
Parution : mercredi 11 mai 2016
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Filiale indépendante du cabinet Dentons, NextLaw Labs est une plate-forme d’innovation qui a été lancée en août 2015. Investir, développer et déployer des nouvelles technologies pour transformer la pratique du droit, tel est l’objectif que s’est fixé cet incubateur d’entreprises d’un nouveau genre dans la profession d’avocats, avec déjà deux sociétés dans son portefeuille, Ross Intelligence Inc [1] et Apperio [2].

Afin de mieux comprendre son fonctionnement, le Village de la justice a interrogé Marie Bernard, directrice de l’innovation de Dentons Europe.

Laurine Tavitian : Est-ce que NextLaw Labs est un véritable incubateur d’entreprises et fonctionne-t-il comme tel ?

Marie Bernard : Oui, mais pas seulement. Il fonctionne comme un incubateur, avec un volet mentoring et co-développement, mais aussi comme un fond de capital risque (venture capital). Le fond permet d’investir dans un produit et une start-up mature qui dispose déjà de financement. L’incubateur, lui, permet de repérer en amont un produit plus jeune, une équipe prometteuse qui n’a pas encore de financement. Dans ce cas, NextLaw Labs implique sa propre équipe ainsi que des spécialistes fonctionnels et des avocats de Dentons. Ainsi, les start-ups ou les personnes qui ont une idée et souhaitent développer un prototype ou un pilote sur une petite niche peuvent, dans un environnement protégé, avoir accès à un réservoir incroyable de bêta-testeurs spécialisés dans leur domaine d’innovation.

L.T. : Ces bêta-testeurs sont-ils volontaires ou les choisissez-vous ?

"Les avocats qui sont au contact direct des clients sont la première source d’inspiration."


M.B. : Les deux. Des avocats de Dentons, associés ou plus juniors, approchent spontanément NextLaw Labs car ils sont intéressés par un segment de marché, ou ont identifié une idée ou un problème à résoudre. Et il y a les personnes que nous choisissons parce que nous savons qu’elles sont spécialistes et que nous souhaitons les faire dialoguer avec telle ou telle start-up.
Cela marche dans les deux sens. Dès le départ, NextLaw Labs a été ouvert aux besoins des avocats et des clients du cabinet et a favorisé cette interconnexion. Les avocats qui sont au contact direct des clients sont la première source d’inspiration.

L.T. : Comment choisissez-vous les sociétés qui intègrent l’incubateur ? Est-ce en fonction des besoins du cabinet ou d’une étude de marché ?

M.B. : Les deux là encore. D’une part, nous connaissons notre marché, ses besoins et ses manques. Le flux d’information et la remontée des besoins de nos avocats sont en quelque sorte la cristallisation de ces besoins du marché. Mais honnêtement, c’est aussi confortés par l’analyse des grandes tendances que nous observons et sur lesquelles nous travaillons.

L.T. : A court et à moyen terme, qu’est-ce que vous attendez de cette démarche ?

"NextLaw Labs est en quelque sorte le vaisseau amiral d’un processus de changement plus général."


M.B. : NextLaw Labs est en quelque sorte le vaisseau amiral d’un processus de changement plus général. Il évite que l’innovation reste un concept un peu abstrait dont nos avocats et clients entendent parler dans les médias ou les conférences ! Grâce à cette démarche, nous avons l’occasion de nous confronter aux problèmes ou opportunités que nous offrent les technologies, les changements de législations dans certains pays… On se donne si nécessaire la possibilité de partir d’une page blanche. Pour les professionnels de l’innovation comme moi, c’est déjà une formidable opportunité mais pour des avocats qui, sont plutôt dans la routine de leurs dossiers, c’est très intéressant. Cela permet de prendre concrètement conscience que leur métier est en train de changer, qu’ils en sont des acteurs clés et que nous pouvons et devons intervenir.

L.T. : Est-ce qu’il y a d’autres cabinets qui ont entrepris une démarche comme la vôtre ?

M.B. : De manière aussi délibérée, aussi autonome et structurée, je ne pense pas. J’ai entendu parler de certains autres cabinets qui commencent à structurer des départements innovation. Bien sûr, certains cabinets approchent ou sont approchés par des partenaires pour innover sur certains segments. Mais lancer un véhicule porteur d’une vision à 360°, pour regarder aussi bien du côté des start-ups ou des idées qui sont en germe, aller travailler avec des sociétés plus matures ou des SSII, avec des grandes entreprises comme IBM, je ne crois pas. Il y a des initiatives intéressantes en Angleterre mais le contexte législatif est différent avec la libéralisation des services juridiques.

L.T. : Est-ce que NextLaw Labs va commercialiser les produits qu’il développe ?

M.B. : NextLaw Labs est une filiale de Dentons, mais c’est une entité indépendante. NextLaw Labs a accès à ce réservoir de bêta-testeurs issu du cabinet et à leurs retours sur les cas d’usage, les fonctionnalités, voire l’ergonomie des produits. Mais si un produit de NextLaw Labs fonctionne pour Dentons, pourquoi se priver de le tester puis de le lancer sur le marché ?
Je pense que cela va être un avantage compétitif intéressant pour les avocats de Dentons d’être les premiers et donc pilotes sur certains produits. Que NextLaw Labs puisse développer et affiner encore ces produits ne peut être que bénéfique.

L.T. : Dentons est devenu adhérent personne morale de l’association Open Law, pourquoi ?

"Aller dans la direction d’Open Law est un moyen d’outsourcer, d’externaliser une partie de la recherche et développement."


M.B. : Certains sujets de R&D ne sont pas encore prêts pour une exploration ou exploitation commerciale. Aller dans la direction d’Open Law est un moyen d’outsourcer, d’externaliser une partie de la recherche et développement car pour l’instant nous sommes en phase d’apprentissage sur les problématiques d’open data.
Traditionnellement les cabinets exploitent leurs données propriétaires, celles des logiciels de facturation ou de relation-client par exemple, et les données achetées aux éditeurs. Aujourd’hui, Open Law nous enseigne que les cabinets doivent apprendre à gérer et à intégrer dans leur stratégie de données une troisième catégorie, les données ouvertes, qui va continuer à grossir. Un type de données supplémentaire, dans un environnement plus soucieux que jamais de la protection des informations client ! Plutôt que de se retrouver sous la vague, les spécialistes data, sécurité, innovation de Dentons anticipent pour se donner les moyens de surfer dessus lorsqu’elle arrivera.

Sans surprise, l’open data fait partie des éléments de la stratégie de recherche et développement de cette année sur lesquels je communique ouvertement, l’autre étant la blockchain. J’espère de cette démarche d’open innovation qu’elle permette de faire bouger les lignes. Dentons ne fera pas évoluer les standards de l’industrie vers le haut tout seul. L’échange est essentiel, et à cet égard nous recevons tout autant que nous donnons dans le cadre d’Open Law.
Nous avons donc un regard croisé sur l’innovation : d’une part la recherche ouverte, avec un horizon plus lointain sur des technologies et pratiques en devenir, comme dans le cadre d’Open Law, et d’autre part NextLaw Labs pour l’ingénierie des technologies à notre disposition aujourd’hui. Cette approche nous permet de nous positionner de façon durable. Je suis sûre que ce qu’Open Law nous enseigne aujourd’hui nous permettra de faire des choses intéressantes et commercialement valorisables dans 2 ou 3 ans.
A ce moment-là, NextLaw Labs sera au premier plan.

Propos recueillis par Laurine Tavitian Rédaction du Village de la Justice

[1ROSS Intelligence Inc. est une start-up concentrant son activité sur le développement d’une application de conseil juridique utilisant la technologie IBM Watson. Cette application rationalise la recherche juridique, et assure un gain de temps et d’argent aux avocats et à leurs clients. Grâce à la technologie Watson qui dispose d’un système cognitif et d’analyse du langage, les avocats posent une question orale à ROSS, qui analyse ensuite les données légales, rassemble les éléments pertinents et fait des déductions avant de présenter une réponse argumentée.

[2Apperio est une start-up spécialisée dans la technologie juridique visant à améliorer la gestion des dossiers par les avocats. Il s’agit de la seconde société que NexLaw Labs intègre à son portefeuille.
La plateforme Apperio est un tableau de bord utilisant « Smart Analytics » et fournissant aux cabinets d’avocats et à leurs clients une transparence totale quant au calcul des honoraires. Ce tableau de bord, simple et intuitif, permet à chaque utilisateur de bénéficier d’une vue d’ensemble et de construire une relation avocat/client forte tout en proposant les outils nécessaires à une communication optimale entre les partenaires.

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