Village de la Justice www.village-justice.com

Les think tanks juridiques, une autre façon de porter l’innovation.
Parution : mercredi 1er mars 2023
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Les-think-tanks-juridiques-une,18054.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Innover, faire bouger les lignes et les pensées tels sont les maîtres mots des Think tanks juridiques qui petit à petit investissent l’espace public français. Nous vous proposons ici un tour d’horizon sur ces cercles de réflexion spécifiques au droit, sur leur rôle et leur influence sur la politique publique. Suivez-nous...

Article mis à jour régulièrement par la Rédaction du Village de la Justice.

Les Think tanks, littéralement "réservoirs d’idées", nous viennent des Etats-Unis où ils se sont développés durant l’entre deux guerres.
Malgré une réelle tradition de clubs et de groupes d’intellectuels, la France ne semblait pas être ou alors de façon extrêmement marginale, une terre d’accueil pour ces cercles de réflexion acteurs de la Démocratie.
Progressivement, ces groupes de réflexion se développent en France comme en Europe et depuis 2012, ils font l’objet d’une attention accrue de la part des dirigeants car sont des forces de proposition et d’innovation.
Le monde du droit est dans cette tendance.

Définition du cercle de réflexion.

Il est délicat de donner une définition précise de ces "laboratoires d’idées" tant ils peuvent prendre des formes différentes. Le législateur en donne la définition suivante : « Le laboratoire (de réflexion) est un groupe plus ou moins formel dont les membres interviennent dans les débats publics sur les grands problèmes économiques et de la société, parallèlement aux travaux effectués par les administrations publiques. » [1]

Plus précisément, les Think tanks sont des organismes politiquement indépendants composés le plus souvent d’experts dont l’objectif est de fournir des solutions de politiques publiques innovantes.
Ils réalisent des recherches dans une perspective à long terme et émettent des avis et des expertises. Ils agissent pour le bien commun, l’intérêt général.

En France comme en Europe, la distinction entre Think tanks et lobbies est ténue, car il n’existe pas encore de statut légal pour les cercles de réflexion, contrairement aux Etats-Unis, où le système d’imposition est clair et oblige ces structures de réflexion à se positionner selon qu’elles possèdent des buts non lucratifs ou qu’elles désirent se réserver la possibilité de réaliser des bénéfices [2]. En France actuellement, il est donc délicat, voire impossible, de faire la distinction entre groupe de réflexion et groupe de pression, d’où l’importance de prendre des mesures pour encadrer l’ensemble de ces groupes qui se professionnalisent de plus en plus.
Ces lieux d’expertise peuvent avoir des domaines spécifiques d’intervention comme par exemple l’environnement, l’agriculture, l’éducation, le domaine juridique...

Preuve de l’importance que prend le phénomène des cercles de réflexion, il existe un Observatoire des Think tanks.
Ce dernier créé en 2006, a pour vocation d’étudier l’écosystème des ces organisations tant au niveau national qu’ européen et à diffuser de façon ouverte la connaissance ainsi acquise.
Chaque année l’Observatoire propose une selection de Trophées des Think tanks.

Les cercles de réflexion dans le monde du droit.

"Les Think tanks juridiques ont pour idée maîtresse l’innovation et l’évolution."

Les groupes de réflexion investissent progressivement le monde du Droit. Ils agissent soit au niveau d’une profession, soit au niveau du Droit, mais tous ont pour maître mot l’innovation et l’évolution.

Attention, là aussi, la distinction entre cercle de réflexion, oeuvrant pour l’intérêt général, et les lobbies, oeuvrant pour des intérêts particuliers dans un but lucratif, est parfois difficile à appréhender.
Qu’en est-il par exemple du Think tank du droit immobilier de la FNAIM du Grand Paris ? Groupe de réflexion portant sur le droit immobilier, ou lobby pour les agences immobilières ? Autre exemple, celui du Comité Jurem, les Juristes en Marche qui est le think tank juridique de référence associé au mouvement politique de La République En Marche (LREM).

Voici quelques exemples de Think tank juridiques :

Le Cercle Montesquieu.

Créé en 1993, le Cercle Montesquieu est devenu aujourd’hui l’un des premiers lieux de réflexion et d’influence sur la fonction de directeur juridique dans l’entreprise et sur ses aspects managériaux. 
Ses principales missions sont de :
- promouvoir le directeur juridique et sa fonction,
- favoriser les échanges professionnels et amicaux entre directeurs juridiques,
- être reconnu comme un interlocuteur de référence du droit en entreprise,
- contribuer à la formation des directeurs juridiques de demain.
De très hauts magistrats, de grands bâtonniers, la Chancellerie contactent maintenant les responsables du Cercle pour leur demander de participer à des réflexions, de discuter des évolutions et réformes possibles.

Le Club d’Iéna.

Créé en 2015, le Club d’Iéna a pour objet de promouvoir, dans le débat public, une approche juridique des questions politiques et sociales.
Ce groupe de pensée réunit pour des conférences et des débats des experts du monde juridique et des acteurs de terrain et formule des propositions concrètes de réforme et d’action.
Son fondateur est Louis Vogel, professeur de droit à l’université Panthéon-Assas et avocat.

Il s’appuie également sur un conseil scientifique composé de personnalités du monde juridique.

Le Club des juristes.

Créé en 2007, le Club des juristes est un lieu indépendant de débats et de propositions juridiques. Il réunit autour du droit des professionnels d’horizons divers. Magistrats, avocats et notaires, professeurs et représentants d’entreprises, mènent ensemble une réflexion prospective autour de problèmes juridiques.
Ses objectifs :
- encourager le débat juridique et innover,
- renforcer la place du droit dans le débat public et améliorer la compréhension des questions juridiques par tous.

Ses modalités d’action :
- par des commissions permanentes travaillent tout au long de l’année sur des thème et émettent des rapport d’étude dans lesquels le club émmet des recommandations,
- par des tables-rondes,
- par une présence dans la presse généraliste ou spécialisée.

Le Club des métiers du Droit.

Le Club des Métiers du droit, créé en 2016 a pour objet de favoriser le dialogue et la synergie entre les différents métiers du droit et de mener des réflexions sur leur évolution.
Il a vocation à mener des travaux relatifs à des problématiques juridiques variées, pouvant aboutir à des propositions/rapports.

Ce Club est ouvert à toutes celles et tous ceux qui ont un rapport avec le droit dans leur activité professionnelle. Cela concerne donc des métiers très variés (de policier à commissaire priseur en passant par juge, DRH, notaire…).

Le Comité Jurem.

Le comité a été créé fin 2016 sein d’En Marche ! sous la forme d’un groupe affinitaire au début de la campagne présidentielle.
Le comité rassemble dans une entreprise de réflexion de fond l’ensemble des membres de la communauté des juristes désireux d’œuvrer à l’entreprise de rénovation de la Justice portée par le Gouvernement et la majorité parlementaire.
Il suit les différents projets de réforme en lien avec le Droit. Il vise à promouvoir ces réformes, mais également à identifier les points susceptibles de poser difficulté, afin de prévenir ces dernières en proposant des solutions concrètes, dans une démarche fondamentalement constructive.
Le comité Jurem organise également des réunions publiques ouvertes à tous. Il fait le lien entre les pouvoirs publics cabinets ministériels, parlementaires etc. et les membres des professions juridiques intéressés à la modernisation du droit et de la justice.
Le comité Jurem pourrait à moyen terme prendre la forme d’une association affiliée au mouvement LREM, afin de souligner son souhait de contribuer à l’élan collectif de celui-ci, tout en bénéficiant d’une grande liberté d’organisation et de débat [3]

Droit et Croissance.

Créé en 2012, le think tank Droit et Croissance se définit comme est un laboratoire de recherche indépendant ayant pour ambition de favoriser la croissance en France par une meilleure efficacité du droit sur le plan économique.

Partant du double constat que la règle de droit est un levier de croissance tandis que le cloisonnement en France entre droit et économie nuit à la qualité de la norme, un groupe d’avocats d’affaires a décidé de s’associer et de s’entourer de jeunes chercheurs en droit et en économie afin de raisonner autrement et de s’interroger sur les effets comportementaux et les dynamiques incitatives (ou non) de la loi en matière de création de richesse en France.
Droit et Croissance s’est beaucoup investis dans le droit des faillites.

Droit et Démocratie

Créée en 1966 par le Bâtonnier Thorp, l’Association Droit et Démocratie, a pour ambition de rassembler des juristes de toutes origines, magistrats, avocats, hauts fonctionnaires, universitaires ou acteurs de la vie économique, en faveur de la défense des libertés et des progrès de la démocratie sur tous les plans.
L’association organise 2 et 4 fois par an des colloques ouverts à tous sur des sujets de société ayant un enjeu juridique. Ces colloques sont filmés et accessibles sur le site Droit et Démocratie

La Fondation pour le droit continental

Créé en 2007, la Fondation pour le droit continental est un organisme privé reconnu d’intérêt général ; elle est le résultat d’un partenariat entre les pouvoirs publics, les professions juridiques et de grandes entreprises internationales.
Elle a pour but de contribuer au rayonnement et à l’influence internationale de la tradition juridique et judiciaire continentale.

L’Incubateur du barreau de Paris.

Ce Think tank est dédié à l’innovation juridique. Le barreau de Paris a mis en place cette structure qui a pour objectif « de réfléchir à l’avenir du marché des services juridiques et de repérer et accompagner les initiatives innovantes. » On y réflechit par exemple à l’apport du big data ou de l’intelligence artificielle dans l’exercice du Droit.
Des réunions participatives sur le sujet de l’innovation juridique sont organisées régulièrement.

L’Institut Aristoclès.

L’institut Aristoclès est une structure de réflexion, de recherche et de débat indépendante et non partisane. Elle regroupe des personnalités issues des mondes juridique, économique et plus largement universitaire.
L’institut débat sur l’évolution de la philosophie et la théorie du droit, sur leurs domaines d’application et leurs différentes modalités d’exercice mais aussi de l’action économique et de ses différents leviers.
Il donne accès à des publications, des études et des vidéos sur des thèmes tels que par exemple "Sécuriser la société française en repensant la peine" ; "L’efficacité des politiques de l’emploi"...

L’Institut sur l’évolution des professions juridiques.

L’institut a été créé en 2010 à l’initiative de la Chambre nationale des huissiers de justice. C’est une structure de réflexion et de 
recherche non partisane, permettant de réunir des personnalités issues des mondes 
politique, économique, juridique et universitaire et de contribuer au débat sur l’évolution 
de la Justice et de ses acteurs.
l’IEPJ travaille à l’élaboration de rapports et de recommandations soumis aux pouvoirs publics afin de contribuer au débat sur l’évolution de la Justice dans ses dimensions nationale, européenne et internationale.

Le Lab UJA.

Créé en mars 2019 par l’Union des Jeunes Avocats de Paris, le think tank réunit la jeune génération des professionnels du droit. Lors de petits-déjeuners, les membres de ce jeune cercle de réflexion échangent autour de thèmes de société.
Le Lab UJA est un lieu de rencontres et d’échanges privilégiés entre jeunes avocats, magistrats, notaires, huissiers de justice, commissaires-priseurs judiciaires, experts-comptables… L’occasion de créer des synergies entre ces professions.

Planète social.

Créé en 2010, Planète social est un cercle de réflexion et un laboratoire d’idées en droit social.

L’Observatoire de la Justice pénale.

l’Observatoire de la Justice pénale a été fondé en février 2016 par Robin Binsard. Ce groupe de réflexion regroupe des étudiants, des avocats et des enseignants de tous horizons.
L’objectif étant de replacer les questions pénales au cœur du débat public, avec un regard neuf, novateur, dénué de toute considération partisane.
L’observatoire s’intéresse tant aux réformes législatives en cours, aux questions (l’insertion de l’état d’urgence dans le droit commun) et aux grands procès qui occupent l’actualité ainsi qu’aux débats de fond (le travail des détenus, la sociologie carcérale, la pénalisation croissante de notre société, la défense des terroristes, le statut du procureur de la République, l’influence de la morale et de l’opinion publique dans les affaires judiciaires).
Il propose régulièrement des pistes et des suggestions de changement : la création d’un Code de l’exécution des peines, la suppression du juge d’instruction, l’instauration d’un vrai statut du travail en prison etc. [4]

La Société de législation comparée.

Association reconnue d’utilité publique, fondée en 1869, la Société de législation comparée (SLC) regroupe des universitaires, magistrats, avocats, notaires et juristes d’entreprises, français et étrangers.
Membre d’une unité de recherche en droit comparé du C.N.R.S. et dotée du statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies, du Bureau international du Travail et du Conseil de l’Europe, elle possède un réseau important de correspondants, tant institutionnels que particuliers, à l’étranger comme en France.

Elle organise des colloques internationaux en France et à l’étranger, sur des sujets d’actualité.
Avec le Centre français de droit comparé et l’Institut de droit comparé de Paris, elle participe au fonctionnement d’une bibliothèque de droit comparé.

Tous Droits Devant

Tous Droits Devant a été lancé en novembre 2017 lors du Grenelle du Droit [5] Ce mouvement est destiné à réunir la famille du droit et œuvrer pour la filière juridique. Il fera des propositions concrètes auprès du Gouvernement (actuel et ceux à venir).
Tous Droits Devant souhaite être le groupe de réflexion de la filière juridique unifiée.

Le Think tank du droit immobilier FNAIM du Grand Paris.

Créé en septembre 2014, ce think tank en droit immobilier entend être le porte parole des professionnels du droit immobilier. Il rassemble une vingtaine d’experts qui privilégient une approche plus efficace du droit immobilier qui se trouve pénalisé par une inflation des textes législatifs.

Le Think tank Emerize

Le think tank Emerize est un groupe de réflexion rassemblant les professions règlementées du chiffre et du droit.
Les réflexion de ce groupe portent à la fois sur le développement de pratiques interprofessionnelles, mais aussi les évolutions et innovations en matière de management, de croissance, de gestion de crise ou d’optimisation organisationnelle et financière.

Le think-tanks Les Moulins

Le think tank Les Moulins est un groupe de réflexion dédié à la profession comptable. Le thème général de la réflexion au sein du think tank est "La profession comptable dans 10 ans".
Par le biais de réflexions et de débats, Les Moulins a pour ambition de proposer des idées originales, et de publier des études et des réflexions.

Women In Restructuring (WIR)

Créé en 2018, ce think tank féminin et lieu d’échanges a pour objectif de rassembler les professionnelles du redressement des entreprises en difficultés.
Association indépendante qui vise à développer des relations amicales avec les autres associations du restructuring à l’international et en France.
- Objectif : créer un espace de partage et d’échanges autour des bonnes pratiques du restructuring en France et à l’international.
- Valeurs : compétence, éthique et bienveillance.

Ces groupes de réflexions juridiques ont un rôle important à jouer dans la conception des politiques publiques, ils sont forces de propositions innovantes pour les pouvoirs publics. Ils sont consultés et leur avis comptent. Tel est le cas par exemple du Cercle Montesquieu qui a été invité à se prononcer sur le projet de réforme de la justice commerciale à l’occasion de la consultation ouverte par la Chancellerie [6].

Cependant pour asseoir la portée et utiliser au mieux les innovations ainsi proposées par ces cercles de réflexions, il faudrait que les autorités administratives et politiques les consultent systématiquement avant tout projet de réforme. De plus, pour être crédibles et ne pas être confondus avec les lobbies, ces cercles de réflexion se doivent d’avoir un statut juridique spécifiques et sans ambiguïté possible.

L’ innovation du monde du droit par une réflexion commune est en pleine évolution, y participez-vous ?

Lire aussi à ce sujet :

- Les commentaires ci-après liés à cet article.
- L’ article du Portail de l’ intelligence économique.
- L’ ouvrage "L’Etat innovant : renforcer les Think tanks". [7]

- Les rapports de Transparency International France,
- L’article Les Think-tanks juridiques servent-ils à quelque chose ?

Marie Depay, Rédaction du Village de la Justice.

[1Source Journal Officiel du 14/08/1998.

[3Propos recueillis auprès d’Alexandre Humbert Dupalais, co-animateur du comité Jurem.

[4Informations recueillies auprès d’Amaury Bousquet de Stadieu, essayiste, vice-président de l’Observatoire de la Justice pénale.

[5Lire à ce sujet l’article des Affiches Parisiennes.

[7"L’Etat innovant : renforcer les Think tanks" de Kevin Broobes et Benjamin le Pendeven par Fondapol.

Comentaires: