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Un PU-PH qui se trouve dans l’impossibilité d’exercer la médecine peut-il continuer à enseigner dans le cadre de son activité universitaire ? Par Adrien Souet, Avocat.
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Parution : mardi 1er avril 2025
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Les Professeurs des Université-Praticiens Hospitaliers, communément appelés PU-PH, sont des ovnis juridiques dans la mesure où ils appartiennent à la fois au corps universitaire et au corps hospitalier.
Ce statut mixte, qui combine le statut applicable aux professeurs des universités et celui applicable aux médecins praticiens hospitaliers, peut engendrer des difficultés, notamment lorsque le PU-PH se trouve dans l’impossibilité d’exercer l’une ou l’autre de ses activités (ex : inaptitude physique, interdiction judiciaire ou ordinale d’exercer la médecine etc).
Dans ces conditions, il convient de s’interroger sur la possibilité, pour un PU-PH, d’exercer ses fonctions universitaires lorsqu’il se trouve dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions médicales.
Or, au nom du principe d’exercice conjoint des fonctions hospitalières et universitaires (I), le juge administratif a répondu par la négative (II).
Pour rappel, le statut des PU-PH est encadré par les dispositions du décret n° 2021-1645 en date du 13 décembre 2021 relatif au personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires.
L’article 1er dudit décret prévoit ce qui suit :
« Dans les centres hospitaliers et universitaires, les fonctions universitaires et hospitalières sont exercées conjointement et à temps plein par :
1° Des agents titulaires groupés en deux corps classés dans la catégorie A prévue à l’article 13 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée :
a) Le corps des maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers ;
b) Le corps des professeurs des universités-praticiens hospitaliers ;
2° Les praticiens hospitaliers universitaires qui exercent leurs fonctions à titre temporaire ;
3° Des agents non titulaires :
a) Les chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux dans les disciplines médicales cliniques et odontologiques ;
b) Les assistants hospitaliers universitaires dans les disciplines médicales biologiques et mixtes et dans les disciplines pharmaceutiques.
(…) ».
Par ailleurs, l’article 4 du décret précité prévoit :
« Les membres du personnel enseignant et hospitalier mentionnés à l’article 1er assurent conjointement des fonctions d’enseignement pour la formation initiale et continue, des fonctions de recherche et des fonctions hospitalières, dans le respect des dispositions concernant l’exercice de la médecine, de la pharmacie et de la chirurgie dentaire (…) ».
Ce décret n° 2021-1645 en date du 13 décembre 2021 a abrogé un précédent décret n°84-135 en date du 24 février 1984 qui prévoyait également que les fonctions universitaires et hospitalières étaient exercées conjointement.
Enfin, il sera rappelé que les dispositions de l’article L952-21 du Code de l’éducation, qui ont notamment été reproduites à l’article L6151-1 du Code de la santé publique, prévoient :
« Les membres du personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires créés en application de l’article L6142-3 du Code de la santé publique, cité à l’article L713-5 du présent code, exercent conjointement les fonctions universitaire et hospitalière. L’accès à leur double fonction est assuré par un recrutement commun (…) ».
Ce principe d’exercice conjoint des fonctions hospitalières et universitaires, qui découle du statut hybride des PU-PH, constitue un élément central dans ces dispositions textuelles et conditionne les règles applicables à l’exercice des fonctions des PU-PH.
Au nom du principe de l’exercice conjoint, le juge administratif a explicitement considéré qu’un PU-PH, qui se trouve dans l’impossibilité d’exercer la médecine, ne peut poursuivre l’exercice de ses fonctions universitaires.
Plus précisément, le juge administratif a déjà été amené à se prononcer sur les conséquences de cet exercice conjoint en retenant que « l’activité universitaire et l’activité hospitalière des professeurs des universités-praticiens hospitaliers sont indissociables ».
A titre d’exemple, dans le cadre d’un contentieux portant sur l’aptitude d’un PU-PH, le juge administratif a posé le principe selon lequel la déclaration d’inaptitude d’un PU-PH pour ses activités hospitalières s’appliquait automatiquement aux fonctions universitaires et que son congé de maladie devait donc être rémunéré sur la base de ses deux activités [1] :
« 10. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’activité universitaire et l’activité hospitalière des professeurs des universités-praticiens hospitaliers sont indissociables ; que, par suite, l’incapacité constatée d’accomplir l’une ou l’autre de ces activités doit entraîner le placement en congé de longue maladie pour l’ensemble des fonctions dévolues à ces personnels, y compris l’activité libérale que le professeur des universités-praticien hospitalier concerné a pu être autorisé à pratiquer de façon annexe à son activité hospitalière, sans que l’intéressé puisse prétendre à ce que les effets de ce placement soient limités aux seules fonctions pour lesquelles l’incapacité d’exercer a été constatée ; qu’ainsi le Tribunal administratif de Lyon n’a pas commis d’erreur de droit en se fondant sur le caractère indissociable des fonctions hospitalières et universitaires d’un professeur des universités-praticien hospitalier pour écarter le moyen tiré de ce que les ministres auraient commis une erreur de droit et une erreur d’appréciation en plaçant M. D... en congé de longue maladie pour l’ensemble de ses fonctions alors que les avis médicaux n’attestaient que d’une incapacité à remplir ses fonctions opératoires ».
Dit autrement, au nom de l’exercice conjoint et du caractère indissociable des fonctions universitaires et hospitalières, le juge administratif a considéré qu’une inaptitude constatée pour les activités hospitalières s’étendait également aux fonctions universitaires.
Par ailleurs, dans le cadre d’un contentieux portant sur la suspension conservatoire d’un PU-PH, le juge administratif a retenu, au nom du caractère indissociable des fonctions universitaires et hospitalières, que la suspension affectant l’une des fonctions s’étendait également à toutes les fonctions exercées par le PU-PH [2] :
« 3. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L952-21 du Code de l’éducation, dont les dispositions sont reproduites à l’article L6151-1 du Code de la santé publique : "Les membres du personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires créés en application de l’article L6142-3 du Code de la santé publique, cité à l’article L713-5 du présent code, exercent conjointement les fonctions universitaire et hospitalière. L’accès à leur double fonction est assuré par un recrutement commun (...)" ; qu’il résulte de ces dispositions que l’activité universitaire et l’activité hospitalière des professeurs des universités-praticiens hospitaliers sont indissociables ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait, en raison de ce qu’elle prononce une mesure de suspension qui n’est pas limitée à l’activité universitaire du requérant, entachée d’erreur de droit ne peut qu’être écarté ».
Enfin, le juge administratif a adopté le même raisonnement s’agissant d’un PU-PH ayant fait l’objet d’une interdiction disciplinaire d’exercer la médecine [3] :
« que par une décision en date du 19 mai 1994 la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins a prononcé à l’encontre de M. X... la peine d’interdiction du droit d’exercer la médecine pour une durée de six mois ; que cette sanction a pris effet le 1er janvier 1995 et a fait obstacle à ce qu’à cette date, M. X... reprenne ses fonctions hospitalières et par suite, ses fonctions universitaires de professeur des universités-praticien hospitalier qui, en vertu de l’article 1er du décret susvisé du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, "sont exercées conjointement" et sont indissociables ; qu’ainsi, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministre délégué à la santé, qui étaient tenus de placer M. X... dans une situation régulière, ont pu, par l’acte attaqué, sans méconnaître les dispositions réglementaires sus rappelées régissant la position de disponibilité des professeurs des universités-praticiens hospitaliers, décider de le maintenir, à l’expiration de la période de disponibilité pour convenances personnelles, en disponibilité d’office pour une période de six mois, en raison de l’impossibilité où il se trouvait d’exercer l’ensemble de ses fonctions de professeur des universités-praticien hospitalier et par suite rejeter sa demande de réintégration dans son emploi ».
Si le juge administratif ne s’est jamais prononcé sur la situation d’un PU-PH faisant l’objet d’une interdiction judiciaire d’exercer la médecine (prononcée par le juge pénal), nous pouvons considérer par analogie que le juge administratif adoptera la même position.
Dans ces conditions, l’impossibilité d’exercer la médecine pour un PU-PH peut rapidement placer l’administration dans une impasse : pour l’établissement de santé au titre des activités hospitalières mais également pour l’université au titre des enseignements dispensés.
C’est d’autant plus vrai que l’article R6152-62 alinéa 2 du Code de la santé publique prévoit ce qui suit :
« Les praticiens hospitaliers faisant l’objet d’une interdiction temporaire d’exercer la profession de médecin, de pharmacien ou de donner des soins aux assurés sociaux sont placés en disponibilité d’office pendant toute la durée de cette interdiction ».
Dit autrement, en cas d’interdiction d’exercer la médecine, l’administration se trouve en situation de compétence liée et elle doit prononcer le placement du praticien en disponibilité d’office, étant précisé que cette disponibilité devra être prononcée conjointement :
[1] CE 6 mars 2015, n° 368186.
[2] CE, 19 décembre 2018, n°416887.
[3] CE, 30 décembre 1996, n°164992.
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