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Le reclassement du salarié inapte : obligations de l’employeur et risques juridiques. Par Noémie Le Bouard, Avocat.
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Parution : mercredi 18 décembre 2024
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Le reclassement du salarié inapte est une problématique récurrente en droit du travail. Ce processus soulève des enjeux importants pour l’employeur, notamment au regard des délais et de la bonne foi dans l’exécution des obligations légales. Une gestion inappropriée peut conduire à des litiges lourds de conséquences, comme l’a récemment illustré une affaire portée devant la Cour de cassation [1].
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur se trouve face à deux choix :
Ces obligations découlent des articles L1226-2 et L1226-10 du Code du travail, qui précisent que le reclassement doit être effectué dans un délai d’un mois après la déclaration d’inaptitude. En l’absence de solution, l’employeur doit reprendre le paiement du salaire du salarié.
L’article L1222-1 du Code du travail impose l’exécution de bonne foi du contrat. Cet impératif s’applique particulièrement en cas d’inaptitude, où l’employeur doit démontrer une démarche proactive et transparente dans la recherche de reclassement [2].
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation en décembre 2024, l’employeur a tardé à entreprendre les démarches de reclassement, laissant le salarié dans une situation d’inactivité forcée pendant plusieurs mois. Bien que le salaire ait été repris, cette inaction a été perçue comme un manquement à l’obligation de bonne foi.
Il est important de noter que le Code du travail n’impose pas un délai strict pour finaliser le reclassement, mais uniquement pour initier les démarches. Cependant, une prolongation injustifiée peut être interprétée comme une violation de l’article L1222-1 [3].
Le salarié peut, face à une inaction prolongée, demander une résiliation judiciaire de son contrat. La jurisprudence reconnaît cette possibilité lorsque l’inactivité est le résultat d’une négligence ou d’un abus de l’employeur [4].
Le non-respect des délais, bien qu’il ne soit pas explicitement sanctionné, peut constituer une faute si :
Dans l’affaire précitée, l’employeur avait attendu plusieurs mois avant de consulter les filiales du groupe pour des solutions de reclassement, ce qui a contribué à une condamnation partielle.
Laisser un salarié sans perspective, même avec le paiement du salaire, est perçu comme un manquement grave. Cela empêche le salarié de se projeter dans son avenir professionnel et peut justifier une résiliation judiciaire [5].
Dans cette affaire, la Cour de cassation a rappelé que :
La cour a ainsi censuré la décision de la cour d’appel, estimant que le maintien du salarié dans une situation d’inactivité forcée constituait une faute [6].
Les décisions récentes montrent une volonté de protéger davantage les salariés contre les abus liés à l’inaptitude. Les employeurs doivent donc agir avec diligence et respecter les procédures pour éviter des sanctions lourdes.
Pour limiter les risques juridiques, il est recommandé aux employeurs de :
Le reclassement des salariés inaptes est une obligation légale et morale pour l’employeur. Bien que le Code du travail ne fixe pas de délai pour finaliser la procédure, toute négligence ou inaction prolongée peut être considérée comme un manquement à l’exécution de bonne foi du contrat. Les enseignements jurisprudentiels récents renforcent cette exigence, appelant les employeurs à une gestion proactive et diligente de ces situations sensibles.
Face à ces enjeux, il est essentiel pour les entreprises de mettre en place des procédures internes adaptées et de recourir à un conseil juridique spécialisé pour éviter des contentieux coûteux et préjudiciables à leur image.
Noémie Le Bouard, Avocat Barreau de Versailles Le Bouard Avocats https://www.lebouard-avocats.fr https://www.avocats-lebouard.fr/[1] Cass. Soc., 4 déc. 2024, n°22-22.917.
[2] Cass. Soc., 25 févr. 1992, n°89-41.634.
[3] Cass. Soc., 10 mai 2006, n°04-41.880.
[4] Cass. Soc., 23 sept. 1992, n°90-44.466.
[5] Cass. Soc., 31 mars 2016, n°14-19.711.
[6] Cass. Soc., 4 déc. 2024, n°22-22.917.
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