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[Notification d’une décision administrative] Pli avisé non réclamé : attention au délai de retrait. Par Camille Dire, Avocat.
Parution : mercredi 18 septembre 2024
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En matière administrative, le justiciable doit prendre toutes dispositions utiles pour faire suivre son courrier ou le faire recevoir par un mandataire en cas d’absence : un recommandé non réclamé sera considéré comme reçu à la date de la mention "absent, avisé" porté par La Poste.

Aux termes de l’article R421-1 du Code de justice administrative

« Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée » [1].

1/ L’obligation mise à la charge de l’Administration.

La preuve de la date de la publication ou de la notification d’un acte incombe à l’administration [2].

« Considérant qu’il incombe à l’Administration, lorsqu’elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l’action introduite devant un tribunal administratif, d’établir que l’intéressé a régulièrement reçu notification de la décision le concernant ; qu’en cas de retour à l’administration du pli contenant la décision, cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l’enveloppe, soit, à défaut, d’une attestation de l’administration postale ou d’autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, d’un avis d’instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste » [3].

S’agissant de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR) : cette méthode garantit la remise de la décision à son destinataire et procure une preuve de la notification grâce à l’avis de réception retourné à l’expéditeur [4].

Encore faut-il que l’Administration justifie que le destinataire a bien été avisé par le service postal de la mise en instance dudit pli, dans les conditions prévues à l’article R1-1-6 du Code des postes et des communications électroniques aux termes duquel :

« Lorsque la distribution d’un envoi postal recommandé relevant du service universel est impossible, le destinataire est avisé que l’objet est conservé en instance pendant quinze jours calendaires. À l’expiration de ce délai, l’envoi postal est renvoyé à l’expéditeur lorsque celui-ci est identifiable ».

Si l’avis de réception comporte la date de présentation du pli recommandé, le tampon de réexpédition à l’envoyeur et l’indication « non réclamé - retour à l’envoyeur », sans que l’Administration ne justifie que le destinataire ait été avisé par le service postal de la mise en instance dudit pli, la présentation du pli recommandé ne pourra être regardée comme ayant fait courir le délai de recours contentieux [5]. Dans ces conditions, le requérant sera fondé à contester la régularité de la notification (qui, rappelons-le, est sans incidence sur la régularité de la décision elle-même).

Toutefois, « Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d’une notification régulière le pli recommandé retourné à l’administration auquel est rattaché un volet "avis de réception" sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l’enveloppe ou l’avis de réception, l’indication du motif pour lequel il n’a pu être remis » [6].

2/ Quelle sera alors la date de notification à prendre en compte lors d’un envoi par courrier ?

Dans l’hypothèse d’une LRAR régulièrement avisée, la date de notification retenue sera celle de la présentation du courrier, même dans le cas où il est refusé par le récipiendaire [7].

En cas d’absence, l’intéressé dispose alors d’un délai de 15 jours calendaires à compter du lendemain du jour du dépôt de l’avis de passage, sauf circonstances exceptionnelles pouvant notamment conduire à un allongement du délai dont le client est informé par tout moyen (article 3.2.8 des Conditions générales de vente applicables aux prestations courrier-colis).

Selon une jurisprudence constante et bien établie, si le courrier est retiré dans ce délai, la date de notification retenue sera alors celle du retrait du pli et non celle de la première présentation [8].

3/ En cas de défaut de retrait dans le délai de 15 jours.

À défaut, pour le destinataire de l’avoir récupéré dans ce délai de quinze jours, le courrier sera renvoyé à son expéditeur.

Dans cette situation, la date de notification retenue est celle du dépôt de l’avis de passage par le service postal lors de la présentation au domicile [9].

Ce dispositif de notification est vu comme un compromis permettant à l’Administration de se prémunir contre les abstentions volontaires de retrait du courrier tout en laissant un délai suffisant et raisonnable aux administrés réellement placés dans une situation d’indisponibilité pour venir récupérer un courrier. Ainsi, le fait de se fonder sur la date de première présentation du pli permet de neutraliser le comportement du demandeur tenté de retarder la remise effective du courrier [10].

Camille Dire, Avocat Barreau de Nice DIRE-Avocat-NICE Droit européen - Droit international Circulation transfrontalière - Schengen Droit administratif - Fonction publique

[1Il existe des délais plus courts pour certaines décisions, faisant l’objet de textes spécifiques

[2CE, 23 sept. 1987, ministre du travail c/ Sté "Ambulances 2000".

[3Cour administrative d’appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 21/03/2011, 10NC01099.

[4CE 15 nov. 2019, ministre de l’Action et des Comptes publics, n° 420509.

[5CAA Nancy n° 10NC01099, précité

[6Conseil d’État, 9ème - 10ème chambres réunies, 15 nov. 2019, 420509

[7CE 10 février 1975, Delle Vivaudou, Lebon 101.

[8CE, 2 mai 1980, Ibazizene ; CE, 14 novembre 2005, Bensalem.

[9CE, 24 avril 2012, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration, n° 341146.

[10Réponse du ministère de la Justice publiée dans le JO Sénat du 1er juillet 2021, page 4103.

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