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De la responsabilité pénale d’un mineur en droit congolais. Par Crispin Luvila N’Tobo et Samy Bwabwa.
Parution : mercredi 6 septembre 2023
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Cet article, traite de la question relative à la responsabilité pénale d’un enfant mineur en droit Congolais, au regard de la loi 09/001 du 10 Janvier 2009 portant protection de l’enfant ; il propose de faire une étude minutieuse et approfondie, autour de cette thématique pour savoir si un mineur peut répondre lui-même pénalement, s’il venait à troubler l’ordre public. Partant de cette analyse minutieuse, et cela sans aucun doute ni l’ombre d’une quelconque hésitation que l’enfant mineur âgé de quatorze à moins de dix-huit ans est responsable pénalement.

Introduction.

Cette problématique va nous conduire, s’agissant de la définition du terme « mineur » à scruter la loi N°87-010 portant Code de la famille telle que modifiée et complétée par la loi N°16/008 du 15 Juillet 2016.

Ainsi pour ce faire, hormis l’introduction et la conclusion, cet article va s’appesantir autour de quatre points.

Considérations générales.

La question relative à la responsabilité pénale d’un enfant mineur en droit Congolais, préoccupe non seulement beaucoup de juristes mais aussi presque tous les hommes de science. Cette question a toujours suscité beaucoup de controverses et des débats très houleux.

L’article 2, point 1 de la loi 09/001 du 10 Janvier 2009 portant protection de l’enfant définit l’enfant comme toute personne âgée de moins de dix-huit ans.

L’article 219 de la loi N°87-010 portant Code de la famille telle modifiée et complétée par la loi N°16/008 du 15 Juillet 2016, dispose : « Le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a pas encore l’âge de dix-huit ans accomplis ».

Certes, en raison de sa vulnérabilité, de son manque de maturité physique, intellectuelle et émotionnelle, l’enfant mineur bénéficie d’une grande protection légale en sa faveur, visant son intérêt supérieur.

C’est de la sorte que beaucoup d’instruments internationaux relatifs à la justice pour mineurs visent la recherche de son bien-être, en lui réservant un traitement approprié. La convention relative aux droits de l’enfant adoptée le 20 Novembre 1989 par l’Assemblée Générale des Nations Unies, dans son préambule rappelle que, dans la déclaration universelle des droits de l’homme, les Nations Unies ont proclamé que l’enfant a droit à une aide et une assistance spéciales.

Les dispositions de l’article 2 point 2 de cette convention relative aux droits de l’enfant stipule :

« les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille ».

A l’analyse profonde littérale de ces dispositions, l’enfant doit effectivement être protégé. Tout système de justice doit concourir à son bien- être. D’où la dénomination de la loi portant protection de l’enfant. Toutes les matières rentrant dans cette loi « portant protection de l’enfant » doivent viser l’intérêt supérieur de l’enfant et concourir à son bien-être.

Dans cette optique, les Etats Africains ont adopté en Juillet 1990, lors de la 26e conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine, la charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant.

Dans son préambule, cette charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant reconnait que l’enfant occupe une place unique et privilégiée dans la société africaine, et que, pour assurer l’épanouissement intégral et harmonieux de sa personnalité, l’enfant devrait grandir dans un milieu familial dans une atmosphère de bonheur, d’amour et de compréhension.

La question majeure dans cet article reste celle de savoir, en dépit de tous les privilèges et avantages consacrés à l’enfant au regard des instruments légaux tant internationaux que nationaux, lorsqu’une loi pénale est violée par celui-ci, s’il peut en répondre pénalement. Quelle est la position du législateur Congolais face à cette préoccupation de taille.

Il présente le cadre légal qui a considéré l’enfant comme sujet passif du droit d’abord avec la loi Nº86/010 du 1er Aout 1987, portant Code de la famille tel que complété en 2016 et enfin, l’enfant est reconnu comme sujet de droit exerçant et jouissant de tous ses droits par la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant Protection de l’Enfant.

De la responsabilité pénale d’un mineur en droit congolais.

Selon l’article 2 alinéa 1er de la loi portant protection de l’Enfant définit l’enfant comme : « …toute personne âgée de moins de dix-huit ans » (Art. 2, Al. 1 CPE, 2009).

Cependant, la loi ne définit pas l’expression « Enfant » Mais elle l’entend sous le vocable « mineur ». Le législateur congolais donne une définition qui considère ou assume le concept « enfant » à celui d’un « mineur » cela est constaté à l’article 3
de la même loi qui dispose : « Au sens du présent décret-loi, le mineur est l’individu n’ayant pas encore atteint l’âge de 18 ans révolus… » (Art. 3, CPE, 2009).

De cet aspect juridique, l’enfant ou mineur est toute personne âgée de moins de 18 ans révolus. Du point de vue juridique, l’enfance ou la minorité est une période de temps qui s’achève à l’âge adulte qui est légalement prévu à 18 ans.

Faisant la combinaison de ces deux concepts « enfant » et « mineur », il sied de préciser qu’est mineur ou enfant au sens de la loi toute personne qui n’a pas encore acquis toutes les qualités nécessaires pour assumer les devoirs et les responsabilités de la vie sociale et juridique.

Aux termes des dispositions pertinentes de l’article 221 alinéa 1 de la loi N°87-010 portant Code de la famille telle que modifiée et complétée par la loi N°16/008 du 15 Juillet 2016 : 

« le mineur est, pour ce qui concerne le gouvernement de sa personne, placé sous l’autorité des personnes qui exercent sur lui l’autorité parentale ou tutélaire ».

L’article 215 de la loi précitée portant Code de la famille énumère trois catégories des incapables à savoir :

Aux vues de ces dispositions ci-haut citées, on se poserait la question de savoir, si le mineur placé sous le régime de l’incapacité, ayant violé une loi pénale ou commis une infraction, peut-il en répondre lui-même ou par le truchement de celui qui exerce sur lui l’autorité parentale ou tutélaire ?

Le système judiciaire pour mineur, malgré sa grande protection par beaucoup d’instruments tant internationaux que nationaux, sera tenu d’analyser les circonstances personnelles ayant influencé la commission d’un manquement (infraction).

Position de la loi 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant.

La loi nº 09/001 du 10 Janvier 2009 portant protection de l’enfant reconnait dans le chef d’un enfant « mineur » sa responsabilité pénale, en la définissant comme l’obligation de répondre de l’infraction commise et de subir la peine prévue par les textes qui le répriment. Elle concerne un fait volontaire ou non volontaire qui trouble l’ordre public sans causer obligatoirement de préjudice, à la différence de la responsabilité civile.

Cette loi, en son article 2 point 9 définit l’enfant en conflit avec la loi, comme l’enfant âgé de quatorze à moins de dix-huit ans qui commet un manquement qualifié d’infraction à la loi pénale.

A l’examen de cet article, le législateur Congolais, au regard des principes fondamentaux visant l’intérêt supérieur de l’enfant dans toute action lui concernant, a justement déterminé une catégorie de mineur appelé « enfant en conflit avec la loi » qui, parce qu’ayant commis un manquement (infraction) est tenu de répondre individuellement de ses actes pénaux, quand bien même bénéficiant de beaucoup de protections. Cet enfant doit être âgé de quatorze à moins de dix-huit ans.

Ainsi, partant de cette analyse minutieuse, il serait loisible à ce stade de dire que le législateur Congolais au vue de la loi 09/001 du 10 Janvier 2009 portant protection de l’enfant, venait de préciser et cela sans aucun doute ni l’ombre d’une quelconque hésitation que l’enfant mineur âgé de quatorze à moins de dix-huit ans est responsable pénalement.

Ainsi pour ce faire, cette même loi 09/001 du 10 Janvier 2009 portant protection de l’enfant à son chapitre III du troisième titre, parle de la procédure devant le tribunal pour enfant en conflit avec la loi. Ce chapitre III parle de la saisine du tribunal pour enfant, des garanties procédurales, des mesures provisoires, de l’instruction de la cause, de la décision, des voies de recours, de la révision, et des sanctions pénales.

Malgré son état de minorité, une fois que l’enfant est âgé de quatorze à moins de dix-huit ans, celui-ci est tenu de répondre individuellement s’il venait de commettre un manquement. Ce mineur en conflit avec la loi doit comparaitre devant le tribunal pour enfant, pour y être entendu de ses faits infractionnels. Si tous les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis, le Juge prononcera une décision de condamnation à l’égard de cet enfant âgé de quatorze à moins de dix-huit ans.

Certes, les conditions d’emprisonnement sont émaillées de beaucoup d’avantages et privilèges.

Ainsi, le législateur Congolais venait de résoudre en partie la question relative à la responsabilité pénale d’un enfant mineur, en ce qu’il précise une catégorie devant répondre pénalement appelée « enfant en conflit avec la loi » c’est-à-dire ayant commis un fait infractionnel appelée manquement.

L’autre question de taille, reste celle de savoir la position du législateur Congolais face à l’enfant mineur âgé de moins de quatorze ans face à sa responsabilité pénale.

Position du droit positif congolais.

Le législateur congolais a rendu le tribunal pour enfants compétent à l’égard des personnes âgées de moins de 18 ans. Cependant, L’enfant âgé de moins de 14 ans bénéficie, en matière pénale, d’une présomption irréfragable d’irresponsabilité. C’est pourquoi, lorsque ce dernier est déféré devant le juge, et qu’il est constaté qu’il a moins de 14 ans, celui-ci le relaxe comme ayant agi sans discernement et ce, sans préjudice de la réparation du dommage causé à la victime.

Certes, aucune loi Congolaise n’a prévu une quelconque sanction pénale pour le mineur âgé de moins de quatorze ans ayant énervé une disposition pénale, si ce n’est qu’au-delà de tout, indemniser la victime par le biais de celui qui a l’obligation de surveillance et de direction sur la personne de ce dernier (mineur).

A cet effet, l’article 260 du Code Civil Congolais Livre III dispose :

« on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l’on a sous sa garde. Le père, et la mère après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par leur enfant, habitant avec eux. Les maîtres et les commettants du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu’ils sont sur leur surveillance. La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que le père et mère, instituteurs et artisans ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ».

A l’analyse de cet article, les parents, tuteurs, instituteurs et artisans doivent obligatoirement répondre du dommage causé par le fait des personnes dont ils ont l’obligation de surveillance et de direction, à moins que ce dernier prouvent qu’ils n’ont pas pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.

La responsabilité du père, mère ou tuteur, en raison du dommage causé par leur enfant mineur habitant avec eux découle de leurs obligations de surveillance et de direction sur la personne de ce dernier, elle repose sur une présomption de faute.

Ici, le législateur Congolais marque ainsi formellement le rattachement de la responsabilité des père, mère ou tuteur à l’idée de faute : la responsabilité découle de leurs obligations de surveillance et de direction sur la personne de l’enfant.

Que concernant, la responsabilité pénale d’un enfant mineur, il est reconnu que dès qu’il y a connaissance des faits portés contre l’enfant, l’officier du ministère public ou l’officier de police judiciaire en informe immédiatement, ou si ce n’est pas possible, dans le plus bref délai, ses parents, son tuteur ou la personne qui exerce sur lui l’autorité parentale (Art. 103).

C’est pourquoi tout enfant suspecté ou accusé d’un fait qualifié d’ être en conflit avec la loi pénale, ce dernier bénéficie, sous peine de nullité de la procédure, notamment des garanties ci-après :

Conclusion.

Le présent article traite de la question relative à la responsabilité pénale d’un enfant mineur en droit Congolais.

Certes, bénéficiant d’une protection particulière au regard des instruments tant internationaux que nationaux, le législateur Congolais, s’agissant de la responsabilité pénale de l’enfant mineur au regard de la loi 09/0010 du 10 Janvier 2009 portant protection de l’enfant, a précisé clairement et cela sans aucun doute ni l’omble d’une quelconque hésitation, que l’enfant appelé « enfant en conflit avec la loi » âgé de quatorze à moins de dix-huit ans est responsable pénalement.

La question relative à la responsabilité pénale des mineurs en droit Congolais semble être résolue partiellement en ce que, seulement le mineur appelé enfant en conflit avec la loi, âgé de quatorze ans à moins de dix-huit ans ayant commis un manquement (infraction) doit subir la rigueur de la loi pénale quoique bien sur cette sanction (pénale) sera émaillée de beaucoup de considérations visant l’intérêt supérieur de l’enfant.

Quant au mineur de moins de quatorze ans, la question change de contour et devient directement civile sur la responsabilité de fait d’autrui, reposant sur la présomption de faute de tout celui qui devait être supposé avoir l’obligation de surveillance et de direction sur l’enfant.

Bibliographie.

Crispin Luvila N'Tobo assistant à l'enseignement et Samy Bwabwa Ngindu Chef de travaux Institut Supérieur de Commerce de Lubumbashi (ISC)