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Ne mettez pas votre secret professionnel à la poubelle !
Parution : jeudi 20 juillet 2023
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Une formulation un peu provocatrice il est vrai, en ces temps mouvementés de la protection des secrets juridiques… Mais de quoi aborder une dimension assez peu prise en considération par de nombreuses organisations, quelle que soit leur forme sociale et leur activité : la conciliation du tri des déchets de bureau avec les impératifs de confidentialité. Envisageons quelques bonnes pratiques en la matière !

Article initialement paru dans le Journal du Village de la Justice n°100.

L’image des cabinets d’avocats a longtemps été associée à une utilisation intensive du papier, avec des dossiers imprimés et des copies de documents empilées dans les bureaux, les salles d’attente et autres espaces d’archives. Marqué par un environnement de travail axé sur le papier, les pratiques numériques croissantes et la digitalisation progressive des processus métier, des chaînes judiciaires et de la communication juridictionnelle changent aujourd’hui la donne.

De l’engagement citoyen face aux enjeux climatiques, à la conformité environnementale, en passant par la RSE, il est toujours question d’une gestion responsable de ses déchets. Or celle-ci revêt une dimension particulière pour les professions astreintes à un secret professionnel renforcé. Le recyclage des déchets de bureaux est devenu un objectif important pour prendre un rôle actif dans la construction d’un avenir plus vert et plus durable. La démarche ne se fait évidemment pas sans penser aux enjeux de secret professionnel associés, puisque l’obligation de protection des secrets se prolonge évidemment dans la destruction des données et documents et dans le recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE ou D3E). Voyons comment promouvoir une culture de durabilité et construire un nouveau levier de confiance en la matière.

1. L’objectif : trier en travaillant 🎵

Les cabinets d’avocat manipulent quotidiennement une grande quantité d’informations sensibles et confidentielles. Lorsqu’il est temps de se débarrasser de ces documents, il est crucial de le faire de manière sécurisée pour éviter tout risque de divulgation non autorisée. Cela est particulièrement vrai lors du recyclage des déchets de bureau, car ces documents sont en pratique facilement accessibles à des tiers.

Il est également tout à fait courant désormais que des bacs de recyclage soient installés dans les locaux, que des politiques internes soient mises en place pour sensibiliser à l’importance du recyclage et encourager la réduction de la consommation de papier. Nul doute que les avocats n’hésitent plus, aujourd’hui, à s’emparer, pour leurs propres structures, des piliers du développement durable.
Voyons comment amorcer le changement si ce n’est pas déjà fait.

2. Le préalable : la classification des données et documents confidentiels

Mettre en place un système de tri sélectif pour séparer les différents types de déchets est évidemment l’une des premières étapes pour faciliter le recyclage. Mettons de côté les déchets non-susceptibles de mettre en jeu la confidentialité et concentrons-nous sur la gestion des déchets sensibles. La question arrive alors assez vite… : qu’est-ce qu’un « déchet sensible » pour un cabinet d’avocat ?
Appuyons-nous logiquement et assez simplement sur l’objet de l’obligation de confidentialité des avocats. Elle s’applique à toutes les informations et tous les documents confidentiels échangés avec leurs clients, ainsi qu’aux informations confidentielles relatives à des tiers dont ils pourraient avoir connaissance.

La mise en œuvre d’une gouvernance de l’information au sein des cabinets passe par le recensement et la qualification des informations détenues et créées.
Une démarche nécessaire dans plusieurs cadres : cybersécurité, knowledge management, conformité, destruction des documents, etc. Les données et documents confidentiels doivent être classifiés en fonction de leur « sensibilité » (dans un sens plus large que le RGPD) et de leur criticité, pour le cabinet et/ou chacun de ses clients.
Appliquée aux opérations de tri et de recyclage des déchets de bureau, elle conduit à établir une liste précise des éléments à détruire. Une classification standard distingue quatre niveaux : public / interne / confidentiel / très confidentiel.

3. La méthode : être irrécupérable !

Une fois la classification des données et informations effectuée, il faut appliquer une logique similaire en créant des environnements de recyclage appropriés.
L’idée est de garantir que les informations à protéger ne puissent pas être récupérées une fois les déchets traités.
Trois sujets-clés sont à aborder dans la création des environnements de recyclage appropriés à l’activité des cabinets :

Utilisation de bacs de recyclage sécurisés

L’utilisation de bacs de recyclage spécifiques pour les documents confidentiels et très confidentiels est également recommandée. Superfétatoire ? Rien de moins sûr... Vos poubelles ne sont-elles pas accessibles sur la voie publique ?

Ces bacs doivent être verrouillables et réservés uniquement aux documents et supports nécessitant une protection particulière. Il sera salutaire de placer ces conteneurs dans des zones sécurisées, accessibles uniquement aux personnes autorisées, afin de prévenir toute intrusion ou vol potentiel de documents confidentiels (on évite donc de le placer dans les couloirs, salles d’attente ou autres salles de pause…).

Destruction sécurisée

Les documents et données confidentiels et très confidentiels doivent faire l’objet d’un processus de destruction spécifiques. Il s’agira soit d’une destruction physique à l’aide de broyeurs de papier ou d’autres méthodes approuvées (hachage, incinération).
Les supports physiques tels que les disques durs, les clés USB, et autres vieux CD-Rom et disquettes doivent être détruits de manière irréversible. Il en sera de même de la destruction numérique, à l’aide de méthodes de suppression appropriées(non le « supprimer » + « vider la corbeille » ne suffisent pas !), au besoin avec l’aide de logiciels et/ou appli spécialisés dans la suppression définitive de données.

Contrats avec des prestataires de recyclage certifiés

Pour ne pas avoir à se soucier des aspects logistiques du recyclage, il est possible de conclure des partenariats avec des prestataires de services de recyclage spécialisés. Ces derniers récupèrent les déchets de bureau, les recyclent de manière appropriée et s’assurent que les matériaux sont réutilisés de manière responsable.
Ici comme ailleurs, assurez-vous que l’entreprise dispose des certifications appropriées pour garantir le respect des normes de confidentialité et de recyclage. N’hésitez pas à les interroger sur leurs normes de sécurité et les garanties de confidentialité qu’ils s’engagent à vous apporter.
Sachez enfin que certains de ces partenaires peuvent également vous conseiller sur la stratégie à adopter et vous aider dans le déploiement des mesures appropriées.

4. Je recycle, tu recycles, nous recyclons de manière sécurisée

Du côté de la gouvernance

L’élaboration d’une politique adaptée de destruction et recyclage des informations confidentielles, ainsi que de la mise en œuvre et du suivi des procédures relève de la responsabilité de « l’avocat(e)-patron(ne) ».
Il lui incombe corrélativement de s’assurer que les ressources nécessaires sont allouées pour que chacun ait la capacité de respecter les procédures établies.
Cette politique devra être communiquée à tous les membres du cabinet et être régulièrement révisée et mise à jour pour tenir compte des changements dans les pratiques de recyclage et de protection des données.
La réalisation des audits périodiques pour évaluer l’efficacité des pratiques de recyclage et de confidentialité est indiscutablement un gage d’effectivité pour identifier les éventuels problèmes et prendre des mesures correctives si nécessaire.

Du côté des équipes

Avec ou sans rédaction d’une charte dédiée, la sensibilisation de l’ensemble des équipes est cruciale pour garantir la protection des informations confidentielles lors du recyclage des déchets de bureau. Les cabinets d’avocat doivent donc former régulièrement l’ensemble de leurs membres sur les procédures de recyclage sécurisé et les conséquences potentielles d’une violation de la confidentialité des données.
Chaque membre du cabinet doit être conscient de l’importance de la sécurité des informations et être encouragé à signaler tout incident ou problème lié à la confidentialité.

Informez et sensibilisez vos employés aux pratiques de recyclage appropriées et à la protection des informations sensibles.
Organisez des formations régulières sur ces sujets pour maintenir une culture de confidentialité et de recyclage au sein de votre organisation. De la séance de sensibilisation à la confidentialité des données, au concours de tri sécurisé, en passant par une chasse au trésor des informations sensibles, de nombreux formats sont envisageables pour mettre en place et entretenir une culture du recyclage sécurisé. Je recycle, tu recycles, nous recyclons en conformité avec vos secrets !

A. Dorange Rédaction du Village de la Justice