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L’exercice du droit de rétractation du consommateur postérieur à l’exécution de la prestation. Par Charlène Chevalier, Avocat.
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Parution : vendredi 2 juin 2023
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La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) confirme qu’en cas de conclusion d’un contrat hors établissement, notamment à l’occasion d’un démarchage, le règlement des prestations effectuées par le professionnel n’est pas dû en cas de rétractation du consommateur.
Conformément au Droit communautaire, le Code de la consommation prévoit à son article L221-18 que :
« Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L221-23 à L221-25 ».
Le délai court à compter de la conclusion du contrat, s’agissant des contrats de prestation de services et de la réception du bien pour les contrats de vente.
Dans le cas où les modalités de rétractation n’ont pas été précisées au consommateur au moment de contracter, le délai pour renoncer est prolongé de douze mois [1].
Dans cette hypothèse, des difficultés pratiques apparaissent dans la mesure où l’usage du droit de rétractation est souvent exercé après l’exécution de la prestation.
Quid d’une éventuelle contrepartie due au professionnel au titre du service réalisé ?
La jurisprudence interne a déjà pu prononcer la nullité du contrat de location d’un bien sans indemnité de jouissance pour le professionnel propriétaire, en vertu du défaut d’information relative au droit de rétractation et de bordereau afférent [2].
La CJUE a récemment précisé qu’en l’absence de toute information quant au droit de rétraction, aucune indemnité n’était due par le consommateur lorsqu’il use de cette prérogative postérieurement à l’exécution de la prestation.
En répondant à une question préjudicielle posée par le Tribunal régional d’Essen en Allemagne, la CJUE a en effet confirmé que le consommateur n’était pas tenu de régler la prestation de service, pourtant effectuée en intégralité par le professionnel, considérant qu’il n’avait délivré aucune information sur le droit de rétractation lors de la conclusion du contrat :
« (…) il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 14, paragraphe 4, sous a), i), et paragraphe 5, de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens qu’il exonère un consommateur de toute obligation de payer les prestations fournies en exécution d’un contrat hors établissement, lorsque le professionnel concerné ne lui a pas transmis les informations visées à cet article 14, paragraphe 4, sous a), i), et que ce consommateur a exercé son droit de rétractation après l’exécution de ce contrat (…) » [3].
Si le professionnel avait argué d’un enrichissement sans contrepartie de la part du consommateur, la CJUE a fait prévaloir l’objectif visé par le Droit communautaire d’un « niveau de protection élevé des consommateurs » [4].
Dans les faits, lors d’un démarchage à domicile ou sur le lieu de travail du consommateur, ce dernier est dans une position de faiblesse en ce qu’il
« peut être soumis à une pression psychologique éventuelle ou être confronté à un élément de surprise, qu’il ait ou non sollicité la visite du professionnel » [5].
La décision de la CJUE tend à favoriser la protection du consommateur en responsabilisant le professionnel qui doit assumer les conséquences de l’absence d’information quant au droit de rétractation.
La sévérité de cette décision dissuadera certainement les professionnels de s’affranchir des obligations en matière d’information du consommateur conduisant in fine à l’assainissement des relations entre les entreprises et les particuliers.
Charlène Chevalier Avocat au barreau du Val-de-Marne [->charlenechevalier-avocat.com][1] L221-20 du Code de la consommation.
[2] CA Aix-en-Provence, 16 février 2023, n° 19/01908.
[3] CJUE 17 mai 2023 C-97/22.
[4] Directive 2011/83.
[5] CJUE 17 mai 2023 C-97/22.
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