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Le contrat d’assurance-vie au moment de la succession. Par Pauline Darmigny, Avocat.
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Parution : jeudi 5 décembre 2019
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L’assurance-vie est un outil patrimonial qui s’inscrit dans l’optique d’une transmission d’un capital.
Le souscripteur de ce contrat (l’assuré) conclut un contrat d’assurance-vie au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires, nommément désignés dans le contrat.
Par ce biais, le souscripteur affecte sur ce contrat, des primes placées par l’assureur.
En fin de contrat, l’assureur reverse le capital, plus les intérêts au profit du ou des bénéficiaire(s).
Il est possible de souscrire plusieurs contrats d’assurances-vie, de la même manière qu’il est possible de désigner plusieurs bénéficiaires dans un seul et même contrat.
Les sommes déposées sur ce contrat ne sont pas gelées. Le souscripteur peut exercer, au long de sa vie, la faculté de rachat total ou de rachat partiel.
Le rachat total permet au souscripteur de récupérer la totalité de son apport, alors que le rachat partiel lui permet de récupérer une partie seulement.
Si le souscripteur du contrat d’assurance-vie n’effectue aucun rachat pendant la durée du contrat, une fois que le contrat arrive à son terme, les gains seront totalement exonérés d’impôt sur le revenu.
L’assurance-vie est l’outil patrimonial préféré des Français, dans la mesure où il présente une fiscalité intéressante notamment sur l’exonération des droits de succession.
Le principe en effet est que ce capital ne rentre pas dans l’actif de la succession de son souscripteur.
Il faut bien distinguer entre les primes versées avant et après les 70 ans de l’assuré.
• Pour les primes versées avant les 70 ans de l’assuré.
Si les primes ont été versées avant que l’assuré n’ait atteint l’âge de 70 ans, le bénéficiaire du contrat d’assurance-vie est exonéré de droits de succession pour les primes comprises entre 0 et 152.500 euros.
Pour les primes comprises entre 152.500 et 700.000 euros, l’imposition est de 20%.
Si les primes sont supérieures à 700.000 euros, l’imposition est de 31,25%.
• Pour les primes versées après les 70 ans de l’assuré.
Si les primes ont été versées après que l’assuré ait atteint l’âge de 70 ans, les primes sont exonérées de droits de succession jusqu’à la somme de 30.500 euros.
Pour les primes dépassant la somme de 30.500 euros et concernant les contrats d’assurance-vie souscrits après le 20 novembre 1991, les cotisations payées après les 70 ans de l’assuré sont soumises aux droits de succession, pour la seule partie supérieure à 30.500 euros, selon le degré de parenté entre souscripteur et bénéficiaire(s).
Dans le cadre de la liquidation et du partage de la succession du souscripteur, le principe est que le notaire chargé de la succession n’a pas à être informé de l’existence d’un ou de plusieurs contrats d’assurance-vie, puisque les primes versées et le capital généré est hors succession.
L’article L132-12 du Code des Assurances dispose : « Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l’assuré ».
L’article L132-13 alinéa 1 du même code précise même : « Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant (…) ».
Le principe est qu’en matière de succession, le capital épargné par le défunt souscripteur, n’intègre pas l’actif de sa succession.
Seul le ou les bénéficiaire(s) profitent de ce capital, qui échappe à la succession et aux héritiers du défunt.
C’est la raison pour laquelle on a souvent tendance à dire que l’assurance-vie peut être un moyen de déshériter ses enfants car si le bénéficiaire de l’assurance-vie n’est pas un héritier du défunt souscripteur, le capital épargné profite non pas aux héritiers, mais uniquement au bénéficiaire qui peut être un tiers, parfaitement étranger à la famille.
Le bénéficiaire, est le seul en droit de profiter des sommes versées, même s’il n’a accepté d’en être bénéficiaire, que postérieurement au décès de l’assuré.
En effet, il est possible que le bénéficiaire ignore être bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie. Il ne pourra parfois en être informé qu’après le décès du souscripteur.
S’il n’y a pas de bénéficiaire, le capital épargné et assuré, rentre dans la succession et profite ainsi aux héritiers lesquels vont pouvoir en bénéficier, après avoir payé le cas échéant des droits de succession selon les cas.
Après le décès du souscripteur, le bénéficiaire va devoir déclarer avoir reçu le capital perçu, en remplissant le formulaire 2705-A.
Depuis 2016, les capitaux d’un contrat d’assurance-vie non réclamés après 10 ans, sont déposés par l’assureur à la Caisse des Dépôts qui les conserve pendant 20 ans. Durant cette période, tout bénéficiaire peut encore se manifester.
Afin de savoir si le défunt disposait d’un ou plusieurs contrats d’assurance-vie, le notaire et les héritiers peuvent interroger le fichier FICOVIE.
Si une personne pense être bénéficiaire d’une assurance-vie, elle peut interroger l’Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurances (AGIRA) en lui fournissant le certificat de décès et sa pièce d’identité.
Après réception des documents justificatifs, le délai de versement des fonds est de 30 jours.
Il existe cependant des exceptions au principe d’exclusion de l’assurance-vie de la succession.
1. Les primes sont manifestement exagérées.
L’alinéa 2 de l’article L132-13 du Code des Assurances prévoit que les règles énoncées ne s’appliquent pas lorsque les sommes versées par le contractant à titre de primes, sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur.
En effet, si les primes versées par le souscripteur, au long de sa vie, sont manifestement exagérées par rapport à ses revenus, son patrimoine financier et sa situation, alors dans ce cas, ces primes sont réintégrées à sa succession.
On tient également compte de l’âge de l’assuré au moment du versement des primes.
Le caractère « exagéré » est soumis à l’appréciation du juge.
Si le juge décide que les primes étaient manifestement exagérées, ce sont uniquement les primes qui sont réintégrées à l’actif de la succession et assujetties aux droits de succession et non les intérêts perçus.
L’idée étant que si les primes sont manifestement exagérées par rapport au train de vie et à la situation de fortune du souscripteur, on va considérer en réalité qu’il s’agit de donations.
Or, toute donation doit être rapportée à l’actif de la succession au moment du décès de la personne.
Une prime est jugée exagérée ou excessive si elle conduit à un appauvrissement de l’assuré. Ce caractère exagéré s’apprécie au moment où la prime est versée et non à la date du décès du souscripteur.
Pour obtenir la réintégration des primes à l’actif de la succession, il faut intenter une action en justice en demandant au tribunal de constater le caractère exagéré des primes et demander en conséquence, leur réintégration à l’actif de la succession.
Les sommes réintégrées sont partagées entre les héritiers et sont soumises aux règles du rapport à la succession et de la réduction.
Il existe une autre exception en présence d’époux mariés sous le régime de la communauté légale.
2. Les primes affectées sont des fonds communs
En principe, le notaire chargé du règlement de la succession d’une personne, n’a pas à connaître les contrats d’assurance-vie souscrits par le défunt ni ceux souscrits par le conjoint survivant, au décès de son époux(se).
Néanmoins, il existe une exception si le contrat d’assurance-vie a été alimenté par des fonds communs.
En présence d’époux mariés sous le régime légal de la communauté, la souscription d’un contrat d’assurance-vie est présumée être un bien commun, appartenant aux deux époux à 50/50.
Cela signifie que si le contrat a été alimenté par des fonds communs aux deux époux, au décès du souscripteur, le conjoint survivant bénéficie d’une récompense.
Ainsi, lors de la liquidation de la communauté, la moitié de l’épargne versée sur l’assurance-vie sera attribuée au conjoint survivant (50%) et l’autre moitié devra donc être déclarée à l’actif de la succession (50%).
La seule exception est si le contrat d’assurance-vie avait été alimenté par des fonds propres de l’époux souscripteur, dans ce cas, il échappe à la communauté.
La provenance de fonds propres doit être prouvée par l’existence d’une clause dite de remploi qui aurait été rédigée au moment de la souscription du contrat d’assurance-vie.
De la même manière, si le contrat d’assurance-vie a été souscrit par le conjoint survivant, le capital épargné doit être pris en compte dans la succession de son défunt époux puisqu’il existe une présomption pour les époux mariés sous le régime légal, selon laquelle, le capital a été alimenté au moyen de fonds communs.
Dans ce cas également, au décès de l’époux non-souscripteur, l’assurance-vie souscrite par l’autre (toujours vivant) doit être déclarée à l’actif de la communauté au moment de la liquidation du régime matrimonial précédant la liquidation de la succession.
Cela signifie que dans ce cas, 50% du montant figurant à l’assurance-vie appartient au patrimoine du conjoint survivant, et l’autre moitié est intégrée à l’actif de la succession.
Cette exception ne s’applique pas lorsqu’on se trouve en présence d’un couple marié sous un régime séparatiste ou sous un régime de communauté mais dont le contrat d’assurance-vie aurait été alimenté avec des fonds propres, à charge d’en rapporter la preuve notamment avec la clause de remploi.
Cette exception ne s’applique pas non plus lorsque le bénéficiaire de l’assurance-vie est le conjoint survivant marié sous le régime légal. Dans ce cas, le capital épargné bénéficie en totalité au conjoint survivant.
Pauline DARMIGNY Avocat à la Cour [->https://darmigny-avocat.fr]Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).
Maître,
Vous écrivez : A son échéance, le contrat d’assurance vie n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu.
Ceci est en partie vrai.
Sur option, lors d’un rachat les intérêts sont en effet soumis au barème progressif de l’impôt le revenu.
A défaut, certes les intérêts échappent à cette impôt mais ils sont soumis à un prélèvement fiscal parfois plus important que les tranches basses de cet impôt, non compte tenu des prélèvements sociaux..
Maître,
Vous écrivez : Lors du décès le capital versé par le souscripteur décédé aux moyens de biens communs est réputé être la propriété pour moitié du conjoint survivant.
Ceci me semble faux.
Au décès ce sont les bénéficiaires qui entrent en propriété du capital et des intérêts versés par le souscripteur prédécédé peu importe, qu’’il provienne de biens communs.
Part contre il est vrai qu’au plan civil, la moitié du capital et des intérêts souscrits au nom du conjoint survivant aux moyens de biens communs, s’il n’en est disposé autrement par une clause de réemploi,
est bien rapporté à l’actif successoral du conjoint prédécédé.
Ceci n’est plus vrai au niveau fiscal, car selon la réponse ministérielle CIOT de 2016 parue au BOFIP, la moitié des capitaux et intérêts issus du contrat d’assurance vie souscrit dans ces conditions est exclue de la masse successorale imposable du conjoint prédécédé et ce totalité.
Il convient en conséquence que le Notaire prenne la peine de procéder au rachat de cette part
et de la répartir entre les héritiers réservataires, ou d’établir une Convention de quasi-usufruit, ce qui est RAREMENT le cas concernant les liquidités et placements lors du décès du conjoint prédécédé ;
Comptes bancaires, livret d’épargne, PEL, CEL, PEA, se trouvent à 99% des cas soumis pour la moitié soumis à une double imposition aux droits de succession lors du décès du conjoint survivant !
Maitre,
Dans le cadre du décès de l’un des conjoints marié sous le régime de la communauté légal ayant souscrit son conjoint et lui chacun une assurance vie alimentée / la communauté et qui au jour du décès est d’un montant de 300 000 / personne. Concrètement, en admettant que l’un d’eux au dc du premier décédé, perçoivent 300 000€ d’assurance vie, est ce que les 300 000€ du conjoint survivant seront divisés / 2, une moitié lui revenant et l’autre versée dans l’actif successorale ? Sur la moitié versée dans l’actif successoral, le conjoint survivant est il également héritier d’1/4 ou + selon donation au dernier vivant ou pas ?
Maître,
Vous écrivez que les capitaux issus d’un contrat d assurance vie souscrits et déposés par un assuré ayant moins de 70 ans sont exonérés de droits de succession pour la part revenant aux bénéficiaires d’un montant inférieure à 152.000 euros.
En réalité, le contrat d’assurance vie étant hors part successoral, il ne s’agit en aucun cas de droits de succession mais d’un prélèvement "sui generis", et ceci a son importance, notamment lors de l’application des conventions fiscales internationales qui ne visent le plus souvent que la masse successorale, ce qui exclu donc le capital décès versé lors d’un décès.
En outre, vous précisez qu’au delà de 152.500 euros et jusqu’à un montant de 700.000 euros, un prélèvement de 20% est appliqué.
Sauf erreur de part, c’est bien le montant de 700.000 euros qui est soumis à ce prélèvement et donc, ce prélèvement s’applique jusqu’à un capital souscrit de 152,500 euros plus 700.000 euros, soit un capital de 852.500 euros !
J’aimerais savoir l’intérêt pour le conjoint survivant et pour les héritiers de faire connaître au notaire :
- le contrat d’assurance vie du conjoint décédé
- le contrat d’assurance vie du conjoint survivant
D’après votre article, j’ai cru comprendre que le contrat du conjoint survivant, si régime de la communauté de biens, s’il est déclaré au notaire, son montant sera divisé en 2 et que la moitié du montant sera inclue dans la succession du conjoint décédé et donc la moitié de la moitié sera inclue dans la succession pour les héritiers. Est-ce avantageux pour eux ?
Le conjoint survivant est il imposable de ce fait sur le montant de son propre contrat dans la mesure où une partie sera considéré comme faisant partie de la succession de son conjoint décédé ?
merci pour les éclaircissements.