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Saisie-attribution sur comptes bancaires : quelques rappels utiles inspirés de l’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 7 avril 2016. Par Bernard Rineau, Avocat, et Pauline Girard, Elève Avocat.
Parution : lundi 4 juillet 2016
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Voie privilégiée des procédures civiles d’exécution, la saisie-attribution sur les comptes bancaires permet au créancier, muni d’un titre exécutoire, de saisir entre les mains d’un établissement financier les sommes inscrites sur les comptes ouverts au nom du débiteur.

Classiquement, la saisie-attribution s’accompagne des 3 effets de la procédure de saisie-attribution de droit commun :

Néanmoins, les mouvements de sommes d’argent sur les comptes exigent la mise en œuvre d’une réglementation particulière : le report de l’effet du cantonnement des sommes saisies.

Cela signifie que l’effet d’indisponibilité touche la totalité des sommes identifiées sur les comptes bancaires à l’instant de la saisie et non pas le seul montant de la créance du saisissant.

Dans son arrêt du 7 avril 2016, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation apporte deux précisions.

En premier lieu, la Haute juridiction confirme que le solde d’un compte saisi peut être affecté, au préjudice du créancier saisissant, par la remise d’un chèque à l’encaissement par son bénéficiaire, lequel est en droit d’en exiger le règlement.

Cela est cohérent avec l’article L. 162-1 du Code des procédures civiles d’exécution, lequel dispose :
« Lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, celui-ci est tenu de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur au jour de la saisie (…)
Le solde saisi attribué n’est diminué par ces éventuelles opérations de débit et de crédit que dans la mesure où leur résultat cumulé est négatif et supérieur aux sommes non frappées par la saisie au jour de leur règlement. »

A compter du jour de la saisie, l’établissement bancaire doit procéder à la régularisation des opérations de débit et de crédit déjà en cours avant l’acte de saisie, de sorte que doivent être imputés au solde d’un compte saisi : les remises de chèques, les retraits par billetterie, les paiements par carte (pendant une période de quinze jours), ainsi que les effets du commerce (pendant un mois).

Au terme de la période de régularisation, la banque arrête le solde définitif du compte saisi et informe le créancier de la somme qui lui sera transmise en vue de le désintéresser : soit l’intégralité de sa créance, soit une somme provisionnelle (article L 131-37 du Code monétaire et financier).

En second lieu, la Cour de cassation explicite la lettre de l’article R 162-1 du Code des procédures civiles d’exécution en ce qui concerne la diminution des sommes rendues indisponibles.

Au cours du délai de quinze jours (ou un mois), les opérations en débit et en crédit sont imputées sur les sommes non frappées par la saisie et, à titre subsidiaire, sur celles rendues indisponibles par celle-ci.

Au terme de cette période, et lorsque les opérations sont venues diminuer les sommes saisies, l’établissement bancaire se trouve contraint de dresser un relevé détaillé des opérations précitées.

Ce relevé des opérations doit être communiqué par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au créancier saisissant, au plus tard, dans un délai de huit jours à l’issue du délai de contre-passation des écritures.

Au titre de sa qualité de tiers saisi, la banque est tenue à un devoir d’information, ce qui l’oblige à justifier du bien-fondé des opérations imputées sur le(s) comptes(s) bancaires depuis le jour de la saisie inclusivement.

S’il omet d’adresser le relevé des opérations au créancier saisissant ou bien s’il lui fournit des informations inexactes, le tiers saisi commet une faute (Civ. 2ème, 13 février 2003, n°01-00543).

En application de l’article 1382 du Code civil, cette négligence fautive est sanctionnée par une condamnation à verser des dommages et intérêts, sous réserve de la démonstration par le saisissant d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice (Civ. 2ème, 20 décembre 2001, n°00-12798 ; Civ. 2ème, 6 mai 2004, n°02-15348).

Dans l’espèce soumise aux sages du quai de l’horloge, la demande du créancier saisissant aux fins de condamnation au paiement des causes de la saisie ne pouvait pas prospérer : en effet, une telle sanction est prévue par des dispositions légales particulières réservées à l’hypothèse d’un défaut de délivrance des renseignements du tiers saisi (un silence ou un refus) [2].

Par son arrêt du 7 avril 2016, la Cour de cassation confirme que le défaut d’établissement et de communication du relevé des opérations ne permet pas de substituer l’établissement bancaire au débiteur pour le règlement de la dette.

Un tel résultat supposerait une modification législative.

Bernard RINEAU, Avocat Associé chez RINEAU & Associés Pauline GIRARD, Élève Avocat http://www.rineauassocies.com

[1L’attribution immédiate opère un transfert de propriété de la créance saisie du débiteur au créancie

[2La condamnation aux causes de la saisie rendrait la banque débitrice, au lieu et place du débiteur saisi.

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