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Exercice du droit : petit rappel concernant les champs de compétence (2).
Parution : jeudi 13 juin 2013
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Après avoir évoqué la représentation et l’assistance en Justice lors de notre précédent billet, voici la seconde partie de notre dossier sur l’exercice du droit consacré à la consultation juridique et à la rédaction d’acte sous seing privé.

Le conseil juridique est-il exclusivement réservé à l’avocat ?
Est-il le seul à pouvoir rédiger des actes juridiques ?

Nous allons répondre à ces questions en présentant ces activités, leurs champs d’application et enfin vous présenter quelles sont les personnes habilitées à les exercer.

Seconde partie : l’activité de conseil

Cette activité de conseil juridique regroupe la consultation en matière juridique et la rédaction d’actes sous seing privé.
L’article 54 de la loi de 1971 [1] affirme que « nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui  ».
Il définit clairement les éléments qui caractérisent le délit d’exercice illégal de la profession d’avocat.

Il s’agit :
-  de pratiquer une activité juridique en faisant des consultations juridiques ou en rédigeant des actes sous seing prive pour autrui ;
-  de façon régulière et onéreuse ;
-  par des personnes ne justifiant pas d’une autorisation de la loi ou dépassant les limites de cette autorisation.

La pratique d’une activité juridique

1- La consultation juridique

Il n’existe aucune définition de la consultation juridique au sein des textes législatifs. Toutefois, à diverses reprises, cette notion a fait l’objet de réflexions [2] .

Il apparaît clairement que la consultation juridique nécessite un apport intellectuel de celui qui fournit ce service. La personne, physique ou morale, fait donc fonctionner sa matière grise afin de donner un avis personnel concernant une question juridique. Elle recommande une ou des solutions en fonction du problème qui lui a été posé. Le bénéficiaire de ces conseils sera ainsi orienté dans sa prise de décision.

L’article 66-1 de la loi de 1971 dispose que la diffusion d’informations juridique à caractère documentaire est libre.
Il s’agit donc d’informer sur l’état du droit positif et de la jurisprudence sans effectuer un travail de réflexion qui permettrait de dégager laquelle de ces informations serait la plus pertinente pour répondre à une question donnée.

2- La rédaction d’acte sous seing privé pour autrui

Tout comme la consultation juridique, la rédaction d’acte juridique sous seing privé pour autrui est réglementée par l’article 54 de la loi de 1971 et n’est pas définie au sein de notre corpus législatif.

Toutefois, une réponse ministérielle du 20 juillet 1992 est venue apporter quelques éclaircissements. Les actes sous seing privé recouvre « les actes unilatéraux et les contrats, non revêtus de la forme authentique, rédigés pour autrui et créateurs de droits ou d’obligations ».

Qu’en est-il des modèles ou lettres-types ?
La Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 15 mars 1999 [3] qu’ils échappaient à la qualification d’acte sous seing privé.

Quid des actes à finalité informative ?
Pour ce qui est de ces actes telle la rédaction des procès verbaux, la réponse paraît plus délicate. En effet, les procès verbaux sont créateurs de droit (affectation de bénéfices, distribution des dividendes, augmentation du capital, etc.).

L’exercice d’une activité juridique à titre habituel et rémunéré

L’article 54 de la loi met en avant les termes « habituel » et « rémunéré ». Par conséquent, l’exercice d’une activité juridique à titre occasionnel et gratuit ne rentre pas dans le champ d’application de cet article.
Mais il est important de rappeler certains points sur les termes « gratuité » et « occasionnel ».

Si le critère de la gratuité ne pose aucune difficulté quant à son interprétation, il convient de faire attention qu’elle ne se révèle pas fictive. En effet, certains professionnels, réglementés ou non, établissent des factures de leurs prestations qui ne font pas apparaître le prix de la prestation juridique.
Il existe ainsi des exemples controversés à l’image des consultations juridiques téléphoniques offertes par les sociétés de vente de tickets restaurant [4] dont la pratique a été déclarée licite car le salarié paye le même prix, qu’il utilise ou non ce service d’assistance et l’employeur ne subit pas de surcoût relatif à ce service.
Autre exemple : des consultations téléphoniques juridiques et fiscales fournies par une société de domiciliation à ses clients [5]. Il apparaît que ces consultations n’ont pas donné lieu à une rémunération autre que celle fixée par les prestations de domiciliation. Le critère de gratuité a ici bien été retenu.

Quant au caractère occasionnel, la jurisprudence en matière pénale considère que, concernant les infractions d’habitudes, le caractère occasionnel cesse à compter du deuxième acte inclus [6] .

Le professionnel doit être habilité à exercer le droit dans les limites de l’autorisation légale.

Qui peut effectuer des consultations juridiques et/ou rédiger des actes sous seing privé ?

L’alinéa 1 de l’article 54 de la loi 1971 précise que le professionnel du droit doit être titulaire d’au moins d’une licence en droit ou disposer de « compétence juridique approprié ». Il s’agit d’une condition nécessaire mais non suffisante [7] . Le titulaire d’un doctorat en droit ne peut, en se prévalant de cette seule qualité, délivrer des consultations juridiques à titre onéreux [8] .

Par ailleurs et il s’agit là d’une disposition capitale à laquelle beaucoup de personnes ne prêtent pas attention, le premier alinéa de l’article 54 de la loi doit s’interpréter obligatoirement au regard des dispositions de l’alinéa 5 du même article. Cet alinéa énonce que « s’il ne répond en outre aux conditions prévues par les articles suivants du présent chapitre et s’il n’y est autorisé au titre desdits articles et dans les limites qu’ils prévoient ».

Quels sont ces « articles suivants du présent chapitre » ?
Il s’agit des articles 56 à 66 de la loi qui définissent limitativement les personnes habilitées à exercer une activité juridique ainsi que le cadre de leur intervention.

Quelles sont donc les personnes qui possèdent le droit de donner des consultations et de rédiger des actes ?

-  Les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs, les administrateurs judiciaires et les mandataires liquidateurs en respectant le cadre des activités définies par leurs statuts respectifs. (art.56)
-  Les enseignants des disciplines juridiques des établissements privés d’enseignement supérieur reconnus par l’Etat. (art.57)
-  Les juristes d’entreprises mais uniquement pour l’entreprise qui les emploi et en vertu de leur contrat de travail. Ils ne peuvent donc pratiquer ces activités pour d’autres personnes que leur entreprise. Cette autorisation ne s’applique donc pas aux « juristes indépendants » ou aux auto-entrepreneurs qui proposeraient des services juridiques à des particuliers ou à des entreprises.

Attention, il existe de nombreuses autres professions réglementées qui ont l’autorisation pour effectuer des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé. Toutefois, ces pratiques encadrées par les articles 59 et 60 de la loi de 1971 précise que ces consultations peuvent se faire uniquement dans le cadre de l’activité principale du professionnel et que la rédaction d’actes sous seing privé constituent l’accessoire nécessaire de cette activité, c’est le cas de l’expert comptable par exemple. Autrement dit, l’activité principale du professionnel doit être non juridique.
Les professionnels ni réglementés ni agrées ne peuvent en aucun cas délivrer des consultations juridiques ou rédiger des actes juridiques. Ils peuvent uniquement fournir de la documentation juridique ou des actes-types.

La loi énonce les catégories professionnelles qui sont autorisées à pratiquer des consultations juridiques et rédiger des actes juridiques. Il s’agit des :
-  organismes chargés d’une mission de service public (art.61),
-  les associations et fondations reconnues d’utilité publique, des associations agréées de consommateurs, des associations habilitées par la loi à exercer les droits de la partie civile devant la juridiction pénale, etc.. (art.63)

Mais attention, les associations ne peuvent que donner des consultations. Elles ne peuvent pas rédiger des actes juridiques.

En revanche, la rédaction d’actes est ouverte aux syndicats et associations professionnels régis par le Code du travail au profit des personnes dont la défense des intérêts est visée par leurs statuts, sur des questions se rapportant directement à leur objet. (art.64)
Des organisations professionnelles ou interprofessionnelles ainsi que les fédérations et confédérations de sociétés coopératives peuvent rédiger des actes, au profit de ces organisations ou de leurs membres, sur des questions se rapportant directement à l’activité professionnelle considérée. (art.65)

Les organes de presse ou de communication audiovisuelle peuvent offrir à leurs lecteurs ou leurs auditeurs des consultations juridiques si elles ont pour auteur un membre d’une profession réglementée (art.66).

Attention, l’article 55 de la loi impose à toute personne autorisée à donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé :
-  d’être couverte par une assurance souscrite personnellement ou collectivement et garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle qu’elle peut encourir au titre de ces activités ;
-  de justifier d’une garantie financière, qui ne peut résulter que d’un engagement de caution pris par une entreprise d’assurance régie par le Code des assurances ou par un établissement de crédit habilités à cet effet, spécialement affectée au remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus à ces occasions ;
-  de respecter le secret professionnel conformément aux dispositions des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal et s’interdire d’intervenir si elle a un intérêt direct ou indirect à l’objet de la prestation fournie.

Qu’encourez vous en cas d’exercice illicite du droit ?

L’article 72 de la loi fixe une amende de 4 500 euros (9 000 euros en cas de récidive) et d’une peine d’emprisonnement de six mois ou de l’une de ces deux peines seulement, pour quiconque aura exercé une ou plusieurs des activités réservées aux avocats alors qu’il ne bénéficie pas des autorisations nécessaires à l’exercice de cette activité.

L’escroquerie ou tentative d’escroquerie sont des qualifications qui peuvent être envisagées en raison de l’usage d’une fausse qualité. L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende, ce qui représente une sanction bien plus répressive que celle fixée par l’article 72 de la loi de 1971.

Réginald Le Plénier _ Rédaction du Village de la Justice

[1Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques

[2Il existe une réponse ministérielle du 28 mai 1992 ; de la jurisprudence : TGI Auxerre 3 janvier 1995, SA Accor – Thierry – Ordre des avocats de la Cour d’appel de Dijon ; CA Versailles 11 septembre 2008, n°07/03343, SARL ECS/ SARL Florence Morgan ; CA Lyon, 5 octobre 2010, n°09/05190, Ordre de Lyon c. Sarl Juris Consulting

[3Cass Civ 1ère, 15 mars 1999, n°96-21.415

[4CA Paris, 20 septembre 1996, n°95/6070, SA Accor c/ Thierry – Ordre des avocats de la Cour d’appel de Dijon.

[5CA Paris, 20 juin 1996, n°96-01612

[6Cass. crim., 19 mars 2008, n° 07-85.054

[7Cass.crim, 19 mars 2003, n°02-85.014 et réponse ministérielle en date du 23 novembre 2006

[8Réponse ministérielle en date du 7 septembre 2006

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