Article extrait du Journal du Village de la Justice n°101.
Au sommaire notamment de ce numéro 101, "Les risques psychosociaux au sein des cabinets d’avocat, ChatGPT et autres intelligences artificielles génératives, le coaching pour avocats, les nouveaux outils de l’amiable judiciaire..."
Selon une enquête, 85% des cabinets d’avocats subissent un taux de stress élevé. Un avocat sur quatre déclare arriver « assez souvent » ou « très souvent » au cabinet « la boule au ventre » et 64 % des collaborateurs pleurent au moins une fois par an [1].
Selon une enquête initiée en 2017 par la commission Égalité et Diversité de l’ACE, les avocats pensent majoritairement que leur profession les expose particulièrement aux troubles de la santé (« beaucoup » 37% ; « assez » 47%).
Des chiffres suffisamment évocateurs et préoccupants pour que nous continuions à vous proposer des articles sur le sujet.
À lire sur le sujet : Gestion du stress chez les avocats : on en parle ?
Pour prendre de la hauteur et raisonner de la manière la plus objective possible, la rédaction du Journal du Village de la Justice s’est tournée vers Cyril Rival, diplômé en psychologie clinique et psychopathologie de l’adulte et expert en sciences comportementales et cognitives.
L’objectif de l’auteur : explorer en détail ces risques psychosociaux auxquels les avocat(e)s sont particulièrement exposés, analyser les causes profondes de ces problèmes et envisager à la fois des mesures préventives et des stratégies d’intervention pouvant être mises en place pour préserver la santé mentale des avocats, la vôtre, celle de vos confrères et consœurs, celle de vos collaborateurs(trices).
L’idée-clé : en sensibilisant, en fournissant un soutien psychologique adéquat, en équilibrant la charge de travail et en promouvant une culture de bien-être, les cabinets d’avocat créeront un environnement professionnel plus sain pour la santé mentale de leurs collaborateurs.
Avec une approche didactique (de quoi parle-t-on ? / que faut-il faire ?), l’article aborde 4 principaux sujets.
1. Le stress chronique.
Le stress chronique se caractérise par une exposition prolongée à des niveaux élevés de stress, sans période adéquate de récupération.
Ce stress chronique dans les cabinets d’avocat est souvent alimenté par des facteurs organisationnels tels que des charges de travail excessives, des horaires de travail intenses et des cultures d’entreprise qui encouragent la compétition et l’acharnement.
Ce stress chronique a bien entendu un impact significatif sur la santé psychique (détresse émotionnelle constante, anxiété accrue, irritabilité, diminution de la concentration, baisse de la satisfaction professionnelle, sentiment d’impuissance, etc.) et physique (variété de symptômes tels que : maux de tête fréquents, troubles digestifs, importante fatigabilité, problèmes de sommeil, affaiblissement du système immunitaire) des avocats.
Il est donc crucial de reconnaître l’impact néfaste du stress chronique et de prendre des mesures pour le gérer de manière optimale. Les cabinets doivent s’efforcer de créer des environnements de travail favorables à la réduction du stress.
Cela peut passer par :
- la répartition équitable de la charge de travail ;
- la gestion efficace des délais ;
- la promotion d’une communication ouverte et de soutien entre les membres de l’équipe.
Les avocats doivent également être encouragés à prendre soin d’eux-mêmes en recherchant des activités de bien-être en dehors du travail, en pratiquant des techniques de gestion du stress (activités sportives, limites claires entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle).
2. L’épuisement professionnel.
Également connu sous le nom de burn-out, l’épuisement professionnel se caractérise par un abattement physique, émotionnel et mental qui survient après une exposition prolongée à des niveaux élevés de stress professionnel. Il se manifeste notamment par un sentiment de cynisme et de détachement vis-à-vis du travail, ainsi qu’une diminution de l’accomplissement professionnel.
Les facteurs d’épuisement sont nombreux.
Ils sont liés à :
- la charge de travail :
- heures supplémentaires fréquentes,
- délais serrés,
- pression constante pour obtenir des résultats rapides et précis ;
- la nature même du travail, psychiquement épuisante :
- situations complexes et conflictuelles,
- grandes difficultés et enjeux des clients,
- implication cognitive et émotionnelle intense.
La reconnaissance de l’épuisement professionnel en tant que problème réel et la mise en place de mesures appropriées sont essentielles pour préserver la santé mentale et le bien-être :
- prévenir et former, par exemple avec une sensibilisation aux signes précurseurs de l’épuisement professionnel, la promotion de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et la création d’un environnement de travail favorable à la santé mentale ;
- Soutenir, par exemple avec la mise en place de programmes de soutien psychologique, la possibilité de prendre des congés (sans sentiment de culpabilité) et des pauses régulières pour se ressourcer, etc.
3. Les troubles mentaux.
La dépression est l’un des troubles mentaux les plus courants observés chez les avocats [2]. Mais elle n’est pas la seule. Anxiété et addictions sont également répandues.
Ici encore, c’est en mettant l’accent sur la prévention, l’éducation et le soutien que l’on peut construire un environnement sécurisant et respectueux de la santé mentale. Il pourra par exemple s’agir de faciliter l’accès à des programmes de soutien psychologique et collaborer avec des professionnels de la santé mentale pour offrir des services de conseil et de thérapie adaptés aux besoins spécifiques des avocats.
4. La culture toxique.
La culture toxique qui peut exister au sein de certains cabinets d’avocat est un problème sérieux qui ne peut être ignoré. La presse en fait d’ailleurs état de plus en plus souvent.
Cette culture peut se manifester par des comportements nuisibles tels que l’intimidation, le harcèlement, le sexisme, la compétition excessive, la discrimination et la pression constante pour obtenir des résultats à tout prix. Ces comportements toxiques ont un impact extrêmement néfaste sur l’équilibre psychologique, l’estime de soi et le bien-être général des avocats.
La première étape pour éliminer la culture toxique est la sensibilisation et la reconnaissance de l’existence même de ces comportements toxiques et de leurs effets néfastes.
Ensuite, c’est la mise en place de politiques et de procédures claires pour signaler et traiter les comportements toxiques qui permettront de mettre un terme aux situations à risque.
La formation et le développement professionnel sont aussi des éléments-clés pour changer les choses : il est assez certain qu’un manager qui n’a pas été formé à la psychologie rencontrera des difficultés à comprendre les besoins de ses collaborateurs, à communiquer efficacement sur les dossiers clients et les directives à suivre, à donner des feedbacks constructifs et à repérer puis résoudre d’éventuels conflits.
Accédez à l’article de Cyril Rival dans le Journal du Village de la Justice n°101 ici (accès libre et intégral) :