Plaidoyer pour une constitutionnalisation de la sécurité nationale.

Par Alexis Deprau, Elève-avocat.

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Révision constitutionnelle et sécurité nationale : et si Emmanuel Macron allait à la rencontre de Georges Vedel ?

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Le professeur Georges Vedel, ou doyen Georges Vedel a présidé le comité consultatif pour la révision de la Constitution en décembre 1992, ce comité devant donc proposer des pistes de réflexion pour modifier la Constitution française.

Avec l’actuelle proposition de révision constitutionnelle ayant pour objet de réformer les institutions, il est intéressant d’imaginer la rencontre entre le Président de la République Emmanuel Macron, et le doyen Georges Vedel.

L’actualité du terrorisme et la création du Centre national du contre-terrorisme (CNCT), ainsi que l’évolution tant législative que réglementaire ont amené à repenser le cadre institutionnel en matière de défense, afin de prendre en compte la sécurité nationale, que le doyen Georges Vedel avait déjà préconisé, et qui a depuis gagné en puissance.


- "Monsieur le Professeur. J’ai lu avec attention vos propositions sur la révision de la Constitution. Pourquoi souhaiteriez-vous une révision constitutionnelle sur le sujet de la sécurité nationale ?"
- "Monsieur le Président, l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation de la défense nationale était liée à un contexte, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, et en pleine guerre froide. La défense nationale a perdu tout son sens avec la chute du Mur de Berlin. Aujourd’hui la défense a évolué, pour devenir partie intégrante de la sécurité nationale, comme cela a pu être observé avec les Livre blanc sur la défense, devenus les Livres blanc sur la défense et la sécurité nationale, en 2008 et 2013."
- "Et votre proposition sur la sécurité nationale n’a pourtant pas été prise en compte en 1992. Pour quelle raison préconisez-vous toujours cette modification ?"
- "En 1992, mais aussi en 2007, avec la commission Balladur, le souci avait été de clarifier les notions de compétence entre le Président et le Premier ministre en intégrant la notion de sécurité nationale, cela en faveur du premier, et en modifiant donc les articles 15 et 21 de la Constitution. Pourtant, en 1994, l’évolution des risques et menaces liés à la sécurité nationale a bien été prise en compte, en inscrivant à l’article 410-1 du Code pénal la protection des intérêts fondamentaux de la Nation."
- "Votre souhait était donc de participer à un rééquilibrage ?"
- "Tout à fait. Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de 2007 avait, comme notre comité en 1992, proposé de clarifier cette situation de répartition des compétences, en faveur du Président de la République."
- "Cette proposition est-elle donc seulement liée au rééquilibrage entre le chef de l’Etat et le Premier ministre ?"
- "Ce rééquilibrage se voudrait être une harmonisation des dispositions constitutionnelles, d’autant plus avec cette nouvelle architecture liée à la prise en compte de la sécurité nationale. Ici, le Président de la République serait donc le pilier de cette stratégie de sécurité nationale, et non plus seulement de la défense nationale. Cet élément a été intégré en 2008-2009 avec : le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le changement du Conseil de défense en Conseil de défense et de sécurité nationale, ou encore l’institution d’un coordonnateur national du renseignement, ces deux autorités étant placées sous votre autorité. Au demeurant, vous avez vous-même intégré cette idée en instituant un Centre national du contre-terrorisme, toujours placé sous votre autorité, et lié au Conseil national du renseignement."
- "Pensez-vous réellement qu’il soit nécessaire de modifier la Constitution pour y intégrer la notion de sécurité nationale ?"
- "Cette nécessité s’explique par l’histoire de notre Ve République, où le chef de l’Etat effectue un pilotage du renseignement, que ce soit avec le CNCT, le CNR, les ordres de mission donnés à la Direction générale de la sécurité extérieure, ou encore la nomination des directeurs des services de renseignement. Ce pilotage par le Président de la République s’explique logiquement par le suffrage qui légitime l’autorité élue. C’est la raison pour laquelle, en matière de sécurité nationale, le Président des Etats-Unis a un fort pouvoir en la matière, mais aussi le Premier ministre au Royaume-Uni."
- "La pratique présidentielle n’est-elle pas suffisante ?"
- "Elle l’a été. Il est néanmoins important de procéder à de telles modifications dans un souci d’harmonisation, et d’efficacité. En procédant à une telle révision en faveur du Président de la République, vous facilitez la chaîne de commandement, ce qui pourrait mettre un terme à la « balkanisation » des structures administratives, comme pour le renseignement avec la lutte contre le terrorisme ou contre la criminalité organisée, l’aspect cybersécurité ou encore les différentes tentatives d’espionnage industriel qui ne rentrent pas dans le cadre de la défense nationale."
- "Mais ce rééquilibrage entre le chef de l’Etat et le Premier ministre ne serait-elle pas vue comme une forte mise à l’écart de ce dernier ?"
- "Non, si le chef de l’Etat détient une compétence de pilotage, le Premier ministre a quant à lui un rôle important de coordination, ce qui s’observe avec les différents instituts sur la défense ou la sécurité et la justice, avec le Groupement interministériel de contrôle où il est l’autorité avalisant ou non les interceptions de sécurité, l’Académie du renseignement, mais encore le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Ce Secrétariat a d’ailleurs subi une transformation en 2009, pour y intégrer la sécurité nationale, ce qui n’est pas anodin."

Alexis Deprau,
Docteur en droit, élève-avocat à l’EFB

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