Selon un fameux adage du jurisconsulte Loysel, « qui fait l’enfant doit le nourrir ».
Cette vision de la parenté pose aujourd’hui problème en ce que le père n’a pas les mêmes droits que la mère avec la notion de l’action en recherche de paternité, ou « paternité imposée » [1].
Il est en effet commun qu’un homme se fasse imposer la responsabilité d’être père par la justice, et se voir ordonné de subvenir aux besoins de l’enfant. Il s’agit souvent d’une mesure injuste, en ce que la femme dispose de plusieurs possibilités pour refuser son lien de maternité avec l’enfant conçu : par exemple par une interruption volontaire de grossesse [2], ou encore par un accouchement sous X [3]. La conception de l’enfant peut être contre la volonté du père, parfois même à son insu.
Si le père se voit son lien filiation juridiquement imposé avec son enfant, il doit alors en assumer toutes les conséquences. Il devra subvenir à l’entretien et à l’éducation de l’enfant par une pension alimentaire [4], ce motif financier étant souvent une motivation pour la mère pour exiger une paternité, imposée. De plus, d’un point de vue successoral, cet enfant sera son héritier au même titre que les autres enfants du père. Le père peut obtenir, s’il le souhaite, un droit de voir l’enfant et de l’héberger ; néanmoins, il ne s’agit pas d’une obligation.
La paternité imposée au père dépend très souvent d’un test ADN qui doit être ordonné par le juge [5]. Du principe de l’inviolabilité du corps humain, il est possible au père de refuser ce test de paternité. Néanmoins, ce refus est risqué, puisque le juge peut tirer toutes les conséquences de celui-ci. Sans motif légitime, la Cour de cassation a pu en déduire que le refus pourrait constituer un « aveu de paternité », si les circonstances semblent pointer en ce sens [6]. Néanmoins, en l’absence de telles circonstances, le refus de se soumettre à un test ADN n’est pas, à lui seul, suffisant pour démontrer le lien de paternité [7].
La question des dommages et intérêts pour le père.
Si le père se voit forcé de reconnaître l’enfant, la question autour de la responsabilité civile concernant le comportement potentiellement fautif de la mère a pu se poser devant la Justice. En effet, est-ce que le père pourrait se voir octroyer des dommages et intérêts si la mère mentait sur sa fertilité ou sa prise de contraceptifs ?
Il est difficile en France d’obtenir des dommages et intérêts pour un préjudice moral lié au comportement de la mère, le seul cas d’exception étant celui du viol. En effet, le juge ne considère pas que la naissance d’un enfant soit un « préjudice légitime », au sens de l’article 1240 du Code civil sur la responsabilité civile. Selon un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 12 juillet 2007 (n° 06-16.869), par exemple, il incombait aux deux parents de prendre des précautions relatives à la contraception, et la naissance d’un enfant non voulu suite à ce rapport et la recherche en paternité subséquente ne sont pas constitutives d’un préjudice au père.
Néanmoins, le fait de mentir sur sa prise de contraceptifs peut constituer une faute dans le cadre d’un divorce.
En outre, un arrêt de la Cour d’appel de Pau du 16 décembre 2013 a pu reconnaître un préjudice moral au père du fait de la séduction dolosive de la mère : le père qui s’est fait manipuler par la mère avec la conception et la naissance d’un enfant entre eux pour des motifs financiers a pu toucher des dommages et intérêts.
Egalement, une mère qui attend quinze ans pour agir en recherche de paternité tout en ayant caché la paternité au père a pu se voir condamner à payer 1 euro symbolique pour le préjudice moral [8]. Cependant, en ce que l’action en recherche en paternité est un droit de la mère, l’exercice de ce droit, même tardif, ne constitue pas un abus en soi.
Il n’est donc pas courant, mais possible pour les pères de se voir verser des dommages et intérêts pour un préjudice subi du comportement de la mère dans le contexte d’une action en recherche de paternité, même s’il peut être difficile d’apporter la preuve pour ces agissements fautifs.