La médiation représente un pont incontournable pour résoudre les conflits dans un monde en constante évolution. Cet article sur l’amiable est l’occasion de souligner l’œuvre novatrice et déterminante du groupement européen des magistrats pour la médiation (GEMME) pour implanter la médiation en France et en Europe.
L’association a célébré les 20 ans de sa création au Conseil de l’Europe
La médiation a un bel avenir devant elle, j’en suis convaincu.
Actuellement, il y a un décalage entre le son et l’image !
C’est pour cela que le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et le décret n° 2023- 1391 du 29 décembre 2023 généralisent le pouvoir d’injonction dont disposent les juges pour renvoyer les parties devant un médiateur lorsqu’ils estiment que c’est de nature à apporter une meilleure solution au litige.
C’est l’opportunité de l’autodétermination : une liberté créatrice de valeur.
A compter du 1ᵉʳ novembre 2023, devant le tribunal judiciaire, les parties et le juge pourront utiliser deux nouveaux modes de résolution amiable des litiges : l’audience de règlement amiable et la césure du procès.
1- La médiation présente des avantages objectifs.
L’amiable a désormais acquis une place de choix dans l’office du juge.
Il entre dans la mission du juge d’utiliser désormais tous les outils de l’amiable.
C’est un pouvoir et un devoir pour le juge de développer l’amiable.
C’est une façon adaptée et non dégradée de la justice.
L’amiable est dans l’ADN des juges.
L’amiable ne doit pas être un outil de gestion de flux.
C’est 6H au lieu de 6 ans de procédure dans I/3 des cas.
La médiation créée de la valeur et le conflit la détruit.
Rapide, efficace, ouverte, peu chère, innovante et préservatrice de liens, elle devrait s’être déjà imposée comme le principal mode de résolution des litiges.
Or, ce n’est pas le cas.
Plutôt que de s’attacher à détailler une nouvelle fois les qualités intrinsèques de la médiation et à démonter combien elle est parfaitement adaptée aux besoins des entreprises et aux particuliers au XXIème siècle, on préfèrera s’attacher à comprendre les raisons profondes de la relative modestie de son essor dans le règlement des différends qui les opposent.
Certes, les statistiques fiables manquent.
Certes, il a été constaté à quel point le terme même de médiation évoquait des concepts souvent différents, parfois erronés.
Mais cela n’explique pas cet étrange phénomène qui veut que l’instrument le plus adapté ne soit pas le plus choisi.
C’est en réalité du côté de facteurs subjectifs que se trouve peut-être la réponse à la question posée.
Tout d’abord les incertitudes tendant au choix du médiateur et de sa formation.
A qui peut-on confier une telle tâche ?
Qui pourrait réussir ?
Faut-il choisir un médiateur spécialisé ?
Mais comment définir ce qu’est un bon médiateur ?
Comment le trouver, le choisir ?
Comment le rémunérer ?
Et surtout les incertitudes tendant à ses qualités humaines, au delà de son bagage et de ses compétences techniques.
2- Des efforts ont été accomplis.
La mise en place de la nouvelle politique du gouvernement véritable circuit de l’amiable dans les juridictions
Actuellement 1% des affaires judiciaires qui font l’objet d’une médiation.
0% de convention participative.
Le bilan en pratique des juridictions est modeste même s’il y a une évolution favorable depuis le système de l’ordonnance 2 en 1 d’injonction de rencontrer un médiateur.
Donc le circuit amiable dans les juridictions même si cela s’est amélioré est vraiment à construire.
Toutes les initiatives individuelles qui ont été pratiquées dans de nombreuses juridictions s’effondrent quand leur initiateur vont vers d’autres horizons et ne perdurent pas.
Par exemple. Béatrice Brenneur, Présidente de la Chambre sociale à Grenoble qui a ordonné plus de 1 000 médiations et est retombé à O l’année suivante.
Il est vrai que le 1ᵉʳ janvier 2023, il a été obtenu des moyens du garde des sceaux qui commencent à se concrétiser.
Mais comme l’a dit le garde des sceaux à Aix en Provence lors de la première année de sa politique de l’amiable « il faut passer à la vitesse supérieure ».
3- Des pistes de réflexions et d’amélioration.
Il paraît urgent de mettre en place la nouvelle politique du gouvernement véritable circuit de l’amiable dans les juridictions
La décision du Garde des Sceaux de mener une politique active du développement de l’amiable est une chance, un nouveau souffle.
De nouveaux instruments sont nés, d’autres évoluent (ARA , césure).
Au regard de ce nouveau champs des possibles, les juges et avocats devraient pouvoir recourir à l’une des options amiables qui s’offrent à eux.
L’office du Juge.
- Une politique de l’amiable doit être coordonnée.
- Doit être créé à la Chancellerie un service de coordination des politiques de l’amiable
- Ce qui manque c’est une politique publique avec des objectifs et des moyens d’évaluations
- Structurer l’amiable dans les juridictions pour définir le rôle du juge
- Dans chaque juridiction doit être créé dans le COJ, un conseil de juridiction de l’amiable
- Dans chaque juridiction doit être créée dans le COJ, des audiences de médiation doivent être prévues
- Le juge doit être formé à l’amiable
- L’office du juge en médiation doit être clarifié
- L’amiable pour le juge doit être structuré
- Actuellement l’investissement du juge n’est pas compté
Aucune reconnaissance du rôle du juge dans l’amiable - Aucun outil statistique
- Le juge doit être valorisé tenant compte de son investissement dans l’amiable
- Les greffes doivent être associés à l’amiable
- Les grands directeurs de proportionnalité et de loyauté procédurale sont flous en France
- Une partie de mauvaise foi qui refuse de manière dilatoire un accord doit être sanctionnée.
Le rôle de l’avocat dans la médiation.
- L’avocat doit être formé à l’amiable
- Le rôle de l’avocat en médiation doit être clarifié
- Actuellement, la plupart des formations ordinales entendent former des avocats-médiateurs, ce que ne souhaitent pas véritablement les avocats.
- Doit être créée une formation ordinale : une formation initiale et continue « à l’assistance du client en médiation par l’avocat » sur le rôle de l’avocat en médiation
- Doit être créée par le CNB une spécialisation en procédure civile, avec une qualification spécifique au choix soit « dans la résolution des différends, soit « en procédure d’appel »
- Les frais de justice et de la rémunération de l’avocat doivent être réformés sur le modèle allemand, il est plus rémunéré, s’il il y a un accord.
- L’amiable pour l’avocat doit être rémunéré
- Actuellement l’investissement de l’avocat n’est pas compté
- Aucune reconnaissance du rôle de l’avocat dans l’amiable
- Aucun outil statistique
- L’assistance du client par l’avocat en médiation doit être valorisé tenant compte de son investissement dans l’amiable
- Il faut que le modèle économique se développe sinon la médiation ne se développera pas
- Surcoût de la médiation pour les clients et problème de l’accès ou non à l’aide juridictionnelle
- Mauvais ratio temps passé par l’avocat et rémunération
- Difficulté à déterminer les honoraires et à les facturer.
4- Donner confiance dans la justice : un beau challenge pour les juges et les avocats.
L’état de la justice en France fait actuellement l’objet de nombreuses critiques.
Mais face à ce constat, les juges ne désespèrent pas et proposent des solutions en insistant sur le fait que la Justice ne retrouvera sa vocation profonde qu’à la condition d’une complète refondation.
Béatrice Brugère tire la sonnette d’alarme : « la colère monte, le désir de justice est grand mais il n’est pas satisfait ».
Augmenter le budget de la justice ne suffit pas, il faut aussi une vision explique-t-elle dans son essai.
Elle suggère avec lucidité un changement de cap complet, notamment rendre la justice aux citoyens et faire une large place à la médiation et à l’amiable comme un changement de culture positif.
Mettre dans le référentiel des compétences attendues des magistrats et des avocats sont une nécessité impérieuse.
On souhaite à l’amiable de rencontrer le succès qu’elle mérite.
Tout cela ne va pas se faire du jour au lendemain.
<sommaire
Pour autant les besoins sont immenses, il faut aller encore plus loin pour optimiser les moyens par des modes de gestion plus modernes plus efficients par l’assimilation de la révolution numérique et par une réforme des formations indispensable au travail du médiateur pour qu’il se concentre pleinement sur l’activité.
Le but doit être de simplifier, de clarifier et d’harmoniser, sans bouleverser l’organisation, clé de voûte du développement de la médiation.
C’est à cette condition que la justice remplira pleinement sa mission : garantir l’Etat de droit dans une société démocratique et favoriser la paix sociale.
Références.
Loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaire, JORF du 23 décembre 2010.
Décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l’arbitrage, JORF du 14 janvier 2011.
Décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends, JORF du 22 janvier 2012.
Décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 relatif à la résolution amiable des différends, JORF du 30 juillet 2023
Articles Le Village de la Justice :
Décret du 29 juillet 2023 et mise en place de nouveaux dispositifs de règlement amiable. Par Benoit Henry, Avocat.
Le juge de la mise en état de règlement amiable (ARA). Par Benoit Henry, Avocat.
Qu’entend-on par Audience de Règlement Amiable (ARA) ? Par Benoit Henry, Avocat.
La césure : une voie nouvelle impliquant l’intervention du juge. Par Benoit Henry, Avocat.
Qu’entend-on par césure du procès civil ? Par Benoit Henry, Avocat.