1. Les faits et la procédure.
Madame X., la salariée, est engagée en qualité de Chef de projet le 17 janvier 2007. Cinq ans plus tard, elle est licenciée.
Madame X. s’estime victime d’une discrimination liée à son état de grossesse. En conséquence, elle saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir réparation.
Elle obtient gain de cause. Son licenciement est annulé et sa réintégration ordonnée par un jugement en date du 18 septembre 2015.
Ainsi, et comme le prescrit le Code du travail en son Article L1134-4 [2], la salariée dont le licenciement est reconnu comme étant nul par le juge peut prétendre à sa réintégration dans l’entreprise.
Il lui sera alors alloué une indemnité d’éviction, correspondant aux salaires que la salariée aurait dû percevoir, entre la date de son licenciement, et la date de sa réintégration dans l’entreprise.
C’est sur le montant de cette indemnité que le débat va avoir lieu.
2. La position de la Cour d’appel.
Les juges du fond ont estimé que de cette indemnité d’éviction, devait être décomptés les montants des allocations chômage perçues par la salariée. En effet, la Cour d’appel « ordonne que soit déduit du rappel de salaires dû entre la date du licenciement et la date effective de réintégration de la salariée dans l’entreprise, les sommes perçues à titre de revenus de remplacement ».
Madame X. s’est donc pourvue en cassation.
3. La solution posée par la Cour de cassation.
La Cour de cassation va faire droit à la demande de la salarié. En effet, elle casse l’arrêt de Cour d’appel.
Dans l’attendu, au visa de l’alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946 et des Articles L1132-1 et L1132-4 du Code du travail, elle affirme que « tout licenciement prononcé à l’égard d’une salariée en raison de son état de grossesse est nul ».
Par suite, elle tire la conséquence suivante : « la salariée qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période ».
Il semblerait que les juges de la Haute Cour viennent poser une exception à un principe prétorien qui avait cours depuis plusieurs années. En effet, jusqu’alors, il avait été prescrit que soit déduit du montant de l’indemnité le total des allocations de retour à l’emploi perçu par le salarié.
Ce principe avait même été très récemment rappelé dans un arrêt du 16 octobre 2019 [3]. Le salarié reprochait à la Cour d’appel d’avoir adopté une position identique, c’est-à-dire d’avoir estimé que « les revenus de remplacement qu’il [avait] perçus seront déduits de l’indemnité d’éviction due par l’employeur ».
La Cour de cassation n’avait pas suivi le raisonnement du requérant, en retenant que « la cour d’appel a retenu à bon droit que le salarié dont le licenciement est nul en application des Articles L1226-9 et L1226-13 du Code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ».
Le salarié n’avait toutefois pas usé des mêmes arguments que Madame X. En effet, celui-ci avait fait appel à « l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 » qui prévoit une garantie contre l’« atteinte au droit à la protection de la santé ». Et pour cause, il avait été licencié pendant la période de suspension de son arrêt de travail « lequel a été pris en charge au titre de la législation des accidents du travail ».
En l’espèce, la situation est différente.
La Cour de cassation s’est fondée sur « l’alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 » afin d’affirmer « qu’un tel licenciement caractérise une atteinte au principe d’égalité de droits entre l’homme et la femme » visé par ce même article.
La question se pose alors de savoir pourquoi le raisonnement favorable à Madame X. n’a pas été également adopté dans le cas de la méconnaissance de protection contre le licenciement pendant la période de suspension du contrat de travail.
Il demeure que cet arrêt vient poser une exception à un principe pourtant bien ancré, permettant aux salariées licenciées discriminées du fait qu’elles soient enceintes d’obtenir une réparation plus importante.