La 8e édition a, une nouvelle fois, mis en avant les juristes d’entreprise et permis de valoriser et de récompenser les directions juridiques ayant innové dans leurs méthodes de management et leurs outils de communication interne (pour découvrir les lauréats, c’est ici).
Cette année a encore été l’occasion de mesurer à quel point les juristes d’entreprise n’hésitent plus à s’attaquer, en les initiant, à la conception de nouveaux outils, au sein d’équipes pluridisciplinaires travaillant en mode projet. Et si ce positionnement du juriste n’est peut-être pas complètement nouveau, il suppose avec certitude une alliance particulière de savoir-faire et de savoir-être…
Qu’est-ce qu’un projet pour une direction juridique ?
Selon une définition générale, le projet est un ensemble d’activités coordonnées, temporaires, avec des contraintes de coût, de ressources et de temps, dans le but de créer quelque chose d’innovant.
Au regard des réponses que nous avons récoltées, il semblerait que pour une DJ, cela consiste à créer un nouveau produit ou service (ou améliorer l’existant), en travaillant en « mode projet », pour répondre aux besoins de l’entreprise sur trois plans :
- une meilleure disponibilité des équipes juridiques ;
- un souci de conformité/compliance ;
- la sécurisation des pratiques des opérationnels.
Le positionnement du juriste en tant que chef de projet : une nouveauté ?
Le positionnement en tant que chef de projet est-il ou non une nouvelle évolution du rôle des juristes d’entreprise, en plus de celui de business partner ? La réponse des juristes est quasi unanime : oui, c’est quelque chose de nouveau.
Et cela s’expliquerait par quatre raisons principales :
- Une adaptation aux méthodes d’organisation du travail au sein des entreprises : les juristes s’adaptent et, pour une fois, ils feraient comme les autres... ;
- Une sorte de reconnaissance de leur position centrale au sein de l’entreprise : le fait de travailler en transverse renforcerait la bascule vers un autre rôle que celui de fonction support, mais plus que business partner ;
- Le besoin renforcé de conformité, qui, de fait, place le juriste en tant que référent nécessaire des projets ;
- Les juristes ne peuvent plus rester dans leur tour d’ivoire. Ils doivent évoluer pour mieux répondre aux besoins juridiques dans l’entreprise. Ils doivent donc être vecteur de leur propre transformation.
La gestion de projet juridique
Nous avons d’abord demandé aux répondants à l’enquête s’ils avaient ou non été formés à la gestion de projet. Et, on le sait, plusieurs méthodes existent (Scrum, Agile, Lean management, Kanban, etc.). Nous nous attendions à un 100% de oui, mais du tout et manifestement, cela n’empêche pas les juristes de mener à bien des projets innovants !
Nous avons ensuite cherché à savoir quelles sont les forces et les faiblesses du juriste en tant que chef de projet. Les réponses ont volontairement été laissées ouvertes, pour voir ce qui intuitivement remontait.
En synthétisant les différentes formulations, on arrive à six « qualités » dont le juriste dispose pour être un bon chef de projet :
- la rigueur d’analyse ;
- le positionnement au sein de l’entreprise (communication, reporting, besoins utilisateurs) ;
- le leadership ;
- l’empathie et l’écoute (travail en équipe) ;
- la pédagogie ;
- l’anticipation.
Un point négatif ressort toutefois assez souvent : le manque de méthode pour gérer les projets. La créativité, l’objectivité ou la réactivité sont en revanche des points qui n’ont que très peu été évoqués par les répondants. Il en est de même de la capacité à déléguer ou à arbitrer, de la gestion du stress ou de l’esprit critique qui sont, pourtant, des qualités usuellement attribuées à un « bon » chef de projet.
Comment convaincre de la nécessité de mettre en place un projet juridique ?
Nous nous sommes ensuite fondés sur différents retours d’expérience, qui conduisent à constater qu’il n’est pas toujours aisé de convaincre de la nécessité d’investir dans le développement d’un projet à forte dimension juridique, tels que ceux présentés lors de Prix de l’Innovation en Management Juridique.
Les principaux freins à la mise en place de projets innovants au sein des DJ seraient de quatre ordres :
- Le coût (réel ou supposé) du projet ;
- La crainte d’une surcharge d’activité pour la DJ (poids sur l’organisation du travail) ;
- La croyance selon laquelle les juristes ne peuvent pas innover… ;
- La crainte d’un projet « usine à gaz », dont les juristes auraient le secret…
En ce qui concerne les leviers permettant de lever ces réticences et convaincre les organes décisionnaires, on y trouve, sans trop de surprise finalement, d’abord et pour une large part, la nécessité de démontrer la valeur ajoutée du projet :
- Faire une évaluation en termes de risques / bénéfices ;
- Justifier de la plus-value (fiabilité, sécurité, confidentialité, économies attendues notamment en moyens humains…) ;
- Mesurer le temps passé à des tâches chronophages et répétitives (explications récurrentes, contrats, etc.).
Les répondants « recommandent » aussi de s’appuyer sur les besoins des opérationnels pour bâtir la présentation du projet. La nécessité de proposer une présentation complète mais concise, et relativement aboutie du projet (cahier des charges), au besoin, en utilisant des outils comme le legal design, figure également en bonne place des conseils émergeant de cette enquête.
S’y ajoutent le fait de décliner ou de s’appuyer sur la stratégie globale de l’entreprise et le fait de faire preuve de pédagogie pour faire évoluer les mentalités (réputation du juriste).
Enfin, dans une moindre mesure, le fait de ménager ses soutiens internes est également vu comme un vecteur de conviction.
Comment évaluer l’efficacité des projets juridiques ?
Sur le point de savoir s’il est possible d’évaluer le taux de satisfaction des « clients internes », aucun doute n’est permis ici, c’est possible selon les directions juridiques ayant répondu à l’enquête.
En revanche, en ce qui concerne le « comment » mesurer l’efficacité, avec quels indicateurs et quels outils, la réponse n’est pas toujours évidente pour ces mêmes répondants. Quelques éléments ressortent néanmoins.
En ce qui concerne la mesure de la satisfaction des clients internes, on trouve :
- les enquêtes de satisfaction (entretiens individuels, sondages, etc.), qui sont très largement utilisées ;
- le calcul du NPS (Net Promoter Score) ;
- les statistiques (nombre d’utilisation du produit digital créé, temps passé, nouveaux dossiers confiés par des clients extérieurs, etc.).
En ce qui concerne la performance, plusieurs indicateurs sont mis en avant par les répondants :
- la réduction des délais (négociation des contrats, traitement des demandes, etc.) ;
- la réduction du taux de contentieux ;
- les audits d’évaluation.
Ces premiers résultats sont bien sûr à manier avec précaution, puisque l’enquête n’en est qu’à ses débuts… Aidez-nous à confirmer ou infirmer ces premières « tendances », en participant à l’enquête : il vous suffit de cliquer ici !