Les campagnes publicitaires de plusieurs entreprises de génotypage « grand public » promettent aux consommateurs une véritable introspection génétique qui livrera les secrets de leurs origines et de leur futur.
Un double voyage « initiatique » dans le temps permis par le décryptage de leur intimité la plus profonde.
« Qui sont et d’où viennent mes ancêtres ? Suis-je porteur de marqueurs génétiques me prédisposant à certaines pathologies ? »
L’accès aux données génétiques constituant le patrimoine héréditaire humain est une problématique qui refait régulièrement surface dans l’actualité médiatique car elle traduit le besoin grandissant, exprimé par une frange très large de la population, de connaître les secrets inscrits dans son ADN en ce qui concerne ses origines, son futur et les fondements intimes de sa personnalité.
On peut regretter que les débats ouverts lors de l’examen récent des propositions de révision de la loi de bioéthique aient éclipsé, voire occulté, les préoccupations de ceux qui, très nombreux, souhaitent une libéralisation de la législation interdisant aujourd’hui encore à l’individu d’avoir accès à son propre matériel génétique [1].
La position consistant à se retrancher, en 2019, derrière l’argument que l’ADN est un produit du corps, dont le cadre juridique est soumis aux dispositions des loi de bioéthique de 1994 [2] fait preuve d’un immobilisme intellectuel et d’un anachronisme déroutants, à une époque où la grande majorité des grands pays développés du monde entier laisse aux individus la possibilité d’avoir un accès libre à leur matériel génétique.
Cette position est d’autant plus inconsistante que la biologie moléculaire moderne nous apprend que l’ADN est l’essence même de la vie cellulaire et que l’Homme en est le produit (A). Par ailleurs, les conditions de l’exploitation criminalistique des données personnelles sensibles que sont les données génétiques, dont l’amendement adopté récemment, posent des questions qui justifieraient certainement une concertation citoyenne car elles constituent une atteinte potentielle grave à la vie privée (B).
A) Quelques rappels utiles de biologie moléculaire.
Les notions de gènes, caractères héréditaires, tests génétiques, chromosomes, mutations et manipulations génétiques, se sont immiscées depuis quelques années dans les conversations et débats où l’on s’interrogeait sur les véritables pouvoirs de cette génétique moléculaire dont il était tant question et qui, selon certains, était porteuse des pires calamités alors que pour d’autres, elle était le vecteur d’améliorations sociétales jusqu’alors inimaginables.
Les questions relatives à la nature et à la place de l’ADN dans la biologie humaine interpellent tout l’édifice juridique et législatif qui gouverne les droits dont nous disposons vis à vis de notre corps. Elles sont au cœur des débats bioéthiques les plus vifs qui in fine touchent à la conception que l’Homme se fait de son identité au sein de l’infiniment grand et de sa capacité à intervenir sur l’infiniment petit sur lequel il est construit.
1) L’ADN est le support de l’hérédité.
A la suite des premiers travaux concernant les fondements de l’hérédité, publiés par Gregor Mendel en 1865 et 1866 [3], la transmission des traits héréditaires fut associée à la présence de chromosomes présents dans le noyau des cellules [4].
Il fallut attendre les travaux de Morgan et collaborateurs [5] et ceux de Avery et collaborateurs [6] pour que les gènes [7] soient localisés sur les chromosomes et pour que l’ADN [8] soit identifié comme la base physique de l’hérédité.
Le génome de l’Homme contenu dans l’ADN nucléaire de toutes ses cellules est réparti sur 23 paires de chromosomes, dont l’organisation structurale et fonctionnelle de base, est spécifique à l’espèce homo sapiens.
2) La personnalité moléculaire est dictée par la structure de l’ADN.
Les molécules d’ADN sont constituées par un enchaînement de motifs élémentaires appelés nucléotides, eux-mêmes constitués par l’assemblage de trois types d’éléments chimiques :
1) des bases (il en existe 4 principales),
2) un sucre et
3) un résidu phosphate [9].
L’ordre (la séquence) des nucléotides dans l’ADN est le même dans toutes les cellules de l’organisme, ce qui permet d’effectuer des analyses génétiques sur n’importe quel type de tissu biologique, y compris, par exemple, la salive, les phanères et toute sécrétion et excrétion produite naturellement ou de manière pathologique.
La cartographie des bases sur la molécule d’ADN identifie ce qu’on appelle des « données génétiques » dont l’ensemble représente le génotype de la personne. Elles constituent le cahier des charges de la « fabrication » des individus, soigneusement conservé dans le « coffre-fort » qu’est l’ADN nucléaire de chaque cellule. L’interprétation de ces données conduit à des informations génétiques dont l’intérêt et la portée dépendent étroitement des techniques qui ont permis de les générer [10].
La machinerie cellulaire déchiffre les données pour en extraire les informations nécessaires à la constitution d’un organisme.
On appelle « phénotype » l’ensemble des caractéristiques observables, physiques et comportementales, résultant de l’expression des gènes.
Il est vite apparu que sur les 3 milliards de paires de bases contenues dans une molécule d’ADN humain (totalité du génome) seule une petite fraction (1,5%) constitue les 25.000 gènes identifiés codant les protéines humaines qui participent à l’élaboration et au fonctionnement des cellules de l’organisme. Il est maintenant admis que le reste de l’ADN, qualifié de « non-codant » joue des rôles essentiels dans l’organisation du génome [11].
Il est important à ce stade de bien réaliser que, sauf cas pathologiques, les génomes d’individus différents codent fondamentalement les mêmes protéines de base qui assurent la morphogénèse harmonieuse d’un organisme ayant les caractéristiques propres à l’espèce humaine (homo sapiens).
C’est ce qui permet aux individus de ressembler à des Hommes.
3) La variabilité individuelle et la signature génétique.
La comparaison globale des génomes individuels a permis l’identification de nombreuses différences constitutives structurales, transmises de manière héréditaire.
La publication de la première séquence totale de l’ADN humain a déclenché une véritable révolution scientifique et socio-culturelle. Elle a permis en particulier l’identification i) de plusieurs milliers de courtes répétitions inversées (STR pour « short tandem repeat »), localisées essentiellement dans les régions non codantes de l’ADN où elles comptent pour 3% de la totalité du génome et ii) d’un polymorphisme positionnel de nucléotidique unique (snp, pour Single-Nucleotide Polymorphism) dont la structure, la composition et la position sur l’ADN sont transmises héréditairement.
Ces deux caractéristiques structurales ont été utilisées comme marqueurs et mises à profit, d’une part à des fins judiciaires pour l’identification d’individus ayant commis des crimes ou infractions graves (voir ci-dessous §B), et d’autre part pour localiser sur la totalité de la molécule d’ADN des régions associées à l’expression d’un phénotype particulier normal ou pathologique (GWAS, pour Genome Wide Association Studies) (voir §C).
Certains aspects de la législation française concernant la collecte et l’exploitation des données génétiques ont été largement remis en question par un nombre croissant de juristes, dans un contexte où les technologies d’analyse du génome deviennent de plus en plus fines et puissantes.
Ils concernent en particulier d’une part, l’utilisation criminalistique des données génétiques et d’autre part l’interdiction qui est faite aux individus de disposer de leur matériel génétique et de faire procéder à son analyse.
B) Le profil génétique au tribunal.
L’identification des individus sur la base de leurs profils génétiques établis par cartographie des STR, fut introduite pour la première fois en Angleterre par Jeffreys et collaborateurs. Les auteurs utilisèrent cette technique pour établir la preuve du lien de parenté existant entre une mère et son enfant [12].
Ce fut une très grande avancée pour l’identification personnelle, d’une part en criminologie mais également dans un cadre civil plus général, par exemple pour régler des problèmes de filiation ou d’identification des personnes disparues, blessées ou égarées et souffrant de troubles de la mémoire n’ayant sur elles aucun document d’identité.
Plusieurs pays se sont engagés dans une réflexion concernant l’application des progrès de la génomique aux sciences judiciaires.
En Europe, la United Kingdom National DNA database de Grande Bretagne et le Netherlands Forensic Institute (NFI) en Hollande comptent parmi les laboratoires de recherche criminalistique les plus actifs et les plus réputés au niveau mondial.
Les Universités de Innsbruck en Autriche, de Santiago de Compostelle en Espagne, et Copenhague au Danemark abritent des centres de recherche mondialement renommés pour la qualité de leur recherche sur l’utilisation de l’ADN en criminalistique.
Aux États-Unis, le NIST Applied Genetics Group, the University of North Texas Health Science Center, the Institute of Environnemental Science and Research de Nouvelle Zélande sont considérés comme des leaders mondiaux.
1) Les recherches familiales.
Au cours des dernières décennies, les analyses de profils génétiques utilisant une vingtaine de STR ont démontré leur grande utilité criminalistique. Lorsqu’un chevauchement total était obtenu entre le profil provenant de l’ADN d’un suspect et ceux d’individus malfaiteurs fichés dans les banques de données établies par les services de police, le coupable pouvait être identifié.
Cependant lorsqu’une correspondance seulement partielle était obtenue, les recherches n’aboutissaient pas.
La possibilité fut alors envisagée que le profil génétique de l’auteur d’un crime puisse être apparenté à celui d’un membre de sa famille, puisque les STR, utilisés dans l’établissement des profils, sont transmis héréditairement des parents aux enfants.
C’est ainsi que pour la première fois en 2001, une recherche familiale aussi qualifiée d’investigation en parentèle (ou parentalité) fut effectuée avec succès par le Forensic Science Service (FSS) en Grande Bretagne.
L’analyse des profils d’ADN franchissait un cap conceptuel très important.
L’outil utilisé jusqu’alors pour établir la confirmation ou l’infirmation de culpabilité devenait un outil d’investigation.
La nouvelle dimension attribuée à l’analyse des profils génétiques étendue aux membres non fichés de la famille d’un individu suspecté d’avoir commis un crime, en élargissait le champ d’application juridique et permit de faire progresser significativement des enquêtes concernant des affaires non résolues, mais soulevait de nombreuses questions légales et éthiques qui furent bien résumées par S. Mercer [13].
Avec l’affaire Franklin en 2010, souvent considérée comme la première grande épreuve du système légal américain, émergea au grand jour un débat de fond concernant les limites acceptables, au regard de l’éthique et de la protection de la vie privée, de l’utilisation des bases d’ADN avec, au centre des problèmes, la possible discrimination raciale et les dérives futures qui pourraient résulter d’une banalisation des analyses familiales d’ADN.
En France, la légalité des recherches en parentèle fut reconnue avec la loi du 3 juin 2016 [14].
A la suite d’un amendement à la loi de programmation 2019-2022, voté en 2018 permettant « que les recherches en parentalité ne soient pas limitées aux parents en ligne directe », la CNIL a publié un communiqué [15] dans lequel elle relève que « Les mesures envisagées sont dès lors susceptibles d’entraîner des risques graves pour la vie privée et la protection des personnes pouvant être ciblées sur la base de correspondances génétiques partielles ou de similarités morphologiques ».
2) Le séquençage global de L’ADN à visée criminalistique : lampe d’Aladin ou boite de Pandore ?
Si l’apport criminalistique des technologies de la génétique moléculaire est incontestablement reconnu, les problèmes de fond soulevés par l’élargissement des techniques d’identification judiciaire utilisant l’ADN, sont encore au cœur d’une réflexion sociétale au niveau international.
Ainsi plusieurs inquiétudes vives ont été exprimées, dès 2007, par le Nuffield Council on Bioethics puis par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 2000, en ce qui concernait la conservation d’échantillons pouvant conduire à une identification ethnique.
Pour mettre fin à tout risque d’une potentielle déviance raciste qui résulterait d’une extension des approches fondées sur des recherches en parentèle, plusieurs auteurs ont proposé, au cours de la dernière décennie, d’intégrer l’ADN de toute la population dans les bases de donnée , en invoquant la dimension d’objectivité dont pourrait idéalement bénéficier la recherche criminologique, par le fait que tous les individus d’une société donnée seraient alors soumis aux mêmes pratiques de collecte et conservation des échantillons d’ADN.
Outre les questions idéologiques, le problème le plus aigu posé par la création de bases de données générales, tient dans le fait que la collecte des échantillons prélevés en vue de l’établissement des profils génétiques est nécessairement associée, aujourd’hui pour des raisons de méthodologie scientifique, à la conservation d’échantillons qui contiennent le génome entier des individus donneurs volontaires où légalement forcés, une situation ouvrant la porte à une possible exploitation incontrôlée, voire malveillante, des données génétiques contenues dans les échantillons conservés.
Au titre des nouveautés, une tendance actuelle qui pourrait révolutionner dans un futur proche les pratiques légales médicales et personnelles concerne l’utilisation de mini-séquenceurs portables qui peuvent être transportés sur les lieux de crimes ou par le médecin pour réaliser une séquence instantanée. Les prototypes en cours d’évaluation et pour certains déjà sur le marché, laissent entrevoir une conception totalement nouvelle des accès aux données génétiques.
Toute ces avancées technologiques accentueront de manière encore plus aigüe le besoin de cadres règlementaires concernant la collecte, la manipulation et la conservation des données génétiques recueillies « à la volée » sur les lieux de crimes, dans les cabinets médicaux, dans des lieux d’habitation ou de loisir.
Aujourd’hui des questions sans réponses satisfaisantes, malgré leur gravité, sont déjà formulées en ce qui concerne i) la propriété des fichiers de traitement des données, les seuls qui soient informatifs, ii) la période de la vie à laquelle un séquençage global généralisé devrait être effectué, iii) la transmission des informations et des données aux générations futures, iv) l’exploitation de ces données par quiconque
Autant de questions que le juriste ne peut ignorer et doit considérer dans le plus grand respect de la personne humaine, c’est à dire en faisant une totale abstraction de toute appartenance politique ou religieuse qui pourrait troubler les signaux perçus ou émis.
L’indépendance de pensée objective est le terreau de la sagesse.
Sur un plan pragmatique et immédiat, les systèmes qui n’ont pas encore subi les épreuves du temps montrent des imperfections qui doivent être corrigées le plus habilement et avec le moins d’autoritarisme possible. Il est à ce titre urgent de circonscrire les périmètres dans lesquels les données génétiques intimes circulent, dans la plus grande ignorance du public non averti.
Le législateur français se doit d’anticiper ces évolutions pour ne pas être en reste et dépendre ultérieurement des avancées développées dans d’autres pays du monde, tout comme il se doit de ré-examiner avec sérénité la situation archaïque dans laquelle se trouve la France à l’égard du libre accès de l’individu à ses données génétiques et de la libéralisation de tests génétiques non médicaux en accès libre.
C) L’accès aux données génétiques dans le cadre de tests non médicaux.
L’établissement de la séquence complète de l’ADN du génome humain, a été le terreau favorable à l’éclosion d’une généalogie (science de la filiation) conduite au niveau moléculaire et souvent qualifiée, improprement, de généalogie « génétique ».
L’engouement déclenché par ces techniques tient au fait qu’elles permettent d’identifier des parents éloignés partageant des particularités génétiques communes.
Mais au prix de quels efforts et tracas ?
Le contexte de restrictions légales imposé aux français désireux de connaitre ce que leur patrimoine génétique peut leur livrer, aurait pu pourrait décourager plus d’un curieux. Il a eu pour effet de placer le pays à l’avant dernière place dans le classement européen des nations ouvertes aux innovations biotechnologiques du vivant.
Quoiqu’il en soit, la demande reste pressante et génératrice d’une fuite d’échantillons d’ADN vers les entreprises de génotypage étrangères qui ne sont pas soumises aux règlementations édictées par la loi française de protection des données personnelles ou par le règlement européen sur la protection des données personnelles.
Malgré les efforts déployés auprès des représentants du parlement par de nombreux juristes et praticiens de la généalogie, la situation de blocage perdure.
La position que les parlementaires ont prise vis à vis de l’exploitation des données génétiques lors des récents débats concernant la révision de la loi de bioéthique, démontre une fois encore que l’absence d’une qualification juridique appropriée de l’ADN a des répercussions dévastatrices pour la libéralisation des tests à visée généalogique ou de confort, largement développés dans les autres pays d’Europe, du continent américain et d’Asie [16].
La réticence du législateur vis à vis des tests génétiques en accès libre a déjà été commentée dans de nombreuses revues, y compris dans ces colonnes [17]. Nul n’est besoin d’y revenir, si ce n’est pour à nouveau pointer l’inquiétude de très nombreux membres du corps juridique face à un immobilisme intellectuel difficilement compréhensible, relayée par une large frange de la population qui attend de ce type d’approches des réponses que les analyses d’ADN pourront révéler quant à leur origine et leur devenir.
Les potentialités nouvellement révélées du génie génétique humain, ont mis en exergue la faiblesse et l’inefficacité de textes juridiques et normatifs ayant mal vieilli qui conduisent à des clivages de principe rigides face à des technologies génétiques visant à améliorer le bien-être des peuples.
Proposer de résoudre le problème en développant des axes de recherche établissant des bases de données génétiques à visée médicale [18] et pilotés par des instances gouvernementales, revient à nier la réalité économique mondiale dont la France ne peut être exclue.
L’histoire est riche en exemples de ce type et les catastrophes auxquelles ils ont mené, ne doivent pas être oubliées. Rejeter la création de compagnies privées pouvant être compétitives de celles qui sont déjà installées et qui ne manqueront pas de s’approprier le marché, est une vision ne pouvant conduire qu’à l’enfermement de la France et à son exclusion économique mondiale dans les domaines de biotechnologie.
La résolution des problèmes posés par la fuite des données génétiques dans le cadre de la généalogie moléculaire, sera le terreau sur lequel doit reposer le traitement pragmatique et réaliste des considérations relatives à la position de la France dans un futur économique mondial à évolution rapide où elle ne peut rester en retrait.
Il est aujourd’hui nécessaire de dépassionner les débats et de redéfinir au plus tôt, sur des bases scientifiques objectives, le statut juridique de l’ADN dans un cadre où les protagonistes de ces débats arguant de leurs compétences juridiques ne se retranchent pas finalement derrière des positions morales ou philosophiques personnelles qui, bien que tout à fait respectables, ne doivent pas altérer leur analyse professionnelle.
D) l’Homme est le produit de l’ADN.
La biologie enseigne que le matériel génétique porte en lui toutes les directives nécessaires à l’assemblage d’un être vivant.
La théorie des origines de la vie, qui est largement acceptée dans les milieux scientifiques compétents apporte un argument supplémentaire pour conférer à l’ADN la place centrale qu’il mérite. Certains « généticiens-cosmologues » renommés suggèrent même que les êtres vivants ne seraient que le moyen choisi par l’ADN pour perpétrer indéfiniment…
1) Un voyage initiatique aux confins du temps.
La théorie la plus largement acceptée par les scientifiques spécialisés, attribue à l’ADN un rôle fondamental dans l’apparition des premières formes de vie telles que nous les connaissons aujourd’hui. Elles auraient émergé et se seraient organisées à partir des molécules d’ARN, puis d’ADN qui seraient apparues lors du refroidissement de la terre, après le big bang créateur de l’univers qui se produisit il y a 13, 8 milliards d’années.
Il aura sans doute fallu plusieurs centaines de millions d’années pour que la terre se refroidisse et se solidifie après sa formation il y a 4,6 milliards d’années.
L’énorme densité de l’univers et sa température extrêmement élevée créaient des conditions énergétiques inimaginables qui ont constitué le chaudron d’où la Vie a émergé, par un processus graduel qui a dû s’étendre sur une très longue échelle de temps [19].
L’apparition de la vie primordiale à partir de ce qui est communément dénommé « soupe pré-biotique », s’est effectuée lentement et par étapes, avec en premier lieu la synthèse de constituants organiques subissant de nombreuses transformations dans les milieux aqueux qui les contiennent, suivie par la mise en place de mécanismes de polymérisation et de systèmes de compartimentation qui ont conduit plus tardivement à une séparation et spécialisation fonctionnelle des voies métaboliques telles que nous les connaissons de nos jours.
La reproduction expérimentale de conditions similaires à celles de la soupe probiotique, permit la formation d’acides aminés en laboratoire sous l’effet de décharges électriques répétées. Ce résultat apporta pour la première fois un support expérimental aux théories de la formation des premières molécules organiques.
Pour paraphraser une formule devenue célèbre… Un petit pas vers la vie cellulaire organisée, qui fut un grand pas pour l’Humanité !
2. Du monde ARN à l’ADN gardien de l’information génétique.
Les réactions de polymérisation conduisant à la formation de macromolécules furent très certainement facilitées, par leur interaction avec des matrices d’argiles présentes dans les milieux primordiaux. Leur polymérisation, qui peut s’effectuer spontanément de manière limitée, a conduit à la formation de brins d’ARN similaires à ceux que nous connaissons aujourd’hui.
Le monde ARN était né [20].
Cependant, les molécules d’ARN sont fragiles. Pour ces raisons il a été proposé que les polymères génomiques d’ARN aient été rétro-transcrits [21] et remplacés par des molécules d’ADN à deux brins complémentaires plus stables, résistant à l’environnement basique qui les entouraient.
De plus, la réplication semi-conservative de l’ADN et les mécanismes de réparations de mutations, permettent à la fois une conservation et une variabilité mesurée de l’information génétique, ce qui a permis les adaptations évolutives.
Les ARN ne sont pas pour autant disparus. Dans un monde ADN, ils jouent des rôles importants dans l’expression des gènes [22].
E) Conclusion.
A la lumière de ces modèles évolutifs, très largement acceptés par la communauté scientifique et renforcés régulièrement par de nombreuses observations nouvelles, la question de la place relative de l’ADN et de la cellule dans l’évolution ne se pose plus dans une problématique du type « l’Œuf et la Poule » et l’on peut avancer sans craindre de se méprendre que dans les systèmes actuels, sélectionnés au cours de l’évolution, l’ADN, gardien des données informationnelles du vivant, ne doit pas être considéré comme un produit du corps, mais doit être reconnu juridiquement comme une entité propre, essence même de la vie cellulaire et quintessence de l’originalité et de la richesse du soi individuel.