Le choix du double Barreau en France et à l'étranger : témoignage d'une avocate exerçant à Paris et Bruxelles.

Le choix du double Barreau en France et à l’étranger : témoignage d’une avocate exerçant à Paris et Bruxelles.

Interview de Thaima Samman réalisée par Marie Depay, Rédaction du Village de la Justice.

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Explorer : # affaires publiques # double barreau # influence juridique # stratégie internationale

Le métier d’avocat offre une grande liberté dans son exercice et certains de ces professionnels font le choix d’exercer à la fois en France et à l’étranger. Si un tel exercice n’est pas majoritaire, il n’est pas anecdotique pour autant. En effet, au 1ᵉʳ janvier 2023, 3 143 avocats avaient fait ce choix, soit 4,2% des avocats [1] (le barreau de Paris propose ainsi un vade-mecum de l’exercice international ainsi qu’un guichet dédié [2]). Pourquoi ce choix ? Quelles sont leurs motivations ? Qu’est-ce que cela leur apporte à eux ainsi qu’à leurs clients ? Comment s’organisent-ils ? Quels conseils transmettre aux confrères tentés par l’aventure ?
Pour apporter des réponses et dans un souci de partage des expériences, la Rédaction a recueilli le témoignage de Thaima Samman, avocate aux Barreaux de Paris et de Bruxelles.

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Village de la Justice : Pourquoi avoir choisi d’exercer en France et à l’étranger ? Pourquoi le barreau de Bruxelles ?

"Bruxelles est l’une des deux capitales de la construction des normes."

Thaima Samman : « Bruxelles est avec Washington l’une des deux capitales du Policy making, autrement dit de la construction des normes qui vont s’imposer d’abord dans leur juridiction respective (respectivement l’Union européenne et les États-Unis), mais surtout influencer le reste du monde. On ne le sait pas toujours, mais le modèle juridique européen est une source d’inspiration pour de nombreux pays tiers.

J’exerce ma spécialité Affaires publiques à Paris, mais la norme française provient de l’Union européenne ou influence la norme européenne dans des proportions conséquentes. Je me sens ainsi légitime pour proposer ma compétence et mes services à Bruxelles, d’autant que les deux villes sont à 1h20 en train ».

Quel(s) intérêt(s) revêt un tel exercice du métier d’avocat que ce soit pour le professionnel lui-même ou ses clients ?

"J’élargis mes horizons et ma compréhension de la fabrication de la norme, ce qui rend mon travail plus efficace".

« En exerçant dans ces deux barreaux, j’élargis mes horizons et ma compréhension de la fabrication de la norme, ce qui rend mon travail plus efficace et plus performant pour les clients, que ce soit à Paris ou à Bruxelles, en optimisant le dialogue interinstitutionnel et public-privé et en le rendant plus fluide.
C’est aussi un atout pour mes clients qui ont à leur disposition un professionnel qui comprend les enjeux juridiques et institutionnels, évite les incompréhensions et sait définir des stratégies en fonction des cas d’espèce.
Je peux également m’appuyer sur l’influence de la France pour certains de mes dossiers à Bruxelles.

Mes interlocuteurs publics apprécient mes connaissances et ma compréhension des enjeux et dynamiques, à la fois dans la capitale d’un pays majeur de l’Union européenne et au sein des institutions européennes, et utilisent souvent mon cabinet comme source d’information et de compréhension des évolutions et réflexions des institutions qui leur sont moins familières ».

Quelles sont les spécificités, les différences les plus marquantes de cette double appartenance à un barreau français et au barreau de Bruxelles, que ce soit dans l’exercice de votre profession (organisationnelles, juridiques, formation, relation client...) ou dans leur façon d’aborder le droit ?

« Paris et Bruxelles (en tant que capitale de l’Union européenne) sont culturellement aussi proches qu’éloignées, ce qui peut être troublant pour les néophytes.
Les institutions européennes sont une reproduction des institutions françaises, le pays le plus puissant et influent au début de la construction européenne. Mais, la culture de l’Union européenne dans l’élaboration de la norme est très anglo-saxonne, marquée par une forte culture de la consultation et de la prise en compte des intérêts économiques (macro et micro, les entreprises y sont très bien accueillies) intégrées au cœur des priorités institutionnelles ».

Comment s’organise votre travail et votre temps entre vos deux barreaux d’exercice ?

« Mon métier est constitué de temps de recherches, de réflexion, de rédaction (y compris lors des déplacements en train, ce qui est mon cas au moment d’écrire ces quelques lignes), de rencontres et de réunions avec les clients et interlocuteurs institutionnels ou politiques. J’organise mon temps en fonction de ce calendrier, et selon l’activité des bureaux de Paris et Bruxelles.
À la création du cabinet il y a maintenant 15 ans, je passais les 2/3 de mon temps à Bruxelles. J’ai progressivement formé et construit une équipe sur place, suffisamment conséquente et compétente pour me permettre de passer plus de temps à Paris.

"Les collaborateurs sont polyvalents et maitrisent aussi bien les dynamiques françaises qu’européennes dans la gestion de leurs dossiers."

Je souhaite que l’ensemble des collaborateurs soient polyvalents et maitrisent aussi bien les dynamiques françaises qu’européennes dans la gestion de leurs dossiers et l’accompagnement de leurs clients. Si ce n’est pas toujours nécessaire (ça dépend de la nature du dossier et du secteur concerné), c’est toujours intellectuellement intéressant et stimulant. Cette approche permet à l’ensemble des membres du cabinet de déployer sans difficulté des stratégies au niveau national ou au niveau européen selon la demande de nos clients et de leurs besoins, les changements de niveau d’intervention entre Paris et Bruxelles intervenant régulièrement ».

Quels conseils transmettriez-vous à un(e) avocat(e) tenté(e) par l’aventure de l’avocature dans deux barreaux, dont l’un à l’étranger ?

« Ce n’est jamais une mauvaise idée d’avoir une expérience complémentaire dans un autre pays, peu importe le domaine. Je constate en tout cas que cette double appartenance élargit au quotidien les horizons et enrichit la compréhension des situations, ce qui renforce les capacités d’analyse et la pertinence de l’avocat vis-à-vis de ses clients. Il ne faut pas hésiter si l’opportunité se présente, il faut juste être organisé(e) ».

Le parcours de Thaima Samman :
Avocate inscrite aux barreaux de Paris et de Bruxelles, elle a fondé le cabinet Samman spécialisé en Affaires publiques. Au préalable, elle a occupé plusieurs postes de haut niveau dans des entreprises et des institutions [3]. Elle a également été membre du cabinet de Claude Bartolone, ancien ministre de la Ville et Président de l’Assemblée nationale.
Elle a co-fondé et préside actuellement l’European Network for Women in Leadership (WIL), réseau regroupant des femmes dirigeantes issues du monde de l’entreprise.
Elle est membre du comité d’administration de la European American Chamber of Commerce (EACC) et Présidente de l’Association des Avocats Conseil en Affaires Publiques A-CAP.
En 2025, elle a rejoint le Conseil d’administration de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Liens utiles :

Interview de Thaima Samman réalisée par Marie Depay, Rédaction du Village de la Justice.

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[3Elle a notamment passé plus de dix ans au sein de la direction des Affaires publiques et juridiques de Microsoft au niveau français et International jusqu’à Associate General Counsel Europe Moyen Orient & Afrique.

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