Conformément à la jurisprudence de l’Union européenne, les magistrats vérifient de plus en plus si le signe, fondant une action en contrefaçon, est véritablement distinctif et mérite donc la protection du droit des marques. Concrètement, se pose la question suivante : est-ce qu’au jour du dépôt de la marque, le signe était apte à indiquer l’origine commerciale des produits ou services visés ?
Le consommateur doit pouvoir identifier chaque produit de forme identique comme provenant d’une entreprise spécifique, grâce à la marque apposée. Et personne ne saurait monopoliser un terme nécessaire à tous ceux exerçant sur le même marché. Ainsi, les indications servant à désigner la qualité ou la provenance géographique d’un produit doivent-elles pouvoir être exploitées par tous les distributeurs de celui-ci.
La titulaire des marques verbales de l’Union européenne Simply et Simply Market, déposées respectivement en 2006 et en 2005, et visant notamment des biens alimentaires, et l’exploitante de celles-ci, se sont aperçues de l’apposition du signe Simply par leur concurrente Marks and Spencer France sur ses produits discounts. Elles ont initié une action en contrefaçon de marques devant le tribunal de grande instance de Paris.
Puisqu’il ne saurait y avoir de contrefaçon sans droit de propriété intellectuelle, la défenderesse a très classiquement critiqué la validité des marques.
Après avoir rappelé que « le droit communautaire poursuit un objectif de purge des registres communautaires des marques non distinctives qui génèrent des entraves injustifiées à la libre circulation des biens sur le marché intérieur » et que « la nullité d’une marque sert, sur ce plan, l’intérêt général », le tribunal a fait droit à son argumentation.
Dans son jugement du 14 avril 2016, au visa des articles 51 et 7§1b du règlement sur la marque de l’Union européenne n°40/94, il a prononcé la nullité des marques pour défaut de distinctivité intrinsèque, pour les produits et services objet du litige, et a ordonné la communication de sa décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’EUIPO, pour inscription sur ses registres de marques. La décision ayant un effet erga omnes, chacun pourra donc exploiter ces signes.
Pour le tribunal, en France, le consommateur moyen a une connaissance de l’anglais de niveau baccalauréat. L’adverbe anglais « Simply » peut se traduire par « simplement, justement ou totalement » et est particulièrement usuel, de sorte que son sens est aisément et directement compréhensible par les publics anglophone et français. Ce terme désigne une qualité particulière tirée des conditions de productions spécifiques aux services de vente au détail de produits alimentaires. Ces derniers sont perçus comme simples d’accès. Le public comprend immédiatement qu’il peut bénéficier de services simplement offerts et exécutés. Il n’est pas attaché aux règles de grammaire qu’il sait usuellement ignorées dans les messages de nature publicitaire. Il appréhende donc le signe Simply comme un message vantant les mérites des services rendus et non comme une garantie d’origine commerciale.
Le même raisonnement est poursuivi en ce qui concerne la marque Simply Market.
Exclusivement de nature laudative, ces contenus sémantiques n’exercent pas une fonction indicative de l’origine commerciale des produits et services. Le monopole doit être invalidé.
La solution aurait certainement été différente en présence d’un figuratif très arbitraire.
Quoi qu’il en soit, cette décision de première instance est conforme à la jurisprudence communautaire. En présence d’un slogan promotionnel, la marque est dépourvue de caractère distinctif si elle est susceptible d’être perçue par le consommateur que comme une simple formule promotionnelle. Elle est, au contraire, valable si elle est perçue d’emblée comme identifiant une origine économique.
Pour apprécier cet élément, les magistrats s’interrogent habituellement sur le respect de la syntaxe et de la grammaire par le message élogieux. La distinctivité est retenue plus aisément si l’élément est inhabituel, s’il y a un jeu de mots, si un effort d’interprétation est requis, s’il y a un écart perceptible par rapport à la terminologie employée dans le langage courant du consommateur.
Si la décision devient définitive, les répercussions économiques liées à ce changement de nom pourraient être d’une faible importance ; l’autorité de la concurrence analysant actuellement le basculement, souhaité par les demanderesses, des 247 supermarchés Simply Market du groupe nordiste vers le réseau Super U…