1) La règle de base : loi du lieu d’établissement du premier domicile conjugal après le mariage.
Les mariages ayant eu lieu avant le 1er septembre 1992 sont soumis au système de conflit de lois de droit commun. Suivant les règles françaises de conflit de lois, le régime matrimonial d’époux mariés sans contrat relève de la règle de l’autonomie de la volonté.
Pour l’appréciation de cette volonté, le premier domicile matrimonial où les époux fixent leurs intérêts pécuniaires joue un rôle prépondérant.
Ainsi, le système français soumet ces mariages à la loi du pays de premier établissement stable du domicile conjugal [1].
Le mariage d’un couple d’italiens à Las Vegas lors de vacances en 1990 sera par exemple soumis à la loi française si le couple s’établit en France juste après ce mariage de manière permanente, et non à la loi du Nevada.
Si ce couple décide de déménager ensuite aux Etats-Unis, bien que marié dans le Nevada, son mariage restera soumis au droit français.
Pour les mariages célébrés à compter du 1er septembre 1992, la Convention de la Haye du 14 mars 1978 s’appliquera. La règle ci-dessus s’appliquera également mais trouvera des exceptions : la loi change parfois sans qu’on le sache !
2) Pour les mariages célébrés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019 sans contrat de mariage, la loi applicable au régime matrimonial peut changer de manière automatique.
La règle de base demeure au départ la même : le contrat de mariage est soumis à la loi du pays de première résidence stable du couple [2].
En l’absence de résidence habituelle commune, la loi nationale commune des époux s’appliquera dans la plupart des cas.
Lorsque des époux n’ont pas de résidence habituelle dans le même État après leur mariage, ou n’ont pas de nationalité commune, ou ont plusieurs nationalités communes « leur régime matrimonial est soumis à la loi interne de l’État avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, il présente les liens les plus étroits ».
Mais cette loi peut changer en cours de route [3] :
Lorsque les époux fixent leur résidence dans l’état de leur nationalité commune (exemple : un couple de Français se marie en Angleterre, y réside pendant plusieurs années. Son mariage est soumis au droit anglais. Le couple déménage ensuite en France. Son mariage passe automatiquement sous l’empire du droit Français, sans formalité préalable et sans rétroactivité. Si le couple n’a pas établi de contrat au moment de son mariage, le régime matrimonial changera pour celui de la communauté légale (réduite aux acquêts), applicable en France, bien différent du régime légal anglais équivalent à la séparation de biens.
Cette règle s’applique même si le couple n’a au départ pas la même nationalité mais en change au cours du mariage (exemple : naturalisation pour acquérir la nationalité du pays dans lequel le couple s’établit).
Lorsque les époux résident plus de dix ans dans un autre état : par exemple, un couple franco-américain se marie en France, s’installe aux Etats-Unis quelques années (la loi de l’état américain gouvernera leur mariage), puis s’installe en France. Au bout de dix ans, la loi française s’appliquera automatiquement. Si le couple habite ensuite en Grèce, c’est la loi grecque qui prendra le relai au bout de 10 ans.
La loi de l’État de la résidence habituelle commune des époux devient applicable lorsque ceux-ci fixent leur résidence habituelle dans le même État, alors qu’auparavant ils étaient soumis à leur loi nationale commune uniquement parce qu’ils n’avaient pas de résidence dans le même État au moment du mariage. Après leur mariage célébré en Turquie, des époux turcs se trouvaient placés sous leur loi nationale commune et sous le régime légal turc n’ayant pas établi sur le territoire du même État leur première résidence après le mariage. Le mari travaillait en France, la femme restait en Turquie. Si par la suite la femme rejoint son mari qui travaille en France, le régime légal français s’appliquera.
Ce changement automatique n’a pas d’effet rétroactif. Les biens achetés avant le changement restent soumis à l’ancienne loi, les biens achetés après, seront soumis au régime légal qui a changé.
En cas de divorce ou de décès, la liquidation du régime matrimonial (et le partage des biens) sera régie par trois droits différents, en fonction des périodes de leur vie, ce qui peut s’avérer compliqué à reconstituer et avoir des conséquences fiscales et patrimoniales inattendues.
Dans ce cas de figure, le juge du divorce ou le notaire chargé de la succession (pour une succession en France) devront procéder à plusieurs liquidations du régime matrimonial, procédé long et complexe.
Cette mutabilité automatique de loi entraîne, outre la complexité, des conséquences en cas de séparation ou de succession puisqu’en fonction du régime matrimonial de l’état concerné, le partage des biens se fera selon plusieurs lois et des règles différentes (séparation de biens, communauté absolue, communauté réduite aux acquêts).
3) Pour les mariages célébrés à compter du 29 janvier 2019, le règlement européen (UE) 2016/1103 du 24 juin 2016 s’applique [4].
La loi applicable au mariage sera celle de première résidence habituelle des époux après le mariage. Si les époux n’ont pas de résidence habituelle commune, ce sera la loi de leur nationalité commune. A défaut la loi de l’état avec lequel les époux on les liens les plus étroits au moment du mariage [5].
La règle de mutabilité automatique ne s’applique pas aux mariages célébrés après le 29 janvier 2019.
Afin d’éviter toutes ces règles complexes qui créent de l’incertitude, il est possible de choisir soi-même la loi applicable à son mariage, ou de la modifier au cours du mariage.
Cela ne veut pas forcément dire changer de régime matrimonial. Il s’agit plutôt de changer pour choisir la loi d’un autre pays, ce qui peut présenter un avantage dans certains cas.
4) Dans tous les cas, les époux peuvent faire ce changement eux-mêmes.
Pour tous les mariages, même ceux célébrés avant 1992, il est possible de choisir expressément la loi du pays qui s’appliquera, dans le contrat de mariage [6]. Il est également possible de modifier la loi applicable au cours du mariage en effectuant une « déclaration de loi applicable ».
Les couples mariés peuvent ainsi choisir :
La loi de l’état dont l’un des époux a la nationalité au moment de ce choix
La loi de l’état sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de ce choix.
Ce choix peut être fait dans le contrat de mariage ou dans un acte postérieur. En France, cet acte prendra la forme d’un acte authentique reçu par un notaire.
Ce changement de loi prendra effet à compter de l’acte notarié entre les époux et à l’égard des tiers, trois mois après les formalités de publicité.
Ce changement n’aura d’effet que pour l’avenir, sauf choix des époux de le faire rétroagir au jour du mariage. Ce changement s’appliquera à tous les biens du couple.
Déterminer la loi applicable au régime matrimonial d’un couple est essentiel dans le cadre de la planification fiscale et patrimoniale. La procédure est plus simple et moins coûteuse que de changer de régime matrimonial.
En effet, même si droit choisi est le même que le droit de départ (exemple : choix entre le régime légal français de communauté légale équivalent au régime légal israélien), choisir la loi du pays destiné à régir sa succession simplifiera les formalités de divorce et de succession.
Traduction en langue anglaise :
Changing the law applicable to your matrimonial property regime : how and why ?
Couples usually marry according to the law of the country in which they are getting married, which is the country in which they usually reside. But sometimes the situation is more complicated for couples who marry in a foreign country, international ones (with two different nationalities) or those who move from one country to another during their marriage and who have not chosen the applicable law at the time of marriage.
1) The basic rule : law of the place of establishment of the first marital home after the marriage.
Marriages that took place before 1 September 1992 are subject to the common law conflict of laws system. According to the French conflict of laws rules, the matrimonial regime of spouses married without a contract is subject to the rule of autonomy of will.
For the assessment of this will, the first matrimonial domicile where the spouses have their pecuniary interests plays a predominant role.
Under French law, such marriages are consequently governed by the law of the country of the first permanent establishment of the couple’s marital home [7]. For example, the marriage of an Italian couple in Las Vegas during a holiday in 1990 will be subject to French law if the couple settles in France immediately after the marriage on a permanent basis, and not to Nevada law.
If a couple subsequently decides to move to the United States, although married in Nevada, their marriage will remain subject to French law.
For marriages celebrated on or after September 1, 1992, the Hague Convention of March 14, 1978 will apply. The above basic rule will also apply, but there will be exceptions : law sometimes changes without our will !
2) For marriages celebrated between 1 September 1992 and 29 January 2019 without a marriage contract/pre-nup agreement, the law applicable to the matrimonial regime may change automatically.
The basic rule remains initially the same : the marriage contract/pre-nup agreement is subject to the law of the country of the couple’s first stable residence [8].
In the absence of a common habitual residence, the common national law of the spouses will apply in most cases.
When spouses do not have habitual residence in the same State after their marriage, or do not have a common nationality, or have several common nationalities, « their matrimonial property regime is subject to the internal law of the State with which, taking into account all the circumstances, it is most closely connected ».
But this law may change during the course of the marriage [9] :
When the spouses establish their residence in the State of their common nationality (example : a French couple gets married in England, resides there for several years. Their marriage is subject to English law. The couple then moves to France. Their marriage is automatically governed by French law, without any prior formality and without retroactivity. If the couple did not sign a contract/pre-nup agreement at the time of their marriage, the matrimonial regime will change to that of the « communauté légale » (common property reduced to acquisitions), applicable in France, which is very different from the English legal regime equivalent to separation of property.
This rule applies even if the couple do not have the same nationality at the outset but change their nationality during the marriage (e.g. naturalisation to acquire the nationality of the country in which the couple is settling).
When the spouses reside for more than ten years in another state : for example, a Franco-American couple marries in France, settles in the United States for a few years (the law of the American state will govern their marriage), then settles in France. After ten years, French law will automatically apply. If the couple then lives in Greece, Greek law will take over after 10 years.
The law of the State of the spouses’ common habitual residence becomes applicable when they establish their habitual residence in the same State, whereas previously they were subject to their common national law only because they did not have a residence in the same State at the time of the marriage. After their marriage celebrated in Turkey, Turkish spouses were placed under their common national law and under the Turkish legal regime not having established their first residence in the territory of the same State after the marriage. The husband worked in France, the wife stayed in Turkey. If later on the wife was to join her husband who works in France, the French legal regime would apply.
This automatic change has no retroactive effect. Properties purchased before such change remain subject to the initial law, property purchased afterwards will be subject to the new legal regime.
In the event of divorce or death, the liquidation of the matrimonial property regime (and the division of property) will be governed by three different laws, depending on the each period, which can be complicated to reconstitute and have unexpected tax and property consequences.
In this case, the divorce judge or the notary in charge of the succession (for a succession in France for instance) will have to carry out several liquidation/separation long and complex processes.
This automatic mutability of law entails, apart from its complexity, consequences in the event of separation or succession since, depending on the matrimonial regime of the State concerned, the division of property will be carried out according to several laws and different rules (separation of property, absolute community, community reduced to acquests).
3) For marriages celebrated on or after 29 January 2019, the European Regulation (EU) 2016/1103 of 24 June 2016 applies [10].
The law applicable to the marriage will be the law of the first habitual residence of the spouses after such marriage. If the spouses do not have a common habitual residence, it will be the law of their common nationality. Failing that, the law of the State with which the spouses have the closest connection at the time of the marriage [11].
The automatic mutability rule does not apply to marriages celebrated after 29 January 2019.
In order to avoid all these complex rules that create uncertainty, it is possible to choose the law applicable to one’s marriage, or to change it during the marriage.
This does not necessarily mean changing matrimonial regime. It simply means choosing the law of another country, which may be an advantage in some cases.
4) In all cases, spouses can make the change themselves.
For all marriages, even those celebrated before 1992, it is possible to expressly choose the law of the country that will apply to the marriage, notwithstanding the fact that a contract/pre-nup agreement was signed or not [12]. It is also possible to change the applicable law during the marriage by making a « declaration of applicable law ».
Married couples can thus choose :
The law of the state of which one of the spouses is a national at the time of the choice
The law of the state in which one of the spouses has his or her habitual residence at the time of the choice.
This choice can be made in the marriage contract / pre-nup agreement or in a subsequent deed. In France, this deed will take the form of an authenticated deed drawn up by a notary.
This change of law will take effect as from the notarial deed between the spouses and as regards third parties, three months after registration formalities.
This change will only have effect for the future, unless the spouses choose to make it retroactive to the day of their marriage. This change will apply to all the couple’s property.
Determining the law applicable to a couple’s matrimonial property regime is essential for tax and estate planning purposes. The procedure is simpler and less costly than changing the matrimonial regime itself.
Even if the chosen law has the same effect as the initial law (e.g. choice between the French legal community of property regime and the Israeli legal regime), choosing the law of the country intended to govern one’s divorce or succession will simplify such formalities.