La société BIC a déposé la forme bien connue de ses stylos à bille non rechargeables à titre de marque communautaire tridimensionnelle en 1997, auprès de l’OHMI.
Elle a été alertée par les douanes, d’une retenue en douane de produits prétendument contrefaisants de sa marque, opérée à Saint-Malo.
Après avoir fait réaliser deux saisies-contrefaçon successives, l’une chez le destinataire des crayons (une chaîne de magasins français de déstockage généraliste), et l’autre dans les locaux de la brigade de surveillance des douanes, elle assigne le premier, en contrefaçon de sa marque, devant le tribunal de grande instance de Paris.
Une seconde retenue en douane met en avant le rôle joué par le fournisseur, qui sera donc appelé en intervention forcée par BIC.
Classiquement, le premier moyen de défense excipé est celui de la nullité de la marque communautaire.
Le règlement communautaire prévoit en effet qu’une marque communautaire ne peut pas porter sur les signes « constitués exclusivement par la forme qui donne une valeur substantielle au produit ».
Cette disposition a pour dessein d’éviter qu’une marque, protégeable sans limite de temps si elle est renouvelée correctement, prenne le relais d’autres droits de propriété intellectuelle, qui eux, s’éteignent plus tôt.
Dans son jugement du 19 novembre dernier, le tribunal de Paris explicite cette disposition :
« La valeur donnée par la forme au produit est substantielle lorsque cette valeur esthétique est susceptible de déterminer le choix du consommateur, lorsque la forme est déterminante de l’acte d’achat et donc de la valeur commerciale du produit en cause. »
Concrètement, il précise que le fait que le Bic Cristal soit exposé comme un objet iconique ne permet pas d’en déduire que sa forme lui confère sa valeur substantielle. En réalité, ce qui détermine l’acte d’achat en l’espèce n’est pas l’apparence du produit, mais le rapport qualité-prix, sa durée d’utilisation et son confort d’écriture, poursuit la juridiction. La marque est donc valable.
Les produits suspectés présentent un corps transparent, un embout de la même couleur que l’encre visible dans ce corps, éléments distinctifs et dominants de la marque, ainsi qu’une pointe bille dorée ou bronze. Le fait que le capuchon soit octogonal et non arrondi est un élément mineur, qui ne permet pas d’effacer les ressemblances importantes. La contrefaçon est établie.
Discussion en cours :
Je me permets seulement d’ajouter que cette même marque, déposée en France sous le n° 94 507 783, avait déjà été déclarée valable dans le passé comme apte à identifier l’origine des produits, notamment par un jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 25 octobre 2004 ( Parquet n° 03 104 96 032) qui avait écarté comme non décisifs les éléments fonctionnels de cette représentation tridimensionnelle.
D’autres plaideurs ont vainement tenté de la faire déclarer déchue.
BIC, c’est une longue histoire...
On n’a sans doute pas fini de la dérouler , du génie initial du célèbre baron à toutes les copies sur la planète entière...
Michèle LESAGE-CATEL
Avocat à la Cour