La bataille 2.0 continue autour du critère économique, par Alexandra Zwang, Doctorante

La bataille 2.0 continue autour du critère économique, par Alexandra Zwang, Doctorante

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Explorer : # responsabilité des hébergeurs # critère économique # contenus en ligne

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Dans un arrêt du 14 avril 2010 (CA Paris, pôle 5, ch.1, 14 avril 2010 Omar S. et au/ Dailymotion, ), la Cour d’appel de Paris s’inscrit dans la jurisprudence dominante en affirmant que Daily Motion, site de partage de vidéos, doit recevoir la qualité d’hébergeur, ainsi que le régime de responsabilité allégée qui y est déféré.

Cet arrêt aurait pu passer « inaperçu » s’il n’intervenait pas peu de temps après l’émoi soulevé par l’arrêt Tiscali de la Cour de cassation du 14 janvier 2010 (Cass., civ. 1ère, 14 janvier 2010 Tiscali/ c. Dargaud Lombard, Lucky Comics ), lequel réintroduisait l’appréciation du critère économique dans la détermination de la qualification des prestataires du web 2.0

En l’espèce, saisie par les humoristes Omar et Fred, lesquels avaient constaté la présence de contenus contrefaisants sur le site Daily Motion, la Cour retient que le site doit recevoir la qualification d’hébergeur, au motif que le critère tiré de l’exploitation économique, par le biais de la présence de contenus publicitaires sur ledit site, est inopérant. Ainsi, « l’exploitation du site par la commercialisation d’espaces publicitaires, dès lors qu’elle n’induit pas une capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne, n’est pas de nature à justifier de la qualification d’éditeur du service en cause ; (…) ».

La Cour d’appel aurait pu s’en tenir là, en s’inscrivant dans le droit fil de la jurisprudence de la CJUE (CJUE, grande chambre, 23 mars 2010 Google France / LVM, Viaticum, Luteciel, CNRRH et a.) , laquelle estime qu’il appartient aux juridictions nationales de mettre en œuvre un critère plus « technique », afin de déterminer si « le rôle exercé par [le prestataire de référencement payant] est neutre », c’est-à-dire s’il joue un rôle actif sur les contenus mis en ligne ; lequel rôle qui lui octroierai une certaine connaissance, voire un contrôle des données diffusées par son biais.

Cependant, dans un souci (louable) d’exposer de manière détaillée sa motivation, la Cour relève également que « n’est pas démontré en l’espèce une relation entre le mode de rémunération par la publicité et la détermination des contenus en ligne ». Ainsi, à la différence de Tiscali, lequel offrait aux annonceurs de mettre en place des publicités directement sur les pages personnelles des utilisateurs, par le biais de bandeaux publicitaires, Daily Motion ne propose que des encarts publicitaires sur les pages d’accueil et les « cadres standards d’affichage du site ». En conséquence, « le service n’est pas en mesure d’opérer sur les contenus en ligne un quelconque ciblage publicitaire de manière à tirer un profit d’un contenu donné et à procéder par là-même à une sélection de ces contenus qui serait commandée par des impératifs commerciaux »…

En voulant s’en détacher, la Cour d’appel ouvre une brèche au critère économique, lequel serait alors directement lié à la manière dont le prestataire perçoit des revenus via son site. Ce qui risque d’engendrer des différences d’appréciation non négligeables selon les espèces…

En d’autres termes, le fait de tirer bénéfice de manière « aléatoire » de la présence en ligne de contenus litige n’entraine pas application de la qualification d’éditeur, laquelle qualification aurait vocation à s’appliquer si lesdits bénéfices commerciaux peuvent être directement rattachés à un contenu mis en ligne, proportionnellement à la licéité des contenus générant de l’audience…

Cette solution revient en tout état de cause à analyser l’architecture du site, or ce critère avait été maintes fois écarté par la jurisprudence afin de prendre en compte la spécificité des « hébergeurs 2.0 ». Nous sommes encore loin d’un critère certain permettant de « tracer la limite », de définir précisément où se situe la ligne de démarcation, pour un prestataire du web 2.0, entre l’activité et la passivité…

Pourtant, il semble réellement que la notion-clé réside dans le fait que « l’hébergeur 2.0 » doit rester avant tout un « outil », mis à la disposition des internautes, certes extrêmement perfectionné et structuré, tant qu’à la fin la ligne est ténue… mais c’est bien l’internaute qui possède a la maîtrise, initiale et finale, du contenu diffusé.

Alexandra ZWANG

Doctorante Droit d’auteur & NTIC

(source : Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 1 Arrêt du 14 avril 2010 Omar S. et autres / Dailymotion.)

http://www.ip-sharing.com/affichactu.php?id=603

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