Cette même stratégie réglementaire se déploie progressivement pour l’ensemble des contrats vendus en banque, assurance, finance. Elle tend à offrir aux consommateurs / emprunteurs/ assurés les mêmes protections en phase de commercialisation, que le produit soit proposé par un intermédiaire indépendant des producteurs ou directement par un producteur.
Cette approche colle aux réalités des marchés, pour consacrer la fonction de distribution, indépendante de la production qui créée et qui porte les risques. Elle transforme en profondeur les principes juridiques applicables à la commercialisation des assurances, mais également des crédits et des produits d’investissement. Il reste à harmoniser concrètement les principes juridiques, quels que soient les produits, afin que la protection des consommateurs soit identique quels que soient les distributeurs.
Voté par 579 voix, avec 40 voix contre et 67 abstentions. Le 24 novembre 2015, voici la Directive « Intermédiation en assurances » (DIA 2 pour Insurance Distribution Directive, inexactement traduite par Directive Intermédiation en Assurances, car plus exactement « Distribution en assurances »), fortement adoptée par le Parlement européen.
Distributeurs : notion élargie.
La notion de "distributeur de produits d’assurance" est consacrée, qu’il s’agisse indifféremment d’un intermédiaire indépendant ou d’un salarié d’organisme d’assurance. Cette approche, désormais normative, prend acte de la transformation profonde qui traverse les secteurs de l’assurance, mais aussi de la banque et de l’investissement, incluant le crowdfunding. En France, les intermédiaires d’assurance (IAS) regroupent plusieurs statuts, bien installés (article L. 511-1 et suivants du Code des assurances).
Le régime de coopération entre Etats instaure une nouvelle surveillance des intermédiaires, dans le cadre de la Libre Prestation de Service (articles 5, 6, 7, 8 et 9 de la Directive). Un régime d’infractions spécifiques à la distribution d’assurance est précisé (articles 33 et 34 de la Directive).
Les distributeurs de produits d’assurance indépendants des producteurs, possédant l’un des statuts d’Intermédiaire, doivent s’enregistrer auprès d’une autorité compétente dans leur État membre d’origine (article 3). Ceci sera sans changement pour la France, qui dispose déjà du Registre unique des Intermédiaires, banque, assurance, finance, posé par l’article L. 546-1 du Code monétaire et financier et tenu par l’ORIAS (site de référence précieux autant pour les professionnels que pour les consommateurs). Toujours sans changement, les intermédiaires comme les conseillers des Organismes d’assurances se présentent clairement avant toute commercialisation (article 18 de la Directive DIA 2).
Cette disposition est essentielle, afin que le consommateur/assuré puisse correctement identifier leur place dans la chaîne de distribution/production. Encore faudrait-il que les consommateurs disposent d’une meilleure connaissance des circuits de distribution assurantiels, bancaires et financiers. Combien sont-ils qui comprennent le rôle et la place d’un courtier, par exemple ? Sans une éducation financière étoffée, l’information des professionnels reste une protection formelle, guère efficace.
Formation : obligations renforcées.
Un vendeur adapté à un produit, un produit adapté à un client, et quels que soient les canaux de vente : voici les trois pivots des transformations, en cours, de la protection des consommateurs. Tous les distributeurs de produits d’assurance, intermédiaires et personnels des organismes porteurs de risques, devront posséder "les connaissances et aptitudes appropriées leur permettant de mener à bien leurs missions et de satisfaire à leurs obligations de manière adéquate" (article 10).
Logiquement, après l’obligation de formation initiale, déjà répandue et inscrite en droit français (articles R. 512-9, R. 512-10 et R. 512-12 du Code des assurances, par exemple), voici venu le temps de la formation permanente, pour les IAS.
La formation professionnelle permanente prend "comme référence au moins 15 heures de formation ou de perfectionnement professionnel par an". Elle fait l’objet d’une attestation spécifique, d’un certificat.
L’Annexe (unique) de la Directive précise "les exigences professionnelles minimales en matière de connaissances et d’aptitudes pour la distribution de contrats".
Assurance RC Pro : 1,85 million de sinistres par année.
Les intermédiaires d’assurance disposent déjà d’une assurance RC Pro couvrant les conséquences pécuniaires de leurs fautes civiles. Ces assurances devront comporter des couvertures d’au moins 1,25 million d’euros par sinistre et de 1,85 million globalement pour l’ensemble des sinistres survenus sur une année.
L’assurance de garantie financière pour les fonds maniés pourrait s’élever à 4% des primes annuelles collectées avec un minimum de 18 750 euros.
Informations : caractéristiques essentielles du contrat et rémunération du distributeur.
L’assuré devra disposer d’informations standards lui permettant de bien comprendre les caractéristiques essentielles du contrat d’assurance proposé ; et de pouvoir comparer aisément ce contrat auprès du marché.
La délicate question de la conciliation de la défense des intérêts des clients, assurés, et des rémunérations des professionnels, est opérée. Les professionnels retirent, légitimement, une rémunération de leurs activités de distribution ; le législateur tend à voir dans cette rémunération un risque d’altération de la lucidité des distributeurs professionnels.
Pourtant, dans la distribution indépendante, la présence de nombreux produits issus de producteurs différents limite, structurellement, ce risque de conflit d’intérêts, davantage présent pour un distributeur lié à un seul producteur.
La Directive votée tranche la question : "Les États membres veillent à ce que les distributeurs de produits d’assurance ne soient pas rémunérés ni ne rémunèrent ni n’évaluent les résultats de leurs employés d’une façon qui aille à l’encontre de leur obligation d’agir au mieux des intérêts de leurs clients. Un distributeur de produits d’assurance ne prend en particulier aucune disposition sous forme de rémunération, d’objectifs de vente ou autre qui pourrait l’encourager, ou encourager ses employés, à recommander un produit d’assurance particulier à un client alors que le distributeur de produits d’assurance pourrait proposer un autre produit d’assurance qui correspondrait mieux aux besoins du client" (article 17 de la Directive).
Les assurés recevront ainsi des informations sur la "nature" de la rémunération du distributeur et non sur son montant (article 19). De fait, la manière dont le distributeur est rémunéré s’avère bien plus sensible que les montants de cette rémunération, souvent difficile à analyser par des consommateurs lesquels, par définition, n’ont pas d’expertise en distribution.
Les distributeurs ne pourront donc favoriser un produit en fonction de leur rémunération. Ce principe est évidemment d’un grand intérêt pour tous les intermédiaires, IAS, mais doit inspirer également IOSBP (banque et crédits), CIF (investissements), IFP et CIP (pour le crowdfunfing), d’autant que certains de ces statuts sont cumulables avec celui d’IAS.
Conseil : toujours central.
La Directive développe longuement les dispositions applicables en matière de conseil en assurances (article 20). La gouvernance des produits d’assurance fait son entrée : elle suppose des liens plus étroits entre fournisseurs et Intermédiaires. C’est par cette voie que le législateur européen va, dans une prochaine étape, relier l’adéquation des produits aux profils des clients (en banque.
Les produits d’investissement fondés sur l’assurance font l’objet de dispositions particulières, dans une logique d’harmonisation avec d’autres normes européennes. La tâche est lourde, tant la production des normes européennes s’est montrée, ces dernières années, foisonnante, dépourvue de ligne directrice solide, davantage compulsive que visionnaire.
Le devoir de conseil en distribution, dense, précis et étendu exhaustivement à tous les contrats de banque, d’assurance ou d’investissement proposés aux consommateurs, reste l’axe central des progrès potentiels en matière de protection des consommateurs.
Exemptions : limitées.
Pour les « petites » opérations (assurance accessoire à la vente d’un bien ou d’un service, prime annuelle inférieure à 600 euros), les dispositions de la Directive pourront ne pas s’appliquer (article 21).
Après la proposition de la Commission, en 2012, enclenchant le processus législatif ordinaire aboutissant au vote du Parlement en séance plénière, le 24 novembre 2015, il reste aux États membres à approuver le texte voté. L’approbation du Conseil de l’Union européenne sera suivie de la promulgation au Journal officiel de l’Union, point de départ du délai de 24 mois pour appliquer les 46 articles de la Directive (précédés de leurs 79 « attendus ») dans chaque Etat membre.
Espérons que la phase de transposition en droit français débutera dès 2016, et dans la concertation, contrairement aux tristes usages nationaux français. Dans le plus grand silence, en cette fin 2015, la Directive « Crédits immobiliers » est en cours de transposition en droit positif français, chamboulant au passage le Code de la consommation. Avec un niveau de concertation et de communication indigne d’une démocratie moderne, sans même un appel à consultation publique. Il serait regrettable d’attendre les derniers jours de 2018 pour fixer, sans concertation large, ouverte et construite, les nouvelles dispositions qui remplaceront celles en vigueur dans le Code des assurances.
Si une partie de ces dispositions ne crée pas de surprise, pour les intermédiaires en assurances français, il ne faut pas s’y méprendre : la Directive DIA 2 renforce nettement les obligations des professionnels. En précisant ou en alourdissant ces dernières, elle accroît également les risques de sanctions financières en cas de responsabilité civile professionnelle devant les tribunaux. Autant de motifs pour les Intermédiaires pour continuer d’étoffer leurs pratiques de Conformité, gage de sécurité de la distribution.
Texte complet de la Directive DIA 2 / IDD 2 votée le 24 novembre 2015