Divorce et déménagement.

Par Barbara Régent, Avocat.

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En application du Code civil, chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent. Comment assurer le respect de ce principe lorsqu’après une séparation, l’un des deux parents s’éloigne géographiquement de l’autre ?

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Lors d’une séparation, chacun va organiser sa nouvelle vie en fonction de ses contraintes personnelles, familiales et professionnelles et parfois s’éloigner géographiquement. Quelles vont alors être les modalités de résidence de l’enfant ?

Il faut avant tout se rappeler que plusieurs textes fondamentaux consacrent le droit de l’enfant à être élevé par ses deux parents :
- L’article 9.3 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) pose le principe du droit de l’enfant séparé de ses parents d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec chacun d’eux ;
- L’article 18 de cette même convention dispose que « les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement » ;
- l’article 373-2 du Code civil prévoit, en son 2e alinéa, l’obligation de maintien des relations personnelles des père et mère avec l’enfant.

Il résulte de ces dispositions que l’intérêt théorique d’un enfant de parents séparés est de bénéficier d’un temps parental aussi équilibré que possible.

Voir notre article sur les avantages et inconvénients de la résidence alternée.

Alors, quelle résidence pour l’enfant lorsque les parents sont éloignés géographiquement ?

Organiser une résidence alternée ou même un droit de visite élargi, par exemple, au milieu de semaine, n’est pas envisageable lorsque les parents ne résident pas à proximité. Chacun peut en effet comprendre que l’enfant ne doit pas subir des trajets trop importants, au risque de perturber ses temps de vie et de repos : les avantages que l’enfant pourrait retirer d’un temps parental équilibré seraient alors nettement inférieurs aux lourds inconvénients pouvant résulter des trajets.

Que dit la loi ?

Le législateur s’en remet au juge aux affaires familiales pour apprécier in concreto l’intérêt de l’enfant. Deux dispositions législatives méritent toutefois d’être citées :

En premier lieu, le Code civil prévoit que le juge, lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, prend notamment en considération la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure [1].

En deuxième lieu, la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a ajouté, à l’article 372-2 précité, un troisième alinéa ainsi rédigé :

« Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ».

Que peut on en conclure ?

- Aucune règle ni aucun principe n’imposent aux parents séparés de garantir une proximité géographique minimale de leurs domiciles ;
- Le droit d’un parent à déménager est total en vertu de la liberté, constitutionnellement protégée, d’aller et venir ;
- Il appartient au juge, en cas de déménagement d’un parent, d’en tirer les conséquences sur la résidence de l’enfant. S’il aura tendance à privilégier « le parent qui ne part pas » afin de préserver la stabilité des repères et de l’environnement de l’enfant, de multiples facteurs sont susceptibles d’infléchir sa décision, qu’il s’agisse de l’âge de l’enfant, du fait qu’il ait ou non des frères et sœurs, qu’il soit épanoui dans sa scolarité, du projet professionnel du parent qui s’éloigne, des liens que l’enfant entretient avec le parent « sédentaire », du cadre sécurisant que ce dernier offre à l’enfant… Le juge opère ainsi implicitement un contrôle de proportionnalité, dans l’intérêt de l’enfant, par lequel il examine si le transfert de résidence est suffisamment justifié au regard des contraintes qu’il fait peser sur l’enfant et des conséquences psychologiques sur son équilibre.

Quelques exemples au regard de la jurisprudence :

Le cas légèrement majoritaire est celui où le juge « sanctionne » le parent qui projette de déménager, en particulier lorsque cette démarche apparaît fondée sur des convenances personnelles, voire motivée par le désir de mettre fin à une résidence alternée ou de faire obstacle à la mise en œuvre du droit de visite et d’hébergement de l’autre parent. Dans ces hypothèses, la résidence pourra être transférée au domicile du parent qui ne s’éloigne pas afin de ne pas imposer à l’enfant une rupture trop brutale dans ses conditions de vie.

A l’inverse, lorsque les juges estiment que le déménagement d’un parent est fondé, non sur la volonté de refuser à l’enfant le maintien du lien affectif qu’il entretient avec l’autre parent, mais sur le désir d’offrir à l’enfant une qualité de vie meilleure, ils pourront ordonner le transfert de résidence de l’enfant au domicile du parent qui s’éloigne. Cette qualité de vie devra toutefois être démontrée par un projet professionnel sérieux, par des capacités d’hébergement plus confortables pour l’enfant et/ou par des racines familiales propres à assurer à l’enfant stabilité et sécurité. Lorsqu’il fait droit à la demande du parent qui déménage, le juge aura tendance à accorder, dans l’intérêt de l’enfant, un droit de visite et d’hébergement (DVH) élargi à l’autre parent, si ce dernier en formule la demande naturellement. Il pourra, par exemple, s’exercer par l’attribution au parent, qui n’aura pas la résidence principale de l’enfant, d’un temps de vacances avec celui-ci plus important.

Dans ce domaine, l’office du juge familial se révèle particulièrement complexe.

Une étude publiée en 2016 a d’ailleurs montré combien les pratiques en la matière ont tendance à varier d’un juge à l’autre, en fonction de leur sensibilité.

Ces différences d’approche, qui nourrissent la crainte d’un aléa judiciaire, renforce la nécessité de recourir aux modes amiables de règlement des différends (MARD). Parce que chaque famille est unique, chaque solution doit l’être également pour choisir, ensemble, ce qui sera tant bénéfique à l’enfant qu’à chacun des ex-conjoints. L’aide de professionnels permet bien souvent d’apaiser les conflits familiaux ou, a minima, d’éviter leur aggravation.

Avec un objectif essentiel : préserver l’enfant et lui éviter des dégâts psychologiques, parfois irréversibles, mais également que chacun puisse vivre sereinement sa nouvelle vie à construire.

Barbara Régent,
Avocate au Barreau de Paris, co-fondatrice des associations Les Avocats de la Paix et Humanethic
https://www.regentavocat.fr/

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Notes de l'article:

[1Article 373-2-11 du Code civil.

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